American Horror Story - Saison 1

Aude Boutillon | 2 février 2012
Aude Boutillon | 2 février 2012

A l'heure des premières diffusions de l'appétissant teaser d'American Horror Story, le nouveau bébé de Ryan Murphy (probablement fatigué des ados braillards), nombreux furent ceux qui voyaient déjà éclore sous leurs yeux un digne successeur à Twin Peaks. Le genre horrifique a de fait rarement été propice à des adaptations télévisées marquantes, si l'on exclut les fictions vampiresques et autres bluettes surnaturelles ; si Masters of Horror, Fear Itself et autres Nightmares and Dreamscapes avaient à cœur de proposer des anthologies variées, on attendait encore une véritable série horrifique marquée par l'unité et efficace sur la longueur. A quelques mois de la diffusion d'American Horror Story sur la chaîne Ciné+ Frisson, retour sur une première saison pour le moins... surprenante.

 

 

La famille Harmon n'a vraiment pas de veine. Après le traumatisme vécu par Madame (Connie Britton) des suites d'une fausse couche, voilà que son salopard de mari (Dylan McDermott) trouve réconfort dans les tendres bras d'une de ses étudiantes (majeure, rassurez-vous). Pendant ce temps-là, leur adolescente de fille (Taissa Farmiga) présente de sacrés syndromes dépressifs. Il est temps pour les Harmon de prendre un nouveau départ, et quel meilleur starting block qu'une maison lugubre dans laquelle ont trépassé les précédents propriétaires ? La crise étant ce qu'elle est, la petite ristourne a tôt fait de convaincre nos économes, qui, peu après leur emménagement, sont les victimes d'étranges manifestations, provoquées par une galerie de personnages aussi azimutés qu'inquiétants.

 

Force est de constater, au terme d'une première saison ayant laissé plus d'un spectateur perplexe, qu'American Horror Story porte brillamment son titre. Véritable compilation de ce qui se fait de plus évident depuis des dizaines d'années en matière de fictions horrifiques, le show de FX affiche très rapidement sa volonté de resservir, à la sauce moderne, ce que la légende de la maison hantée comporte de plus traditionnel. On peut dès lors craindre l'omniprésence de références lourdingues tout au long de la saison ; si ces influences sont soulignées de manière peu subtile (le fiston Frankenstein restant le must en matière d'absence d'originalité), elles restent toutefois anecdotiques. Le plus dérangeant sera certainement de se voir resservir, de manière répétée, des scores archi-connus tels que ceux de Dracula et de Psychose, alors que le thème se prêtait particulièrement à la construction d'une musique singulière, introduite, qui plus est, par un générique proprement glaçant, dont l'atmosphère sonore n'aura malheureusement pas d'autres répercussions dans la série.

 

La Maison des 40 000 Morts

 

Cette ambition de donner sur tous les tableaux (fantômes, expérimentations scientifiques, romance, secrets de famille, et plus encore) s'exprime particulièrement par le choix de dresser le portrait de chacun des propriétaires ayant précédé la famille Harmon, et, de préférence, connu (ou provoqué) une fin tragique. Au cours de la première partie de la saison, pas moins d'une grosse demie-douzaine de protagonistes seront ainsi présentés, et avec eux leur sort et interactions avec les présents occupants. Une galerie de personnages aussi caricaturaux qu'extrêmes (et qui se substitueront quasiment au cast principal) est déroulée au fil des épisodes, parmi lesquels on relèvera par exemple un grand brûlé, une trisomique, une domestique lubrique, ou encore un digne descendant de Quasimodo. Chaque fantôme ayant la faculté de se promener à sa guise au sein de la maison, le palace se transformera, au cours de la seconde partie de la saison, en un joyeux bordel (dans tous les sens du terme) aussi foutraque qu'incohérent. Difficile, en effet, d'isoler la moindre règle propre aux apparitions fantomatiques ; on s'étonnera ainsi de la vigoureuse fécondité d'un esprit adepte du latex, ou encore de la volonté du fantôme comme condition d'apparition aux yeux du vivant, voguant au gré de la volonté des scénaristes.

 

 

Ces innombrables interactions font d'American Horror Story un show particulièrement dense, et, de fait, difficilement maîtrisable. La série se dirige ainsi vers toutes les directions, à grand renfort de surenchère, au détriment de sa cohérence et de son unité, et se retrouve piégée à son propre jeu. On verra ainsi apparaître des personnages franchement dispensables, à l'image de la maîtresse de l'époux repenti, ou d'une médium sortie de nulle part.

En sus de ces sous-intrigues plus ou moins liées par un fil rouge constitué par la sombre demeure, American Horror Story s'encombre peu-à-peu d'un scénario au mieux confus, au pire invraisemblable, multipliant les pistes avortées ; quid de cette histoire de porte de l'Enfer, balancée à la va-vite puis radicalement oubliée l'épisode suivant ?

Il est, en outre, regrettable de constater que les diverses perversions et déviances promises par le pilote se métamorphoseront progressivement en racolage gratuit, peu subtil, et finalement à peine subversif. Faut-il encore s'offusquer, en 2012, des amours saphiques d'une femme de ménage peu frileuse, ou des penchants sadomasochistes d'un couple gay ?

 

 

Petites affaires de familles

 

On pourra alors se demander si, à défaut de choquer, American Horror Story parvient au moins à effrayer. Malheureusement, passé un générique, on l'a dit, des plus efficaces, la série de FX use et abuse de ressorts horrifiques datés, et bien trop rares. Si la première partie de la saison a à coeur de proposer un certain nombre de situations bordeline (toutes proportions gardées) ou des effets ayant fait leurs preuves par le passé (le cabot éviscéré et les jumeaux rouquemoutes, des valeurs sûres), force est de constater que le soufflé retombe considérablement par la suite, la faute à un effet de surprise qui se fait totalement absent une fois l'ensemble des protagonistes exposés. On ne peut en outre que se désoler du fait que les personnages principaux, à savoir Sieur et Dame Harmon, peinent à susciter la moindre empathie du spectateur, ce qui ne s'arrangera pas au fil de la saison ; on peinera à ressentir la plus infime compassion au vu des multiples déboires rencontrés par deux protagonistes plus geignards et taciturnes l'un que l'autre (la palme allant à une Connie Britton sous Prozac). La plus intrigante sera au final Constance, interprétée par l'outrancière mais délicieusement impliquée Jessica Lange, qui parvient à créer un personnage particulièrement dérangé, tout comme l'excellente Frances Conroy (et son alter-ego plus fringant ; ne boudons pas notre plaisir).

 

Si la première partie de la saison pouvait à raison créer une certaine addiction, la suite pâtit de l'atmosphère éthérée de la série, jusqu'ici efficace, couplée à une intrigue répétitive, car centrée tantôt sur le passé des morts, tantôt sur les déboires affectifs des personnages. La romance entre Tate et Violet, d'abord rafraichissante, peinera de plus en plus à passionner, de même que les rabibochages du couple Harmon, imbuvable d'un bout à l'autre de la saison. On savourera alors bien volontiers un épisode final en apothéose (et qui relève d'un cran le niveau d'une fin de saison plutôt décevante et jouant la carte éhontée du n'importe-quoi scénaristique) assumant enfin pleinement l'absurdité et le trait grand-guignolesque d'American Horror Story, en particulier à l'occasion d'une séquence finale aux relents de Beetlejuice, qui voit la famille Harmon s'unir, enfin, sous les pires auspices.

 

 

Des dires des showrunners, la seconde saison d'American Horror Story devrait abandonner définitivement les lieux et protagonistes de la première, et tourner une nouvelle page de la vaste mythologie horrifique, Ryan Murphy ayant déclaré s'être donné pour seule contrainte de ne pas fricoter avec les vampires (grand bien lui en fasse). En s'acquittant des contraintes propres aux intrigues étalées sur plusieurs saisons, American Horror Story fait le pari de renouveler l'intérêt de spectateurs plutôt enthousiasmés par sa première saison, et, peut-être, de convaincre les sceptiques. Certains devront toutefois affronter la frustration de la clôture on ne peut plus ouverte (mais parfaitement justifiée) d'une saison aux enjeux inachevés, et se résoudre à se désintéresser de l'avenir de l'Antéchrist. Details, baby, details.

 

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