Et si Homeland saison 5 était enfin devenue la digne héritière de 24 heures chrono ?

Geoffrey Crété | 5 janvier 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 5 janvier 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Il y a eu le temps de la révélation : en 2011, Homeland était lancée dans le bruit et la fureur, considérée comme l'une des meilleures séries de l'année par le public et la critique. Puis, celui de la déception : en 2013, la saison 3 prenait un virage inattendu qui n'a pas convaincu, et prenait le risque de briser ce que beaucoup considéraient comme le coeur de toute l'histoire. En 2014, la saison 4, avec ses airs de renaissance, bénéficiait d'un effet de curiosité. Mais en 2015, c'est l'indifférence : la cinquième saison, qui se déroule à Berlin, n'alimente plus aucune haine ni déception, ne suscite ni colère ni surprise. Claire Danes a même être boudée par les Golden Globes, qui avaient encore salué son travail pour sa quatrième année en Carrie Mathison (sa première nomination qui n'a pas mené à la statuette, après quatre victoires).

Pourtant, cette saison 5, plus simple et palpitante, pose de manière très claire une question : et si Homeland était enfin devenue l'héritière de 24 heures chrono ?

 

homeland

 

Le pont entre 24 heures chrono et Homeland n'est pas nouveau. La version américaine de la série israélienne Hatufim a été créée par Howard Gordon et Alex Sansa : le premier a été producteur et scénariste des aventures de Jack Bauer (à l'exception des saisons 5 et 6), et le second a rejoint l'équipe dès la septième saison. Homeland porte donc dans son ADN l'héritage de Jack Bauer, de ses questionnements profonds sur la patrie à la multiplication des menaces pour forger une image héroïque d'une Amérique fragilisée, profondément ébranlée par le 11 septembre.

Mais le spectre de 24 heures chrono, s'il a toujours plané sur Homeland, n'a jamais été aussi présent et évident que dans cette saison 5. L'intrigue s'ouvre à Berlin, où Carrie a désormais quitté la CIA pour reprendre une vie normale avec sa fille et un juriste, qu'elle a rencontré dans le cadre de son nouveau travail au sein d'une fondation créée par un riche philantrope. Comme Jack Bauer, l'ex-espionne autodestructrice désire se reconstruire. Et comme lui, elle sera embarquée malgré elle dans une sombre histoire de trahison et de manipulation liée à son passé, qui vont l'obliger à reprendre du service au nom de sa famille et sa liberté, quitte à amocher un peu plus sa nature humaine et sa vie personnelle.

 

Carrie

 

Pour la deuxième fois, Homeland change de décor : après la quatrième saison située en Afghanistan, cette année se déroule principalement à Berlin, au coeur de l'Europe. Là encore, le schéma se repète : pour redynamiser la formule, 24 heures chrono avait déplacé l'action de Los Angeles vers la côte est (Washington, New-York), en Afrique le temps d'un téléfilm, avant de décoller vers Londres pour la neuvième saison. Nouveau décor, nouveaux enjeux, nouveaux personnages, nouveaux bureaux interchangeables : Homeland reprend son trio désormais métamorphosé (Carrie, Saul, Quinn), bouleverse leur dynamique avec de nouveaux seconds rôles pour étoffer et compliquer leurs relations, et place sur leur route des antagonistes clairs, au coeur d'une intrigue qui se boucle en une saison. 

Il n'y a qu'à regarder les "Précédemment dans Homeland", animés par la musique de Sean Callery (compositeur de 24 heures chrono), pour avoir l'étrange impression de revoir les délicieuses ficelles des improbables aventures de Jack Bauer : patriotisme contrarié, cellules terroristes cachées au coeur d'une métropole, préparatif d'un attentat à grande échelle, trahison intime, taupes infiltrées au coeur du système américain, romances compliquées, personnage laissé pour mort mais bel et bien en vie, révélations improbables, et même l'explosion d'un avion témoignent d'un vif désir de recalibrer Homeland pour en faire une série moins intellectuelle (l'aberrante coïncidence de Quinn repêché par un proche des terroristes), moins bavarde, et plus claire dans ses intentions.

 

Mirando Otto

 

L'identité du super-héros Jack Bauer, elle, s'est diluée entre Carrie et Quinn. Elle, déchirée entre ses obligations familiales et son rôle de patriote (mère, amante, mais avant tout espionne), est tourmentée par ses démons, et semble de plus en plus condamnée à une solitude morbide, que seule la mort et la disparition identitaire pourraient régler. Lui, soldat sans foi ni loi, prêt à n'importe quel sacrifice héroïque ou absurde au nom de son pays, emprunte la voie du survivor impitoyable et increvable (son expérience avec le gaz Sarin rappelle que Bauer a survécu à une arme bactériologique, parmi d'autres choses incroyables).
 

Quinn

 
Dans sa dernière ligne droite, la saison 5 de Homeland va même jusqu'à lancer un compte à rebours symbolique pour stopper un attentat en plein Berlin, où Carrie réintègre sans trop de difficulté l'agence qu'elle a quitté grâce à sa détermination et ses talents (à la manière de Bauer dans certaines saisons). La cohabitation de cette intrigue principale avec une autre, plus intime puisqu'elle concerne une taupe liée aux héros, rappelle là encore l'architecture dramatique de 24 heures chronos, qui reposait sur le mélange habile de plusieurs conflits, jouant sur les tableaux professionnels et personnels, et entremêlés jusqu'au climax principal. Avec une volonté très claire de séparer les protagonistes pour mener leurs histoires en parallèle, autour d'une seule et même intrigue qui les relie de manière plus ou moins artificielle, et permet de nourrir le suspense, comme dans 24 heures chronos.
 
Homeland a t-il négocié un virage franc pour éviter le fossé, ou a t-il enfin assumé sa véritable nature de 24 heures chrono alike ? Une chose est claire : avec une sixième saison commandée, et des déclarations de la chaîne évoquant de nombreuses années en stock, Carrie Bauer-Mathison a trouvé un moyen de survivre. A n'importe quel prix, et sans se retourner vers Brody ou ses débuts sur Showtime.
 
 

Poster

 

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commentaires
actarus 2001
01/01/2016 à 20:29

Un bon cross-over Carrie et jack a venir???? Ce serait 24h pour Homeland

Annatune
28/12/2015 à 16:14

Un peu facile et simpliste de résumer tout ça à la fin de Brody. La série a pris un sacré risque en le tuant (d'autant qu'il était à l'origine censé disparaître à la fin de la saison 1), et son intrigue tournait en rond (Carrie et lui, lui et sa famille), donc s'il était encore là, j'imagine qu'on serait beaucoup à critiquer la redondance du truc.

adoy
28/12/2015 à 15:52

Le départ de Brody à été fatal à la série.

Maverick
28/12/2015 à 11:29

@Jason
La s4 de Homeland ne se passe t-elle pas en Afghanistan (au début) ET au Pakistan (après) ?

Annatune
28/12/2015 à 11:26

C'est la vérité : 24 utilise des ficelles énormes. Ce n'est même pas un reproche, c'est un fait, et ça fait partie de l'identité de la série. J'adore 24, et ça ne me gêne ni de voir ces absurdités, ni de les critiquer. Elles sont nécessaires au rythme "grand huit" de la série.
Et Homeland a tendance à user de ces ficelles, car effectivement le coup de Quinn qui tombe dans les filets des terroristes en croisant par hasard un pote à eux dans la rue, qui décide de le sauver...

sylvinception
28/12/2015 à 11:25

Le pseudo de killer MDR!!
Manque quand même 007 et Hunt...

Jason24²
28/12/2015 à 11:06

Petite erreur dans votre article : la 4ème saison de Homeland ne se passe pas en Afghanistan mais au Pakistan.

Ensuite je suis d'accord que cette cinquième saison est clairement inférieure aux anciennes, à part un episode 11 qui vaut vraiment le coup.
Je trouve ça en revanche un peu facile de taper sur les "invraisemblances" de scénario de 24 et de généraliser ici.

Johnny Sack
28/12/2015 à 10:16

@The Aurelio
Faux. Les audiences étaient meilleures pour les saisons 2 et 3, voire 4. L'audience moyenne est supérieure à celle de la première année, mais inférieure à toutes les autres années. Donc ouais, on peut parler d'indifférence quand on a des audiences qui n'augmentent pas après 5 ans, et une couverture médiatique quasi inexistante.
Et c'est un facteur comme un autre de toute façon. Surtout que l'article ne se base pas uniquement sur ça, c'est juste le paragraphe d'intro. Si on doit résumer un truc à son intro hein...

uug
28/12/2015 à 08:32

Bof cette 5em saison est celle de trop pour moi, on est loin de la classe des deux 1er saisons.

The Aurelio
28/12/2015 à 01:00

Indifférence ? Homeland ne s'est pas portée aussi bien en termes d'audiences depuis un bout de temps. Si on doit mesurer l'intérêt d'une série à sa seule couverture média hein...