Métal Hurlant saison 2, la folle interview de l'équipe

Simon Riaux | 12 juillet 2014
Simon Riaux | 12 juillet 2014

Guillaume Lubrano, réalisateur et co-producteur de Métal Hurlant chronicles, l'une des séries les plus ambitieuses, décomplexées et détonnantes du PAF, nous a accueilli dans les locaux de France 4, entouré de Frédérique Bel et Kamel Laadaili, deux de ses comédiens émérites. L'occasion de revenir sur le statut de cette production atypique et rafraîchissante, autant que d'aborder quelques sujets inattendus. Au programme, science-fiction, production hexagonale, statut du genre, nudité et masturbation.

Frédérique, nous vous rencontrons pour la première fois dans le cadre de Métal Hurlant Chronicles, comment as-tu rejoint l'équipe?


Frédérique Bel : Déjà je suis une fan de BD, donc je connaissais le projet et j'avais essayé de voir dans quelle mesure je pouvais jouer dedans. Et puis, plus de nouvelles, jusqu'à ce que je croise Guillaume Lubrano à Luchon. Là-bas je lui ai dit : "Appelle-moi, j'adore la science-fiction, je suis plus que motivée par l'idée et c'est aussi pour ça que je fais ce métier". Je trouve que se lever le matin pour aller tuer des zombies, c'est plutôt cool.

Et puis un matin, alors que je ne m'y attendais pas je reçois un message sur Facebook, me proposant de rejoindre un épisode, pour y jouer une brune un peu vénéneuse, ce qui tombait bien parce que je venais de me teindre les cheveux. Du coup il s'est dit : « on va la mettre à poil ! » C'est bien ça que tu t'es dit Guillaume ?

Le personnage m' a bien plu, parce qu'on m'en propose rarement de ce type, genre femme fatale. Et puis aussi parce que c'était en anglais et que j'ai rarement l'occasion de tourner en anglais. Je ne savais pas du tout que j'étais bilingue (rires). Mais ça s'est très bien passé, on avait un excellent coach, ce qui nous a permit de tourner toutes les scènes d'abord en français puis en anglais, ce qui est assez dingue. C'est ça la science-fiction en fait.


Tu n'es pas la première à nous dire, parmi les comédiens français, avoir très envie de s'investir dans un cinéma plus orienté vers le genre...


Frédérique Bel :J'ai fait des études de lettres, tout ce qui touche au fantastique m'a toujours passionnée. J'ai toujours été férue de films de SF, de littérature aussi, notamment Asimov et K. Dick, qui est le plus incroyable des auteurs de son époque. Tous ses romans sont des bases de scénars incroyables. Et puis j'ai fréquenté à une époque beaucoup de métaleux, des bikers. Du coup je suis rentré dans leur univers, j'aimais leur musique, leurs looks et tous les liens avec la SF. C'est un univers masculin que j'adore. Il pourrait sembler misogyne, mais finalement non. Les femmes y sont mises en valeur, elles sont belles, on n'est pas là pour être saccagées, comme dans certains films, ou uniquement pour mettre le héros en valeur. On y trouve des héroïnes fortes, comme Wonder Woman...

Il y a une ambivalence dans le genre, qui exige soit des femmes qu'elles s'émancipent et prennent le pouvoir, ou assument totalement un rôle de playmate cyberpunk...


Guillaume Lubrano : C'est vrai que Métal Hurlant et la SF en général font partie de l'inconscient collectif, on a été élevés là-dedans, on s'y retrouve. Ce sont des histoires qu'on a envie de raconter depuis longtemps. C'est pas étonnant que beaucoup de comédiens aient envie de ces univers, ils ont la même culture que nous et ont également envie de varier, de changer d'univers. C'est le force de cette série. On adapte une anthologie, donc je peux me permettre de changer d'approche, d'explorer de nouvelles facettes d'univers voisins. Même si évidemment je travaille à apporter à l'ensemble une cohérence, on a la chance de ne jamais raconter deux fois la même histoire ou de ne pas toujours arpenter le même type de décor.

C'est ce genre de défis que les comédiens peuvent apprécier. Sortir du sempiternel rôle de femme « working girl » « d'amoureuse » de « peste ». À partir du moment où on se contente de déplacer ces archétypes dans un univers futuriste, l'acteur doit recréer tout un schéma pour générer son personnage. Alors si en plus on fait l'effort de renouveler un peu les carcans psychologiques qui ont cours chez nous... Même le plateau en devient plus sympathique et fun.


Frédérique Bel : Parce que vous êtes des geeks ! Ce sont des passionnés. Moi j'ai tourné nue, j'ai pas eu un seul souci, ou un regard de travers. Sur des plateaux où on est 70, il y en a toujours un pour vous dévisager ou dire « Ah ben celle-là ! »... J'ai beaucoup tourné nue à une époque, parce que j'étais doublure corps de certaines actrices américaines.


Guillaume Lubrano : Ça va Simon, ça se passe bien ?


Je vais faire une petite rupture d'anévrisme et je reviens. Ce qui est intéressant, c'est que dans le cadre de la promotion, on entend toujours dire que tourner nue n'a pas été si terrible, que tout le monde a été infiniment respectueux. C'est très rare que les comédiens expriment autre chose sur le sujet...


Frédérique Bel : Il y a un crescendo. Quand vous arrivez, vous êtes en peignoir. Tout le monde est super gêné, et n'en peut plus d'attendre que vous retiriez le peignoir. Pendant quelques minutes, vous êtes Nicole Kidman, les gens savent que c'est dur. Vous lisez dans leur regard que vous êtes courageuse, que ça doit être très dur. Et puis on enlève le peignoir. Il y a deux cas de figures : ceux qui ont compris que c'était le boulot, ils matent un peu et puis on bosse, sinon il y a ceux qui bloquent. Ils bloquent. Et puis ils bloquent. Et après ils bloquent encore. Ceux-là je demande à ce qu'ils sortent. S'il ne savent pas gérer la nudité, qu'ils s'en aillent. Pas parce qu'ils me gênent, mais parce que visiblement je les gêne et qu'ils vont contaminer les autres, jusqu'à ce qu'on ne puisse plus bosser correctement.

 

En général on est en équipe réduite. Il n'y a plus un bruit. Ce qui est bizarre quand même. Parce que je suis nue, et qu'en plus tout le monde se tait, comme s'il n'y avait pas le droit de parler, c'est très intéressant. Mais comme vous êtes nue, on fait attention à vous, on vous donne un véritable espace. Au bout d'une heure, ce n'est plus du tout une équipe réduite, beaucoup de gens arrivent pour se rincer l'œil. Au bout d'une journée, c'est le moulin. « Allez ramène toi, y a la nana à poil ! Viens voir ! » C'est l'attraction. De « Elle est courageuse c'est énorme ce qu'elle fait » on passe à « Ah bah elle doit bien être exhib hein ? Elle aime ça ! » Et ça finit en « Chiche, on va choper son numéro » et autres challenges pourris.

Ce qui peut arriver aussi, j'ai eu ça une fois, c'est un réalisateur qui écrit une scène de fantasme. À l'époque j'avais besoin d'argent, j'ai accepté. Il y avait des menottes et pleins de trucs. Au moment du tournage, j'avais senti qu'il était chelou, je m'étais fait une touffe en drapeau anglais. Je m'étais rasée et j'avais demandé ça à une copine qui me fait mes faux cheveux, parce que ça coûte la peau du cul, c'est le cas de le dire. Il faut faire poil par poil et elle me demande ce que je veux. Comme je n'aurais pas été assez fournie de toute façon, on y est allés à fond et je lui dit : « Mon personnage est un mannequin londonien, fais-moi une touffe en drapeau anglais ». Et je suis arrivé sur le plateau, j'ai fait péter le peignoir, et hop, Union Jack !


C'est très James Bond.


Et là le réalisateur était gêné. Pas par ma présence sur le plateau, mais par le fait d'avoir imaginé une scène aussi érotique et de devoir la filmer. Il ne l'assumait plus, et dans ce cas, on te le fait payer très cher. Mais c'est pas ma faute à moi. J'en ai fait beaucoup. Dans Femme Fatale de De Palma, c'est moi qui double Rebbeca Romjin Stamos, pareil dans Vatel je fais Uma Turman.


Kamel Laadaili : Je suis fan de toi.


Toute mon enfance défile sous mes yeux.


Kamel Laadaili : Et dire que toute ces années, c'est sur toi que je me suis punché.


Frédérique Bel : Et oui !

Je vais Twitter ça tout de suite. Guillaume, je me souviens, la première fois que je t'ai interviewé, tu terminais juste la première saison, dont tu nous présentais un épisode. On te sent aujourd'hui beaucoup plus zen, serein.


Guillaume Lubrano : C'est mon côté acteur. En fait cette saison 2 a été très rude aussi. Parce qu'on s'est rajouté beaucoup de défis, on est allés encore plus loin, on a essayé d'élargir el spectre du type d'histoires que l'on peut raconter. Très fatigant donc, mais on savait où on allait. Avec la première saison, on a fait deux épisodes avant même de savoir comment on allait financer les suivants, en espérant que cela aiderait à débloquer les fonds pour y parvenir. Rien de tout cela ici, on connaissait la direction qu'on suivait, on n'était pas dans le débroussaillage de quelque chose où personne n'avait jamais mis les pieds en France. Là on a suivi un chemin qu'on a déjà arpenté, mais en essayant d'emprunter d'autres itinéraires.

Il fallait aussi répondre aux attentes des spectateurs et essayer de tisser plus avant le monde Metal Hurlant. Ensuite il y a toujours des choses que l'on veut améliorer, et que j'espère encore faire progresser sur la saison 3. Ça fait plaisir aussi parce que lors de la première saison, lorsqu'on allait voir les chaînes françaises, les gens n'y croyaient pas. Avec la saison 2, beaucoup ont la curiosité de voir ce qu'on a réussit à faire après cette première saison. Dans un sens, ça commence à rouler, on a une écoute et c'est de bonne augure pour les autres projets qu'on espère pouvoir développer. Je n'ai qu'une hâte, c'est que le paysage audiovisuel français se développe. On a de très bonnes séries comiques et policières. Il faut s'attaquer au reste du spectre maintenant.

Pour ma part j'estime que plus je travaille, plus je m'améliore. Je ne crois pas qu'on livre un chef d'œuvre de but en blanc. C'est du travail, une accumulation qui fait que l'on s'affine. Pas seulement le réalisateur, mais les techniciens et les comédiens aussi. La première fois que tu travailles sur fond vert, c'est très difficile, pour les comédiens, la machinerie, la lumière. Et au fur et à mesure, chacun prend l'habitude de maîtriser ces problématiques. Or, si on ne fait qu'un film tous les quatre ans, les équipes ne peuvent accumuler un savoir faire et être prêtes à résoudre efficacement ces problématiques.

Un film de SF prend quatre années à se faire, il reste un mois à l'affiche, et puis c'est tout. Toute l'expérience accumulée sur la fabrication du film s'évapore. N'oublions pas quand on voit des séries comme Battlestar, il y a derrière des gens qui ne font, réalisent, fabriquent et produisent que ça depuis trente ans. Le seul moyen d'arriver à des films réussis, c'est d'avoir des gens habitués au genre. Ce n'est pas en produisant un film tous les trois ans qu'on va y arriver. Et c'est comme ça qu'on pourra produire mieux pour moins cher.


Et toi Kamel, comment es-tu arrivé sur Métal Hurlant ?


Kamel Laadaili : Moi la science-fiction, c'était quand j'étais petit, via les comics. Et tui grandis tu réalises qu'en France, ça s'arrête à Joséphine Ange Gardien. Fin de l'histoire. Tu oulies. Je suis rentré dans le cinéma. Je devais taper des gens. Je faisais l'arabe au cinéma quoi. Et puis un jour on m'envoie une proposition pour Metal Hurlant. Vous parliez tout à l'heure des univers qui y sont liés, moi j'ai grandi dans le rap, donc je ne connaissais absolument pas. Du coup je rappelle Guillaume en disant : « tu t'es gouré, tu m'as envoyé un truc dans le futur ». Il me répond que c'est bien ça.

Je regarde le truc, je me dis que ça à l'air bien, je lui demande si c'est français, il me dit oui. Du coup je débarque la semaine suivante à toute vitesse.

J'arrive à Charleroi, je découvre les décors, tout le truc, le casting. Franchement, jusqu'à ce qu'on me dise action, je n'y croyais pas. Je me disais : « on se fout de ma gueule ». Jusqu'à ce que je me retrouve face à Scott Adkins et que je vérifie sur mon téléphone que c'est bien lui. Mais qu'est-ce qu'il fout là ?! Et puis ça a été très très vite, je leur ai dit que je voulais revenir. Pour nous tous c'est une aubaine. C'est un projet unique en France, qui marche à l'étranger, on est très bien reçus aux États-Unis.

Des gens commencent à se dire que c'est possible, que même quasiment sans argent, on prouve qu'on peut y arriver. C'est une vraie note d'espoir. Avec un peu de chance on va enchaîner sur une troisième saison, une quatrième, une cinquième qui sait ? Puis on arrivera peut-être à faire des longs-métrages comme ça ici. Tout est faisable. Moi je kiffe.

Histoire d'en découvrir plus sur les protagonistes de cet entretien, vous pouvez visionner la deuxième saison de Métal Hurlant chronicles tous les vendredi soirs sur France 4, ou vous fendre de quelques deniers pour vous procurer le Blu-ray, chroniqué prochainement dans ces colonnes. Quant à Kamel Laadaili, il est actuellement à l'affiche de Macadam Baby, après avoir participé à l'un des récents succès du cinéma hexagonal : Paulette. Frédérique Bel est également au cœur de l'actualité, avec Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ? Mais aussi avec La Liste de mes envies, de Didier Le Pêcheur. Un grand et chaleureux merci à France 4 et Justine Veillot pour cette entretien.

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