Preacher : la nouvelle série diabolique d'AMC est-elle le choc annoncé ?

Jacques-Henry Poucave | 16 juin 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Jacques-Henry Poucave | 16 juin 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Comics culte s’il en est, Preacher vient de débarquer en série sur AMC. Après trois épisodes, un premier bilan s’impose.

Après avoir reçu d’une entité, échappée du Paradis et prénommée Genesis, le pouvoir de soumettre quiconque à sa volonté, le Prêcheur Jesse Custer part en quête de Dieu (littéralement), flanqué de son ex-compagne et d’un vampire irlandais.

épisode 3

 

Amen to that !

Avec un curieux attelage du côté de la production (Seth Rogen et Adam Goldberg, deux habitués de la comédie potache), un univers aussi complexe que violent et provocateur à porter à l’écran et un casting intéressant mais pas forcément aguicheur pour le grand public, Preacher prenait le risque de virer à la catastrophe.

Autant le dire tout de suite il n’en est rien. Sans être une baffe esthétique, la  nouvelle série de AMC n’a pas à rougir face aux poids lourds actuels. Sa reconstitution d’un Texas poisseux à souhait est plaisante, ses dialogues fleuris, évoquant un purgatoire désespéré mais goguenards font souvent mouche, et le monde à mi-chemin entre satire et fantastique qui se déploient sous nos yeux font mouche.

Après trois épisodes, si tous nos espoirs ne sont pas foncièrement comblés, il est néanmoins clair que le show en a dans le ventre, et pourrait nous surprendre.

Preacher

 

Plus on est de fous…

La première réussite de Preacher tient à ses personnages. Cassidy tout d’abord, sans doute un peu moins subtil que dans le comics (mais après trois épisodes, le scénario a encore tout le temps de le développer…), ce vampire irlandais proto-punk, alcoolique et ultraviolent est un régal de charisme.

Son interprète Joseph Gilgun navigue en permanence à la limite du surjeu hystérique, mais parvient à trouver l’équilibre funambule entre folie furieuse et inconséquence qui fait le sel de son personnage. Même constat du côté de Ruth Negga. Si on sait depuis le Loving Cannois de Jeff Nichols qu’elle a tout pour entrer dans la cour des grands, c’est peut-être ici qu’elle nous offre sa performance la plus cinégénique.

épisode 3

Tour à tour magnétique, sensuelle ou lumineuse, elle propose une Tulip là encore différente de l’œuvre originale, mais qui s’insère parfaitement au sein d’un trio de tête, où Dominic Cooper surprend. On pouvait légitimement s’inquiéter de le voir dans la peau de Jesse Custer, prêcheur blasé, possédé par une entité lui conférant un pouvoir quasi-divin (et un paquet d’emmerdes).

Mais contre toute attente, Cooper s’avère à son aise dans la défroque de ce pasteur aux mœurs discutable. Toujours à la lisière de l’explosion, charriant de lourds secrets, il tient pour l’instant efficacement la barre et occupe l’espace idéalement, entre ses deux acolytes détonants.

bande-annonce

 

De la viande sur les murs

Preacher ne fait pas de prisonniers. En trois épisodes, on aura eu droit entre autres à quelques fractures ouvertes, à des para-militaires explosés à coups de bazzoka et de petits soldats, et aussi à un tronçonnage en règles, particulièrement gores, ainsi qu’à une charge rigolarde sur la probité des hommes de foi.

Bref, si on n’atteint pas encore le niveau d’agressivité vis-à-vis des institutions religieuses et morales du comics, le show d’AMC semble bien parti pour en respecter l’esprit et ne pas s’excuser d’exister. On ignore si le show portera ses personnages avec autant de liberté, traitera de leurs psychés torturées avec la même liberté, mais cela semble bien parti pour.

épisode 3

 

Roue libre

Autre raison de se réjouir, Preacher assume pour le moment totalement sa dimension d’adaptation. Il paraît désormais évident que le récit qui nous attend sera bien différent du comics. L’introduction des divers personnages diffère, leurs motivations sont pour le moment sensiblement bien différentes, et la temporalité chamboulée.

En gros, Rogen et Goldberg ont probablement jugé pertinent de nous montrer plus en détails la vie de Jesse avant que tout ne s’emballe et ne parte en cacahouètes. Un choix intelligent, en cela qu’il devrait permettre de proposer une narration plus adaptée au format épisodique et télévisuel.

Ainsi, même le fan de Preacher, s’il retrouvera indubitablement l’univers de Garth Ennis, sera bien en mal de deviner dans quelle direction va l’emmener la série. D’où un sentiment de surprise réelle, allié à un véritable respect du comics, qui nous mettent en confiance pour la suite.

épisode 3

 

Où c’est qu’on va ?

Attention toutefois, après trois épisodes, la série a fait le choix courageux de ne pas tout livrer tout cuit dans la bouche du spectateur, de préserver le plus possible ses mystères. Par exemple, on imagine que nombreux sont ceux qui s’interrogent sur le rôle ou la nature de Fiore et DeBlanc (campés par les excellents Tom Brooke et Anatol Youssef).

On salue la volonté de Preacher de jouer la carte de l’énigme et du mystère. Néanmoins, la série devra rapidement abattre quelques unes de ses cartes, au risque de nous perdre, ou de se faire passer pour une production misant plus sur le style que sur la narration.

épisode 3

En effet, l’univers de Garth Ennis charriant une énorme mythologie, les scénaristes ne pourront pas continuer très longtemps à égrainer les séquences énigmatiques, sans charpenter leur scénario, ou confier à leurs anti-héros des motivations plus clairement tangibles. De même, gare à ne pas les simplifier trop. Entre l'introduction cryptique du Saint des Tueurs ou de Herr Starr et la version édulcorée de Arseface qui nous est proposée, la série doit pouvoir trouver un juste milieu.

 

Stop ou encore ?

Pour nous convaincre totalement, Preacher doit désormais rentrer dans la chair de son héros, en faire l’ange exterminateur si bien campé sur le papier, le confronter à ses démons et nous embarquer vraiment dans la folle odyssée qui a déjà passionné des centaines de milliers de lecteurs.

Enfin, le véritable point fort de la série réside dans son ADN : Preacher ne ressemble à rien de connu et paraît difficilement prévisible. A l'heure où les productions phares des networks ou chaînes cablées s'inquiètent trop du public et lèvent parfois trop le pas en terme d'audace, ce petit vertige sanglant est précieux.

Preacher

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commentaires
Grift
18/06/2016 à 17:19

@Tom : merci ! :)

Tom
18/06/2016 à 15:23

Grift c'est diffusé sur OCS

Grift
17/06/2016 à 15:20

@LaRedaction :
C'est diffusé sur quels canaux en france ?
Merci d'avance.

Christian53
17/06/2016 à 12:43

Super

ced
16/06/2016 à 22:11

D'accord avec yellow sublime surtout niveau progression d'intrigue imprévisible

yellow submarine
16/06/2016 à 18:00

en certain points je trouve que cette série fait penser à Breaking bad. Au niveau de la progression narrative par exemple.

En tout cas je suis pour le moment très emballé. Tout est très soigné de l'image aux acteurs rien a redire.

ced
16/06/2016 à 17:25

Diffèrent du comics mais efficace pour le moment...une tuerie en devenir