Dexter - Saison 5 : Trop, c'est trop !!!

Aude Boutillon | 27 avril 2011
Aude Boutillon | 27 avril 2011

Jamais un final de Dexter n'avait auguré de changements de ton si conséquents dans la série, voire d'un retour aux sources salvateur. La quatrième saison avait en effet gravi un nouvel échelon en matière de routine et de répétition, mais s'était vue sauvée par un bad guy dont le charisme crevait l'écran (on n'avait plus vu cela depuis la première saison).

 

Attention ! Cet article dévoile des éléments de la saison 5 et des saisons précédentes.

 

Canal+ accueille une fois de plus la série, pour une cinquième saison placée sous le signe de la noirceur. Frappé par le deuil et la culpabilité, le serial killer le plus populaire du petit écran se voit contraint de poursuivre sa vie (et celle du petit Harrison) séparé de celle qui avait apporté une touche d'humanité à l'existence d'un être jadis froid et calculateur. Parce qu'une saison de Dexter n'est rien sans un détective un peu suspicieux, celui-ci devra s'accommoder d'un Quinn qui endosse le rôle du fouineur de cette cinquième fournée, ainsi que de l'arrivée inopinée d'une partenaire imposée, assoiffée de vengeance.

 

 

Le dénouement déchirant (libérateur diront les allergiques au personnage de Rita Morgan) de la saison 4 laissait entrevoir l'opportunité pour les auteurs de Dexter de s'affranchir des règles soigneusement établies au cours des dernières années, permettant une redistribution des cartes radicale et l'exploration de pistes déjà effleurées (la perte du flegme légendaire de Dexter) mais jamais poussées jusqu'à leur point de rupture. Les fidèles ont ainsi pu voir Dexter s'extirper de situations périlleuses un nombre incalculable de fois, au prétexte notamment du développement de sa relation avec Rita. La perte de repères familiaux, le déchirement, la colère étaient autant d'éléments à exploiter pour permettre à un Dexter en vitesse de croisière depuis deux saisons de déployer tout son arsenal face à un précipice imminent. Il n'en sera rien ; la saison 5 est une succession d'occasions manquées et de décisions dépourvues de prises de risque de la part des scénaristes. Elle est aussi la preuve ultime (s'il en fallait encore une) d'une navigation à vue et approximative.

 

Ô rage, Ô désespoir

Si la dernière saison avait pour thème la vie de famille, le deuil sera celui de la cinquième. Un premier épisode vient établir un parallèle pas franchement subtil entre le destin de Dexter et celui de son fils, tous deux « nés dans le sang » de leur mère. Il offre également une perspective réjouissante pour la suite de la saison : c'est un Dexter cohérent et stoïque qui s'éloigne de policiers interloqués, piqûre de rappel immédiate pour qui aurait perdu de vue (et à raison) le fait que Dexter fût, à l'aube de la série, bien plus qu'un marginal, un sociopathe.

 


Dexter est aveuglé par la rage. Dexter se laisse submerger par ses émotions. Dexter tue de manière spontanée et désordonnée. Dexter oublie le Code. Dexter se fait sermonner par son papa (qui veille au grain depuis les premiers jours). Absence de précaution, dispersion d'indices, mise en danger de Dexter, me dites-vous ? Que nenni ; cet arc est tout bonnement oublié en l'espace de deux épisodes, au terme desquels Dexter reviendra sagement à son M.O. d'antan (c'est ce qui s'appelle avoir un pater convaincant). Emballez, c'est pesé.

 

BFF vs psychopathes

Revenu dans le droit chemin, Dexter déniche, comme à son habitude, un individu peu recommandable, en l'espèce responsable de la mort de nombreuses jeunes filles. A une petite différence près : sa dernière victime est bien vivante... mais surtout témoin du meurtre de son geôlier. Déboussolée (il y a de quoi), suspicieuse, un rien agaçante, Lumen (Julia Stiles), désormais partenaire officielle de Dexter, apprend à ce dernier que son tortionnaire n'était qu'un membre parmi bien d'autres, et est bien décidée à se faire vengeance, avec l'aide précieuse d'un tueur aguerri. Antithèse de Rita, Lumen s'illustre principalement en ce qu'elle découvre Dexter sous son jour le plus sombre, qu'il sera, jusqu'à la fin, parvenu à dissimuler à son épouse. Elle est également l'occasion pour celui-ci de se racheter, en permettant à une miraculée d'éliminer ses bourreaux, et par-là même de sauver leurs futures proies, là où Dexter a échoué face au Trinity Killer. Malgré le fantôme omniprésent de l'intrigue principale de la troisième saison (au cours de laquelle Dexter s'improvisait mentor), l'arrivée de Lumen, véritable âme-soeur du Dark Passenger de Dexter, offrait de nombreuses perspectives, assorties de quelques craintes, fondées ou non (potentielle naissance d'une idylle, issue de cette relation délétère). 

 

 

Les nouveaux ennemis de Dexter semblaient quant à eux apporter un peu de fraîcheur à une série qui répète le même schéma depuis trois saisons : l'originalité de la cinquième est de mettre en place un véritable réseau de sadiques, solidaires depuis l'adolescence. Malheureusement, la tête pensante, sorte de gourou du développement personnel dont raffole la société américaine (très bon Johnny Lee Miller) émerge sans trop tarder, reléguant ses partenaires au stade de simples exécutants dépourvus d'importance... et de menace. Une nouvelle singularité concernant le grand méchant, et la satisfaction de ses fantasmes pervers, constituait une excellente idée offrant des perspectives passionnantes, et est une fois de plus sous-exploitées au possible.

 

Dès lors, rebelote : Dexter nous la rejoue infiltration, en se faisant passer pour un disciple du précité Jordan Chase. Le même schéma nous étant inlassablement resservi tous les ans, la surprise est une douceur bel et bien éteinte ; au menu, suspicions, retournement de situation, menaces et dénouement, dont le traitement expéditif laisse dubitatif quant à la menace que représentait réellement le terrible Jordan Chase.

 

 

 

Pendant ce temps-là, chez les figurants...

Le rattrapage ne se situera pas plus du côté des arcs secondaires. Multipliées jusqu'à l'écœurement, oubliées en un battement de cils, les pseudo-intrigues ne parviennent pour certaines même plus à susciter un semblant d'intérêt, avec le couple Angel/Maria en première ligne, souffrant d'un traitement grossier et caricatural. Il en est de même pour la famille de Dexter. Tenu pour responsable de la mort de Rita, celui-ci se voit délaissé par Astor et Cody dans une scène expéditive tenant plus du « bon débarras » que de la trame scénaristique. Le personnage de Sonya, nounou irlandaise veillant sur Harrison durant les méfaits de son meurtrier de papa, est malheureusement traité par-dessus la jambe, une insulte au talent de Maria Doyle Kennedy (The Tudors).

 La suspicion grandissante de Quinn à l'égard de Dexter, en revanche, promettait de jolis instants de suspense, et il était de bonne guise de penser que l'intérêt serait davantage à chercher de ce côté-ci plutôt que de celui de l'intrigue principale. Quoi de plus hérissant, en effet, que de voir Dexter en dangereuse posture, et sur le point de griller sa couverture ? D'autant que, déterminé à apporter des preuves à ses soupçons, le nouvel amant de Debra (qui continue dans la figuration, alors qu'un twist final honteusement désamorcé aurait enfin permis à la série de prendre le virage qu'il lui devient désormais urgent d'amorcer) engage un ex-détective véreux (Peter Weller), aux méthodes peu académiques, mais pour le moins efficaces. Ce personnage marque en réalité de nouvelles occasions manquées, et une démonstration supplémentaire de pleutrerie scénaristique, tandis que Dexter s'extirpe une fois de plus de situations non plus périlleuses, mais totalement invraisemblables. Le dernier épisode, amoncellement de décisions dépourvues d'audace, atteint son paroxysme à l'occasion d'une scène finale incompréhensible et incohérente avec l'esprit du show comme vis-à-vis des attentes de son public (on frôle le manque de respect), dégoulinante de bons sentiments sans même l'once d'un second degré.

 


Si l'an dernier, on venait à s'interroger sur les bienfaits d'une fin de série anticipée, on ne peut désormais que prier de tout cœur pour qu'elle vienne mettre fin à ce massacre, que l'on aurait souhaité nettement plus littéral.

 

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