Real Humans : pourquoi la série de SF d’Arte enterre toujours la concurrence

Antoine Desrues | 21 juillet 2022 - MAJ : 21/07/2022 18:03
Antoine Desrues | 21 juillet 2022 - MAJ : 21/07/2022 18:03

Depuis sa première diffusion en 2013, Real Humans s’impose toujours comme l’une des meilleures séries de SF de la décennie passée. Mais pourquoi ?

Si pour vous, le jeudi soir équivaut à la découverte de bonnes séries, c’est que vous avez probablement traîné sur Arte ces dernières années. Bien avant que Netflix ne s’amuse à mettre en avant des phénomènes issus d’autres pays que les États-Unis, la chaîne franco-allemande s’est spécialisée dans les créations européennes, en parvenant à souvent créer la surprise du côté des spectateurs.

Dans le domaine, difficile de passer à côté des séries venues du Nord, à l’instar de Borgen et de sa complexité politique exemplaire. Ainsi, on comprend ce qui a poussé Arte à acheter Real Humans sur son seul pitch ravageur au début des années 2010. Déjà, c’est de la science-fiction, ce qui peut paraître ambitieux pour une série suédoise au budget limité. Ensuite, la création de Lars Lundström a choisi d’aborder le genre sous le prisme de la robotique, dans un élan asimovien traité avec un respect impressionnant. Retour sur un diamant noir à redécouvrir d’urgence.

 

Real Humans : photoQuand tu reçois ton propre Mark Zuckerberg

 

Les androïdes rêvent-ils de prolétariat ?

Dans une petite ville quelconque du pays natal d’Abba, les hubots (contraction de "humains" et de "robots") sont désormais partout. Ces esclaves modernes, ressemblant comme deux gouttes d’eau à de véritables hommes ou femmes, peuvent être achetés pour faire le ménage, pour travailler à l’usine ou encore pour répondre aux désirs sexuels de n’importe qui.

Bien entendu, tout le monde ne voit pas ce progrès d’un bon œil, même si le programme des hubots les empêche de faire du mal à leurs créateurs. Ou du moins, c’était le cas avant qu’un virus informatique n’amène à la libération de la conscience de certains robots, bien décidés à mener une révolution pour sauver leurs congénères de l’oppression.

 

Real Humans : photoCycle des robots de la violence

 

Diffusée pour la première fois sur Arte en 2013, Real Humans a suscité l’adhésion avec sa première saison, qui a attiré pas moins de 1,3 million de téléspectateurs. Malheureusement, ce succès n’a pas été à l’avenant dans son pays d’origine, où la série a été stoppée après deux saisons, faute d’audience. Avec sa fin en eau de boudin qui laissait envisager une suite, Real Humans s’est tout bonnement fait couper les ailes, ce qui a sans doute joué sur son aura acquise avec le temps.

À vrai dire, le génie de la série réside dans la gestion de ses contraintes. Conscient qu’il ne pourrait pas se permettre un world-building futuriste coûteux, Lars Lundström a façonné son monde sur l’économie. Avec un peu de maquillage et des mimiques faciales reconnaissables, la mise en scène permet facilement de distinguer les hubots des humains, pour mieux les implémenter dans une société pas si éloignée de la nôtre.

Le showrunner a d’ailleurs assumé la dimension ouvertement allégorique de sa série. Or, Real Humans aurait pu trouver sa limite dans ce postulat, en privilégiant le sens de ses métaphores à la logique de son univers, voire en forçant un propos prémâché sur les dérives de la technologie.

 

Real Humans : photoNéo-sexe

 

Human After All

Pourtant, Lundström a réussi un petit miracle par la seule qualité de son écriture. Du hubot Mimi à l’avocate Inger Engman en passant par le complotiste Roger, Real Humans a su condenser une quantité phénoménale de sous-intrigues, sans jamais que l’ensemble ne paraisse indigeste. Chaque arc a sa raison d’être, tandis que le montage engendre un crescendo satisfaisant en les croisant au fur et à mesure.

De la sorte, la série évite le piège du pamphlet à charge, et préfère au contraire constituer une toile de points de vue opposés sur les problématiques centrales du récit. On y parle bien sûr de lutte des classes, mais aussi de condition de la femme, de la place des minorités (sexuelles comme ethniques) et plus généralement de discrimination sous toutes ses formes.

 

Real Humans : photoJean-Marie Bigard te parle de vaccination

 

Lundström aurait pu céder à une facilité politique confortable, mais Real Humans préfère prendre la forme d’un caillou dans la chaussure, qui passe son temps à interroger notre propre système de pensée et nos préjugés sur la situation au travers de la richesse de ses personnages, jamais méprisés ou sous-exploités.

Roger (brillamment incarné par Leif Andrée) en est sans doute le meilleur exemple. Dans les premiers épisodes, ce mari divorcé ne fait qu’éprouver une haine indéfectible envers les hubots, qui prennent des postes sur son lieu de travail et ont amené sa femme à lui préférer un être synthétique. Ce que représente le personnage, c’est la crainte logique d’une inconscience scientifique, mettant en valeur un progrès sans même s’interroger sur ses potentielles conséquences néfastes.

Et puis, alors qu’il infiltre un groupe de libération, son regard se met à évoluer, et à le confronter à un amour qu’il ne pensait pas possible. Là repose tout le brio de Real Humans : questionner nos sentiments, et l’illogisme qui semble justement définir notre humanité. Peut-on transmettre et recréer quelque chose d’aussi intangible ? Si le cœur des hubots peut faire boum, on vous laisse deviner l’effet de la série de Lars Lundström sur votre palpitant.

Real Humans est disponible en intégralité sur arte.tv, et est rediffusée à partir du 21 juillet 2022 sur Arte

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commentaires
rouls
15/09/2022 à 22:43

Ah bon? Je suis la seule à avoir trouvé la construction de l'histoire sans queue ni tête? Comme si les scénaristes ne savaient pas ce qu'ils allaient écrire à l'épisode suivant. Ca fait une série de situations complètement invraisemblables. La saison 2 surtout : on dirait qu'elle est écrite par des concepteurs de jeu vidéo. Aucune logique dans les événements et les comportements.

Salsifia
20/08/2022 à 16:58

Excellente série, j'espère qu'il y aura une troisième saison !

Rob Combot
09/08/2022 à 14:31

Excellente serie...brillante et intelligente ....

Dutch
29/07/2022 à 01:28

Cette série as du énormément influencer le jeu vidéo "Detroit become human" il y as les même thématiques, dommage qu'il n'y ai que deux saisons, c'est frustrant, les personnages et les situations étaient vraiment intéressantes.

pg
27/07/2022 à 16:44

super serie !

Salsifiz
23/07/2022 à 10:36

Oé la vanne sur Bigard au milieu j'étais pas prêt.
Vu que la 1ère saison qui est franchement excellente et très recommandable. Les intrigues sont très bien ficelées et de très bon personnages.
À voir pour ceux qui hésitent ;)

Pat Rick
22/07/2022 à 14:38

Bonne série en effet même si la durée de chaque épisode était un peu longue parfois.

Maxibestof
22/07/2022 à 12:07

Excellente série, mais effectivement quelle déception quand ils l'ont annulé...

Trinita
22/07/2022 à 07:24

Lucifer ? La vache j'ai rien compris tout va bien au moins rassuré moi ?

Faurefrc
22/07/2022 à 00:05

L’article m’a chauffé… mais quand j’ai lu qu’il n’y avait pas de fin. ça m’a refroidi direct.
C’est un peu comme Utopia (je parle de la version Uk, pas la ricaine que je n’ai pas vue) : super série hyper frustrante car non finie.
Bref difficile de se lancer dans une impasse vu la quantité de choses existantes.

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