Dave Annable (Brothers & Sisters)

Stéphane Argentin | 18 septembre 2007
Stéphane Argentin | 18 septembre 2007

Sa carrière sur le petit écran débute à peine (un premier guest dans New York 911 en 2002), mais sa prestation dans l’un des grands succès télévisés de l’année passée outre-atlantique n’est pas passée inaperçu. Dans Brothers & Sisters, Dave Annabelle interprète Justin, petit dernier de la famille Walker, bien amoché côté moral par un petit séjour en « territoire ennemi » et les différentes drogues qu’il sniffe à intervalles réguliers. Soit tout le contraire du comédien à la ville qui prend la vie avec le sourire, heureux comme un poisson dans l’eau de pouvoir faire ce métier…

 

Attention aux spoilers : Cet entretien aborde différents éléments d’intrigue de la saison 1.

 

Propos et autoportrait (en fin d’article) recueillis au cours du 47ème Festival de Télévision de Monte-Carlo (juin 2007).

 

 

Comment a débuté l’aventure Brothers & Sisters pour vous ?

Je tournais dans une autre série l’année dernière intitulée Reunion qui a malheureusement été annulée. J’étais anéanti lorsque c’est arrivé. Brothers & Sisters fut ma toute première audition après cela et j’ai été l’un des premiers acteurs retenus. Puis, au fil des semaines, j’ai vu défiler tous ces noms de comédiens renommés et j’ai commencé à ressentir la pression et à me dire : « Oh merde, ça va être énorme ! » (rires). Mais en fin ce compte, je suis seulement le gamin le plus chanceux au monde.

 

Justement, jouer aux côtés de Sally Field, qui interprète votre mère dans la série, ce n’est pas rien ?

C’est tout bonnement incroyable ! Sally Field est une icône. Lorsque son nom a été confirmé au casting, je me souviens l’avoir annoncé à ma mère par téléphone et j’ai entendu un grand « boum » à l’autre bout du fil. Ça devait être sa tête qui venait de heurter la table (rires). Depuis, je n’arrête pas de la taquiner dès qu’elle me crie dessus : « Tu sais maman, Sally Field ne me crie jamais dessus comme ça ». « Je te déteste » me répond-t-elle (rires) !

 



Avez-vous des traits en communs avec votre personnage, Justin Walker ?

Certains mais la plus grosse différence vient du fait que je ne suis jamais allé au front comme Justin. Pour enrichir mon personnage, j’ai rencontré plusieurs vétérans en me rendant au San Diego Vet Hospital. Par « vétéran », vous imaginez plutôt des personnes qui ont fait le Vietnam ou bien la Seconde Guerre Mondiale et non un gosse de 19 ans qui a déjà servi en Irak. Et je dois dire que les histoires que ces vétérans ont bien voulu me raconter m’ont vraiment ouvert les yeux. Car il y a une sacré différence entre la guerre relatée par les médias ou encore les images de CNN et celle racontée par ces hommes qui l’ont vécu en première ligne. C’est d’ailleurs là tout le problème actuellement aux États-Unis : la guerre paraît si éloignée. Pour cette raison, des liens très forts se nouent entre les soldats tandis que la relation qu’ils entretenaient avec leur famille évolue. C’est là le cœur de la série : l’amour est toujours réciproque mais il y a désormais ce « mur invisible » entre eux.

 

Comment expliquez-vous que Brothers & Sisters, qui traite de la guerre en Iraq, réussisse là où une série comme Over there a échoué (la série a été annulée au terme de sa première saison faute d’audience, NDR) ?

J’ai découvert Over there en DVD et je la trouve excellente (lire notre test NDR). Qui sait si une diffusion sur un grand network et non une chaîne câblée comme FX ne lui aurait pas ouvert d’autres horizons ? De son côté, Brothers & Sisters a été très bien accueillie. Il y a d’ailleurs une scène où je me rends dans un hôpital en compagnie de Rob Lowe et pour laquelle de véritables vétérans ont été castés. L’un d’entre eux avait 20 ans et déjà trois séjours en Irak derrière lui, ce qui donne à réfléchir. En tant qu’acteur, je ne peux pas faire grand-chose de plus que ce qui est déjà écrit dans le script. Le vrai travail se fait en amont, au niveau de l’écriture. Et je crois qu’à ce niveau-là, les scénaristes ont plutôt bien fait leur travail pour trouver le ton juste.

 

Ce thème du conflit iraquien abordé dans la série a-t-il été mal accueilli par certains ?

Les retours ont été très positifs dans leur ensemble. Le sujet le plus délicat se situe au niveau politique avec l’éternelle opposition entre Républicains et Démocrates. Mais là encore, les scénaristes sont parvenus à maintenir une certaine « neutralité politique ».

 

Pensez-vous que ces divergences politiques soient représentatives de la « famille américaine » ?

Bien sûr. Les différents membres d’une même famille ont tous leurs propres opinions. Chez les Walker, le meilleur exemple de ces divergences se retrouve dans l’opposition entre Nora (Sally Field) et Kitty (Calista Flockhart).

 



Comment décririez-vous la famille Walker ?

Avant tout comme une famille dysfonctionnelle (rires). Mais je crois qu’à un niveau ou un autre, toutes les familles le sont. Il y a un frère gay, une entreprise familiale… Autant d’éléments qui permettent à cette famille de transcender les frontières des États-Unis. Tout du moins je l’espère.

 

Êtes-vous vous-même issu d’une famille nombreuse ?

J’ai deux frères et deux sœurs. Je suis le troisième. J’ignorais donc ce que c’était que d’être le petit dernier mais j’ai vite compris sitôt la série démarrée : « Ah, c’est ça d’être le bébé de la famille ! Ça craint ! » (rires).

 

Avec une famille aussi dysfonctionnelle, comment expliquez-vous le succès de la série ?

Tout le mérite en revient avant tout à la qualité des scénarii, et notamment à Robin Baitz (le créateur du show, NDR) qui a rédigé le pilot. Cette magie sur le papier a ensuite été transcendée à l’écran grâce aux liens que nous, acteurs, avons noué en coulisses au fil du tournage. À présent, nous formons nous aussi une grande famille off caméra. Me retrouver au milieu d’un casting comme celui-là était d’ailleurs très intimidant. À mon niveau, c’était un peu comme débarquer en première ligue (rires).

 

L’alchimie à l’écran entre les différents membres de la famille Walker fonctionne à merveille mais cette alchimie a-t-elle été difficile à obtenir en coulisses ?

En fait nous avons tourné deux pilots. Entre les deux versions, certaines scènes ont été réécrites et Sally Field et Matthew Rhys nous ont rejoints (en remplacement respectif de Betty Buckley et Jonathan LaPaglia, NDR). Au cours des premières semaines, tout le monde s’observait, puis nos relations ont évolué d’elles-mêmes, comme pour une vraie famille. Compte-tenu des heures que nous passons ensemble chaque jour, nous avons eu amplement le temps de faire connaissance au cours de la saison.

 



Lors de ce recasting, avez-vous eu peur d’être vous aussi remplacé ?

Bien sûr. Entre le network, le studio et les producteurs, tout peut arriver. Les acteurs se font embaucher puis dégager… La situation est assez effrayante de ce point de vue. Si vous êtes retenu aux auditions, vous signez un contrat pour cinq ans et vous vous dites : « Super, ça va être génial ». Et peu de temps après, vous vous faites virer (rires). Par chance, je touche du bois, je n’ai jamais été recasté jusqu’à maintenant.

 

La série mélange drame et comédie. Le passage de l’un à l’autre est-il facile ?

Sur Brothers & Sisters, nous avons la chance d’avoir un casting de joyeux lurons. De plus, n’importe quel drame a besoin de moments comiques de temps à autres, histoire de pouvoir souffler un peu. Au fil de la saison, l’équilibre entre les deux a fini par s’établir tandis qu’au lancement de la série, on tâtonnait un peu pour trouver un juste milieu.

 

Pouvez-vous nous dire quelque chose sur la saison 2 ?

J’aimerais bien mais je ne sais absolument rien. J’ai envoyé des fleurs, des chocolats. J’ai juré d’apporter davantage de filles sur le plateau mais ils n’ont rien voulu me dire (rires).

 

Serez-vous au moins présent dans les premiers épisodes ?

Honnêtement, croyez-moi, je n’en sais strictement rien. J’interprète le gosse de la famille, celui que tout le monde cajole. J’ai même été voir Ken Olin (producteur exécutif et réalisateur, NDR) en lui disant : « Cette série, c’est le plus grand moment de ma vie. Par pitié, ne me tue pas ! Dis-moi que je serais de retour ». Il n’a rien voulu me dire (rires). Pour l’anecdote, au cours d’une scène très émouvante face à Sally Field dans le season finale qu’il a réalisé, Ken n’arrêtait pas de me charrier en hurlant « incoming » depuis les coulisses. Et tout le monde était mort de rires (rires).

 

Au cours de la première saison, Justin était en proie aux démons de son précédent séjour au front. Pensez-vous qu’il soit mieux préparé cette fois ?

Justin s’était engagé au lendemain des attentats du 11 septembre, sur un coup de tête si l’on peut dire. Lorsqu’il apprend qu’il doit y retourner, il perd les pédales. Cette scène dans un hôpital de vétérans en compagnie de Rob Lowe sert précisément à lui démontrer pourquoi il s’était engagé la première fois : pour venir en aide aux soldats blessés. À présent, il accepte cette situation. Nous verrons bien ce qu’il advient à son retour. Si jamais il revient (rires).

 

Quand débute le tournage de la saison 2 ?

La deuxième semaine de juillet. L’année passée fut longue car nous avons tourné 28 épisodes (la première saison n’en comporte officiellement que 23, NDR).

 



Depuis le tournant du millénaire, l’on assiste à une véritable « guerre des séries ». Quel est votre opinion à ce sujet ?

La télé américaine est très « amusante ». Les chaînes commandent entre vingt et trente pilots chaque année et n’en retiennent que quatre ou cinq à l’arrivée. Ils ne donnent plus leur chance aux différentes séries. Si les audiences ne sont pas au rendez-vous au bout de trois ou quatre épisodes, vous dégagez. Si ce mode de fonctionnement avait été en vigueur dans les années 80/90, des séries comme Cheers ou Seinfeld n’auraient jamais franchi le cap de la première saison alors que leurs audiences n’ont cessé de croitre au fil du temps. De notre côté, nous avions la chance d’être diffusé juste après Desperate housewives. Il y a pire comme lead in (rires). Les audiences étaient excellentes dès le départ et se sont maintenues par la suite. Et puis, vous ne pouvez pas non plus passer tout votre temps à observer ce qui se trame chez la concurrence. Il faut se focaliser sur sa série et dans notre cas, nous disposons d’un package d’ensemble très solide : l’histoire, les personnages… Avec un peu de chance, nous sommes lancés pour plusieurs années.

 

Vous avez du être soulagé en apprenant que la série aurait droit à une saison complète puis une deuxième saison ?

Oh oui ! Une fois encore, il y a tellement de candidats au départ et si peu d’élus à l’arrivée que lorsque la nouvelle est tombée, je bondissais de joie dans tous les sens. Et à l’annonce du renouvellement pour une deuxième saison, j’ai enfin pu pousser un grand « ouf » de soulagement. Puis, j’ai réfléchi deux minutes et je me suis dit : « Attends, ton personnage repart en Irak ? Donc, ce n’est pas sûr que toi, tu sois de retour ! Et merde ! » (rires). Finalement, vous ne pouvez jamais souffler dans ce milieu.

 

Aujourd’hui, comment voyez-vous le statut « d’acteur de séries » par opposition aux acteurs de films ?

Depuis quelque temps déjà, de plus en plus d’acteurs de longs-métrages s’essayent aux séries télés. En discutant avec certains d’entre eux que je connais, ils me disent qu’il y a assez peu de bons films en ce moment, contrairement aux séries. Mon expérience dans le milieu est encore très limitée contrairement à une Sally Field par exemple qui dispose d’un CV long comme le bras. Je ne suis donc pas vraiment en position pour pouvoir comparer. Je dirais simplement qu’il n’y a pas plus de garanties à la télévision qu’au cinéma. Vous avez beau signer un contrat vous engageant pour plusieurs années, si le pilote n’est pas retenu ou bien si la série est annulée, vous n’êtes pas plus avancé. Et bien qu’une série télé puisse être un formidable tremplin pour une carrière sur grand écran, la scission « acteur série / acteur ciné » tend à disparaître car dans un cas comme dans l’autre, le plus important reste avant tout le matériau de départ.

 

Y a-t-il des réalisateurs de longs-métrages avec lesquels vous aimeriez travailler ?

Oui. Ma liste doit comporter à peu près 4000 noms (rires). Je citerais sans surprise les plus grands : Scorsese, Spielberg, Eastwood… J’avais d’ailleurs passé une audition pour Mémoires de nos pères. J’étais le « soldat n°6 » qui se fait tuer dès le départ mais je m’en foutais. Paul Walker a accepté un rôle alors qu’il n’avait que quelques lignes de dialogue. Vous acceptez pour avoir le privilège de travailler avec une telle légende. Clint Eastwood serait assurément le n°1 sur ma liste.

 

Pour finir, pouvez-vous nous dévoiler le dénouement qui était prévue dans Reunion ?

Voilà ce que j’ai entendu dire : c’est la fille de Will et Sam qui aurait accidentellement tué sa mère. Mais elle respirait encore lorsque le sénateur l’a découverte et c’est lui qui l’aurait donc achevée en l’étouffant. J’ignore si c’est vrai ou non et peut-être ne connaitrons-nous jamais la vérité, ce que je trouve dommage car même si les audiences n’étaient pas exceptionnelles, la série avait un fan-base bien installé qui mourrait d’envie de découvrir le fin mot de l’histoire. Ils auraient pu essayer de clore le tout plus « proprement », en tournant un téléfilm de deux heures par exemple. Mais bon, je ne vais pas me plaindre non plus car sans Reunion, je n’en serais pas là aujourd’hui.

 

 

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