Homeland saison 4 : Renaissance ou mise en bière ?

Geoffrey Crété | 8 octobre 2014
Geoffrey Crété | 8 octobre 2014

Série, ton univers impitoyable. De meilleure nouveauté lors de sa première diffusion en 2011, Homeland est tombée dans le goufre des soupirs, piégée par ces mêmes ficelles qui en avaient fait la gloire. Accusée à tort et à travers, la série avec Claire Danes en agent de la CIA incorrigible rongée par la bipolarité a dégringolé dans l'esprit des spectateurs lors de sa troisième saison, malgré une conclusion imprévisible qui a renversé la vapeur. Un mal bien ordinaire à une époque où le buzz se répand comme un virus à travers le monde, faisant d'un pilote solide une série culte instantanée, et du moindre twist une non-surprise absolue pour qui ne vit pas reclus. C'est donc dans ce climat hostile que la saison 4 de Homeland, présentée comme un reboot de la série, s'offre en pâture au public, avec la ferme intention de redoner son blason. Verdict après les deux premiers épisodes.

 

Deux questions hantent les débuts de cette quatrième saison : la mort de Brody et la grossesse de Carrie. La série aura l'adresse de ne pas affronter la première de manière trop évidente, préférant illustrer ce trauma dans les silences (son nom n'est pas prononcé) et une seule séquence, dans le deuxième épisode, où Carrie montre à son bébé la maison des Brody, théâtre déserté des trois premières saisons de Homeland.
La deuxième question, elle, offre une perspective à la fois sinistre et fascinante sur le personnage principal. Le premier épisode, intitulée The Drone Queen en référence au surnom donné à Carrie par ses collègues s'ouvre ainsi en Afghanistan, où elle travaille désormais. Une session Skype avec sa soeur, chargée de s'occuper de sa fille Frannie, et quelques explications plus tard, la série révèle sans détour que Carrie fuit comme la peste son bébé, incarnation douloureuse de son passé - ses cheveux roux et ses yeux clairs écarteront tout doute possible.

 



Une ficelle a priori classique, qui amène néanmoins une poignée de scènes brutales : ramenée de force aux Etats-Unis pour une durée indéterminée, et donc à cours d'excuse pour éviter sa fille, Carrie la laisse presque se noyer dans son bain, dans un moment d'égarement où cette option semble la plus douce. Incapable d'affronter son rôle de mère et surtout, le rappel constant de tout ce qu'elle a perdu, elle utilise une information précieuse pour faire chanter son patron et être renvoyée en Afghanistan. Et lorsque sa soeur lui dit sans détour la connaître suffisamment bien pour savoir qu'elle a manigancé tout ceci pour fuir sa fille, Homeland prend une belle couleur : celle d'une série qui résiste, et fait de son héroïne un personnage éminemment lugubre, incapable de penser hors d'elle, et qui refuse viscéralement d'évoluer.

 

 
 
Loin d'être une héroïne ordinaire depuis ses débuts, Carrie continue de se noyer dans son désespoir, qu'elle alimente comme sa flamme vitale. Car Carrie Mathison a trouvé une nouvelle obsession. Ayant provoqué un désastre médiatique et géo-politique après avoir ordonné une attaque de drone sur un terroriste, tué parmi des dizaines de civils lors d'un mariage, elle décide de déchiffrer le chaos local qui a provoqué la mort sanglante d'un collègue, tué par les habitants enragés en quête de vengeance. Parce que la source qui a mené à cette catastrophique attaque de drone est un mystère total, Carrie mène l'enquête et découvre qu'un ancien agent, qui suspectait une fuite dans les rangs de la CIA, a été rapatrié et contraint au silence par sa hiérarchie. Désormais persuadée qu'une énigme attend d'être résolue, elle a trouvé une nouvelle raison d'être, ou plutôt une raison de s'oublier.

La machine scénaristique se relance donc autour de cette mission, classique mais diablement efficace. En deux épisodes, désormais débarrassés de générique, Homeland confirme toute sa valeur, relative certes, dans le paysage actuel. Car la série créée par Howard Gordon et Alex Gansa n'a jamais véritablement perdu son identité : ni révolutionnaire à ses débuts, ni atroce l'année dernière, elle continue à proposer de solides intrigues, sobres et nerveuses, ainsi qu'un miroir non dénué d'intérêt sur la situation de l'Amérique dans le monde moderne. Il y a évidemment des ficelles plus digestes que d'autres (l'arc de Quinn, qui ravale son traumatisme avec l'alcool et la violence, est clairement la grosse faiblesse de ce début de saison), mais avant toute chose, l'assurance que Homeland restera une série fort intéressante et engageante.
 
 

 
 

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commentaires
Liojen
08/10/2014 à 17:35

Excellente critique, dont je partage l'avis. Je n'attendai pas grand chose de cette saison 4 (la saison 3 était déjà de trop à mes yeux) et finalement c'est un très bon départ! J'attends la suite avec impatience.