José Garcia (La boîte noire)

George Lima | 2 novembre 2005
George Lima | 2 novembre 2005

Thriller psychologique signé Richard Berry, La Boîte noire offre à José Garcia un rôle comateux et torturé dans la continuité du déroutant Couperet. La preuve par l'ex trublion du PAF qu'il faut savoir décoller les étiquettes et faire fi des préjugés.

Vous aviez lu la BD de Tonino Benacquista dont est adapté le film ?
Il me l'avait envoyée chez moi et comme je cours dans tous les sens, je l'avais posée dans un coin, entassée avec tous mes bouquins. A la fin du tournage, un soir, je déambulais dans mon salon et j'ai attrapé une BD : La Boîte noire. Le film au départ s'appelait Le Texas n'existe pas et je n'ai pas fait le rapprochement. En lisant, je me suis dit : « Tiens, c'est marrant, le mec a la même gueule que moi ! » Ce qui est très bizarre car j'ai créé le look du personnage sans connaître les dessins. Et puis, j'ai compris en regardant la signature que j'étais vraiment une des plus grosses truffes que j'avais jamais connues.

Votre personnage change de tempérament en cours de film. Ce qui a dû impliquer une certaine gymnastique pour vous ?
Attention à ne pas trahir le secret du film, sinon on est mort ! (rires) Pour en revenir à votre question, nous avons essayé de tourner au maximum dans la chronologie pour que ce soit plus facile. Mais, parfois, à cause de contraintes techniques, c'est assez complexe à réaliser. Dans ces cas-là, Richard (Berry) veillait au grain et me remettait les situations en tête. Se perdre est le danger des films à plusieurs vitesses. Il faut s'efforcer de garder un rythme, une logique interne malgré les différents niveaux de jeu. Il me fallait trouver plusieurs tempos dans la paranoïa et la fragilité pour ne pas que les gens s'ennuient. Si Richard me lâchait, j'étais mort. Quand on joue un personnage opaque avec un regard vide, c'est difficile de ne pas perdre l'intérêt du spectateur. Surtout quand on tient le film sur ses épaules. Je commence à enchaîner les films où, vraiment, si les gens ne viennent pas, c'est qu'ils n'aiment pas ma gueule. (rires)

 


Vous aviez déjà connu cela avec Le Couperet ?
Ce rôle m'a permis de prolonger l'expérience du Costa Gavras et de l'emmener beaucoup plus loin. C'est un exercice délicat d'ailleurs parce qu'on ne sait jamais jusqu'où on peut le pousser. Il faut définir des limites pour rester crédible.

 

La différence avec Le Couperet, c'est que, là, votre personnage n'a pas conscience de ce qui lui arrive.
C'est pire que ça. Il est conscient mais un pan de mémoire lui manque. Il n'est pas amnésique mais doit combler des trous pour résoudre des tas d'énigmes. Comme dit Richard, ce type là a eu un crash. Comme dans les avions, on a trouvé sa boîte noire après l'accident mais il faut maintenant la déchiffrer. Ce personnage est dans une fébrilité terrible parce que, s'il interprète mal, il peut gâcher sa vie !

Quelle facette du rôle avez-vous préféré interpréter ?
Jouer l'opacité est une expérience très enrichissante car elle vous donne la possibilité de travailler plein de rythmes différents. Pour prendre un exemple culinaire, quand on épluche une pomme de terre, malgré l'intérêt que représente cette activité passionnante, on n'est jamais vide. Et même si on croit l'être, on pense toujours à quelque chose. Le rythme du geste se transforme alors en accord avec nos pensées.

 


Votre personnage dans Extension du domaine de la lutte était lui aussi assez opaque.
Oui mais il était dans l'action. Là, mon personnage est dans le questionnement. C'est ce en quoi il est difficile de ne pas perdre les spectateurs.

 

Ce genre de rôle puise-t-il plus d'énergie que la comédie ?
Il n'y a rien de pire que la comédie. Les rôles les plus complexes en tragédie vous régénèrent, vous restructurent alors que les comédies vous lessivent et pompent votre énergie. En comédie, on est constamment à l'affût : il faut remplir l'espace, proposer et inventer, surtout quand le support scénaristique n'est pas bon. Quand on tourne une comédie, ça concasse. Et, à la fin d'un tournage, on n'est plus bon à rien.

Aviez-vous des contraintes de jeu inhérentes aux technologies dans le film ?
Dans La Boîte noire, la caméra est un partenaire à part entière. Elle n'est pas qu'un outil qui vient faire son numéro. Ici, les effets numériques avaient des adjuvants bien réels, comme dans la scène où j'ai des hallucinations. Nous l'avons tournée avec de vrais corbeaux pour me faciliter le travail même si une de ces gentilles bestioles m'a déchiré la tête et bouffé le crâne. Quand je bossais sur Canal avec Karl Zéro, j'ai tourné tous les matins pendant deux ans devant un fond vert. J'étais sevré. Le seul truc quand on fait semblant d'être agressé par des oiseaux, c'est qu'on a l'air très con. Mais bon, ça, j'ai l'habitude. Et puis, ça ne tue pas!

En quoi est-ce différent d'être dirigé par un acteur ?
L'avantage avec Richard, c'est qu'il a les mots. Les mots d'acteur à acteur. Il sait quels sont les termes qui nous parlent. C'était un atout essentiel pour ce rôle qui a tellement de directions que parfois je ne savais pas où aller. Il me suffisait d'une phrase de Richard pour me relancer.

 


Que pensez-vous de cette réplique du film : « Il y a trois personnages en chacun de nous : celui que l'on voudrait être, celui que l'on croit être et celui qu'on est. » ?
Quand je fais des photos, je les montre aux gens qui m'aiment, aux gens avec qui je travaille et à des gens qui ne me connaissent que de l'extérieur. Et personne ne choisit les mêmes. C'est pareil pour les personnalités que l'on a. Je préfère faire un pot-pourri des facettes que l'on me renvoie car elles ont toutes une part de vérité. Je ne veux pas avoir d'avis personnel sur la question : ça tuerait mon travail. Parce qu'être acteur, c'est se laisser modeler à volonté. Et puis avoir un avis sur ce que je suis serait très égocentrique et je n'ai pas une si haute opinion de moi même !

 

Propos recueillis par Marilyne Letertre.

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