The Punisher : pourquoi la série Netflix est un OVNI chez Marvel

Lucas Jacqui | 16 janvier 2023
Lucas Jacqui | 16 janvier 2023

La série Netflix The Punisher est arrivée sur Disney+, l'occasion de revenir sur cette pépite de noirceur dans l'univers cinématographique bariolé de Marvel.

Le croque-mitaine des criminels du célèbre éditeur de comics jouit d'une grande popularité chez les lecteurs comme les néophytes. Logique donc qu'il soit passé par la case adaptation à l'écran, et ce à trois reprises (en 1989, 2004 et 2008) sans grand succès. Jamais vraiment respectueuses ou ne comprenant pas ce qu’il représente, les différentes itérations du personnage n'ont fait qu'attiser l'idée que le Punisher ne serait jamais fidèlement adapté. Mais tout a changé dès son introduction dans la saison 2 de Daredevil de Netflix en 2016. En quelques épisodes, le ton est donné : le Punisher interprété par Jon Bernthal est là pour tacher l’univers Marvel.

En deux saisons, The Punisher de Steve Lightfoot se place parmi les meilleures adaptations sérielles de l'univers Marvel malgré sa qualité oscillante entre ses deux parties. Désormais, l'ancien programme Netflix est sur Disney+ depuis le 6 janvier 2023, un bon prétexte pour reparler d'une série à part dans le MCU au point où l'on se demande si elle peut trouver sa place dans cet univers cinématographique étendu.

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Photo Jon Bernthal"Johnny ! Viens ici que j'te bute !"

 

le point noir

La première saison de Daredevil a installé un univers sombre et réaliste pour le Diable Rouge. L'annonce du Punisher dans la suite laissait espérer une adaptation aussi torturée que brutale du justicier amateur de gros fusils. Dès sa première apparition, on découvre Frank Castle par sa croisade meurtrière et les cadavres perforés qu'il répand sur son passage. L'agressivité du personnage est là et sa psychologie est esquissée pour vraiment être approfondie dans The Punisher.

La première saison sort en 2017, en plein milieu de la Phase "pas prise de tête" de Marvel avec Thor : Ragnarok, Spider-Man : Homecoming et Gardiens de la Galaxie Vol. 2. The Punisher vient se poser à la table des Avengers et autres chevaliers blancs avec toute ses névroses et sa barbarie. L'intrigue fait de son héros un implacable bourreau inspirant la peur chez les malfrats dans des États-Unis où ses mesures extrêmes sont la seule solution contre la criminalité. La vision dépressive de la série imprègne même l'image aux teintes passées, voire jaunâtres, tel un drapeau américain perdant son éclat.

Loin de l'esprit léger des autres productions Marvel, The Punisher se place comme le point noir au milieu du tableau coloré du MCU. Le psychopathe est complètement éloigné de la communauté de porteur de capes, là où Daredevil gardait des allusions aux autres héros Marvel et intégrait des connexions aux films. Frank Castle paraît évolué dans un monde où aucun milliardaire en armure ne sauve les civils. Il est le seul capable de protéger la veuve et l'orphelin. Ainsi, la série s'approprie le genre du thriller, tantôt d’espionnage (avec l'agent Madani), d’action (les nombreuses fusillades sanglantes) ou psychologique (les cauchemars de Castle sur sa famille), plutôt que de l’aventure super-héroïque.

 

The Punisher : PhotoIl est Vengeance

 

Anti-Marvel

The Punisher se fait l’antithèse des codes du MCU. Déjà par son héros, plutôt un déséquilibré mental qu'un justicier, dont l'objectif de nettoyer les rues des criminels est un prétexte pour assouvir son envie de sang. C'est également un inadapté social incapable de construire une relation saine avec l'autre. Par exemple, il torture Micro, son futur allié, pendant un épisode entier afin de tester sa confiance. Même avec sa famille défunte, l’écrin idyllique auquel Castel s’accroche pour tenir paraît de plus en plus un fantasme basé sur des souvenirs réinterprétés pour le consoler.

Contre le Punisher, aucun vilain issu d'autres dimensions ou en costume moulant, les ennemis sont des ombres en col blanc inatteignables dont les armes sont le mensonge et la manipulation. Le contexte de la série est aussi noir avec des États-Unis brisés. Ses vétérans désillusionnés tombent dans la criminalité, voire le terrorisme nationaliste et complotiste, et les forces de l’ordre démunies ont deux trains de retards sur tout le monde dans leur travail. L'héroïsme n'est plus la solution et même les méthodes sans pitié de Castle perpétuent un cycle de criminalité impossible à briser puisqu'il va lui aussi générer des monstres – son frère d'armes Billy Russo (Ben Barnes) devient son rival Jigsaw et l'antagoniste de la saison 2.

 

Marvel's The Punisher : Jon BernthalJon Bernthal est né pour le rôle

 

Tous ces éléments explosent dans une violence plus graphique encore que dans Daredevil. Punisher se fait peintre en bâtiment en étalant cervelles et tripes de ses ennemis sur les murs à grand renfort de divers calibres et armes de poing. Cette fureur guerrière est incarnée par une réalisation dont les dispositifs scéniques ingénieux sont en quête de réalisme et d’immersion. On retient particulièrement la séquence de l'explosion de la bombe artisanale filmée en found footage, ou cette fusillade dans les bois en vue subjective retransmise sur l'ordinateur de l'Agent Orange pour illustrer son côté marionnettiste 2.0.

The Punisher se démarque donc énormément des standards super-héroïques de Marvel lors de sa sortie, et encore aujourd'hui elle fait figure d'exception. Steve Lightfoot et Netflix ont compris que l'intérêt du "vigilante" est d'être un contrepied aux Avengers et autres surhumains, tout en mettant en lumière les plus bas instincts des hommes dans une Amérique malade.

 

The Punisher Saison 2 : photo, Jon Bernthal, The Punisher"Promenons-nous dans les bois, pendant que le Punisher est là..."

 

back in black

Il est évident que la radicalité de The Punisher, dans ses visuels et ses sujets, ne rentre pas vraiment dans les cases de Disney/Marvel. La série est sur Disney+, mais est-il sain d'attendre un The Punisher : Born Again comme est en train de vivre Daredevil ? Pour Frank Castle, ce sont essentiellement des rumeurs infondées qui font état d'un retour du héros. Cependant, le Punisher est le seul dans la catégorie des ultra-bourrins dont la renommée dépasse les pages de comics. On serait donc bien étonné de voir Marvel Studios s'asseoir dessus.

La transition d'une plateforme à l'autre passera donc très probablement par un lifting du personnage et son univers. Avec presque 50 ans d'existence, le tueur de truands a été écrit et illustré par une multitude d'artistes. À l'image de Daredevil, la version proposée par Netflix s'inspire de quelques comics (ceux de Garth Ennis en particulier), mais n'est pas la norme pour le héros. À titre d'exemples, certaines séries s'aventurent dans des délires super-héroïques plus difficiles à faire accepter pour le grand public, comme le Punisher façon Monstre de Frankenstein, ou le Cosmic Ghost Rider (un croisement d'une Terre parallèle entre Ghost Rider, le Surfer d'Argent et le Punisher).

 

Marvel : comicsLe Punisher le plus punk

 

Il est plus envisageable que l'on retrouve un Frank Castle dans le style des comics des années 80-90. À cette époque, il est un Rambo urbain avec une violence rarement gore et un humour dans la veine des eighties. Dans Punisher #3 de 1987, Castle fait par exemple brûler un colonel en blaguant – gratuitement – sur le poulet qu'il aime bien frit. En 2022, le scénariste Jason Aaron et les dessinateurs Jesus Saiz et Paul Azaceta en font un seigneur de guerre d’une armée de ninjas, la Main (la même mafia que dans Daredevil), dans un très bon run plus fantastique que les histoires new-yorkaises du héros, une inspiration possible pour Marvel Studios.

Intégrer le Punisher au MCU permettra surtout d'offrir à l'exécuteur de gangsters d'interagir avec d'autres modèles d'héroïsme. Marvel Studios pourrait confronter les points de vue sur la justice et questionner la nécessité des combats des surhumains, notamment en mettant en opposition Castle au jeune Spider-Man (son premier ennemi dans les comics), ou au patriote Captain America. On avait déjà eu un aperçu de ce genre de relation dans la saison 2 de Daredevil, mais avec le MCU cela prendrait une tout autre ampleur. Et sait-on jamais, peut-être que le Punisher arborera son costume original collant noir à ceinture et bottes blanches.

 

Marvel : comicsMarvel vs les fans du Punisher

 

Entre la torture au sorbet de l'adaptation de 2004 avec Thomas Jane, et le Castle des comics laissant agoniser durant des jours un mafieux les boyaux à l'air, la série de Steve Lightfoot avait trouvé un juste milieu dans sa représentation de l'anti-héros. S'il y a peu de chance de retrouver exactement le Punisher de Netflix chez Disney+, le fabricant de passoires humaines reste un barbare et le sera toujours plus que n'importe quel héros Marvel. Ainsi, son arrivée dans le MCU a de quoi apporter de la nouveauté au sein d'un univers trop sage, au prix d'une violence moins frontale.

L'autre interrogation est de savoir si Jon Bernthal sera de la partie si refonte du héros il y a. L'acteur a affirmé à plusieurs reprises que ce personnage lui tenait à cœur et qu'il n'accepterait pas le rôle si le Punisher perdait son ton grave.

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commentaires
Grey Gargoyle
15/07/2023 à 18:39

Bonjour, le Punisher a toujours eu un traitement à part en matière éditoriale chez Marvel. Son créateur, Gerry Conway, ne cherchait pas à en faire un protagoniste principal mais à dénoncer la littérature populaire prônant l'autodéfense. Pour ce faire, il avait pastiché "Mack Bolan l'Exécuteur", le personnage d'une série de romans d'action dans la même veine que les SAS de Villiers. Manque de bol, une partie du lectorat américain pro-NRA s'est identifiée à ce personnage dont chaque apparition dans Spider-Man a été un succès commercial. Marvel a alors décidé de publier en conséquence un comic book dont le succès dans les années 80 et 90 a été fulgurant. Concernant les mouvements d'autodéfense aux USA, Marvel a toujours conservé une position ambivalente afin d'éviter de perdre de la clientèle. En même temps, la maison d'édition sait très bien que le Punisher et son légendaire costume font partie des symboles utilisés par des milices d'extrême droite sur le sol américain. D'où l'idée très astucieuse d'avoir fait appel au scénariste Garth Ennis pour jouer sur plusieurs niveaux de lecture quant à l'utilisation du personnage. Malgré tout, il est compliqué pour eux d'utiliser ce personnage de la même manière qu'ils le feraient avec Daredevil ou Luke Cage. Pour la série Netflix, ils ont plutôt réussi à trouver l'équilibre.

Kirby
18/01/2023 à 21:50

C'est surtout le MCU qui est une anomalie par rapport au Marvel historique. On parle quand même d'une firme de comics dont les héros, au mitan des années 80, pouvaient être radiés du barreau ( DD), alcoolique presque SDF ( Iron Man), angoissé voire limite dépressif lorsqu'il pensait à ce que leurs proches risquaient à cause d'eux ( Spider-Man)... Franchement, le monde des comics avant le MCU, ce n'était pas de la rigolade. C'est ce qu'avaient d'ailleurs bien compris Sam Raimi et Brian Singer, dans les premiers films dédiés à ces personnages. Et puis là, on parle du plus sombre des super-héros urbains, ceux là même qui étaient très couramment représentés dans des rues aux poubelles qui dégueulent avec un toxico à côté... S'ils ne changent pas leur angle de vision, je ne vois vraiment pas comment Marvel va pouvoir intégrer ça dans son MCU. Déjà qu'une reprise de Daredevil me terrifie...

Frank
18/01/2023 à 08:45

"Avec presque 50 ans d'existence, le tueur de truands a été écrit et illustré par une multitude d'artistes. À l'image de Daredevil, la version proposée par Netflix s'inspire de quelques comics (ceux de Garth Ennis en particulier), mais n'est pas la norme pour le héros. "

Euh la norme c'est certainement pas les trucs avec des super héros bondissant et des yeux qui tirent des lasers. Il a eu des guests dans ses séries et quelques éléments fantastiques mais on était quand même plus souvent dans des histoires de mafieux, de trafiquants et d'anciens soldats (y compris dans ses apparitions dans Daredevil dans les 80). Ennis est revenu à ça après des grosses dérives à la fin des 90 (la version ange de la mort) et depuis en dehors du run de Remender (avec le final con mais fun de FrankenCastle) on a eu surtout un retour du Punisher dans des histoires plus classiques. Les Punisher MAX c'est autre chose c'est un univers alternatif et traité volontairement avec plus de réalisme.

Flo
17/01/2023 à 12:07

Ils ont juste été fidèles à l'esprit du comic, comme toujours. À chaque type de héros son genre de personnalité - Scoop ! : les plus gentils sont généralement très contents et surexcités, les plus furieux pas du tout.

leduk
17/01/2023 à 11:20

Pourvu que marvel nen fasse pas une daube comme limmonde deadpool avec une fausse violence et un humour pathétique....

Pseudonaze
17/01/2023 à 06:41

Si plus Bernthal alors Franck Grillo !

Redwan
16/01/2023 à 18:04

Je crois que le meilleur passage c’est dans la saison 1 quand il se fait torturer. J’ai jamais vu un personnage autant adoré la torture.
En général,les séries Marvel sur Netflix ont bien été écrites et les scénaristes n’avaient aucune limite sauf iron fist. Disney a été capable de sortir la serie Pamela. Ils font bien la promotion de la série chippendales.Tout reste possible pour punisher et daredevil. Même si son traitement dans she Hulk fait un peu peur.

Flash
16/01/2023 à 17:38

Bernthal était vraiment fantastique dans le rôle de Castle, mais si Disney relance la franchise en édulcorant le personnage, autant prendre un autre acteur.

Myst
16/01/2023 à 15:18

@Akitrash Impossible de mélanger le spider man pour enfants de 12 ans de Tom Holland et le Punisher de Bernthal...

Akitrash
16/01/2023 à 13:36

J'avoue qu'une rencontre entre le Punisher froid et sangunaire de Jon Bernthal et le Spider-Man encore candide de Tom Holland, permettrait à ce dernier de passer dans l'age adulte de façon brutale mais très intéressante... Les deux commençant par être ennemis pourraient ensuite être amené à collaboré face un adversaire redoutable (Le Caïd, Kraven, le chasseur, etc...)... Voilà une idée intéressante....