Glee - Saison 1

La Rédaction | 21 septembre 2010
La Rédaction | 21 septembre 2010

Beyonce et Rihanna vous horripilent ? Bon Jovi déclenche en vous des crises d'épilepsie ? Lady Gaga vous donne des envies sanguinaires et Madonna de l'urticaire ? Et tous ces groupes oubliés des années 80 aux brushings improbables vous rappellent que la musique « c'était mieux aaavaaant » ? Associer les mots « comédie » et « musicale » dans la même locution vous donne la nausée ? Vous en avez marre de la crise, du temps qui passe, de la promiscuité dans le métro, de la grille de TF1, de sortir le chien quand il pleut, de votre voisine à la sexualité trop débridée pour l'isolation phonique de votre appart', des baisses d'impôts et des rutabagas ? Bref vous êtes DÉ-PRI-MÉ ? Pire, vous êtes vieux ET déprimé ?!

 

 

Glee est fait pour vous !

Glee est LE remède à tous vos soucis ! LA réponse à tous les tracas de votre quotidien !

Glee est LA clef qui ouvrira le cachot au fond duquel ont été jetées les joies de votre existence !

Glee est LA Pierre de Rosette qui vous permettra de communiquer (du moins l'espère-t-on) avec la créature communément appelée « ado », qui squatte la chambre de votre bébé d'amour tel un Body Snatcher qui se serait introduit par la ventilation ou entre les lattes du parquet !

Glee ? Mais qu'est-ce que c'est, bordel ?

Glee, c'est génial.

 

Sortie des lobes frontaux de Ryan Murphy, le créateur de Nip/Tuck et réalisateur du récent Mange, prie, aime avec Julia Roberts, la série Glee raconte les aventures d'un groupe de lycéens en lutte avec leurs pairs, la société, et leurs hormones (qui a dit pléonasme ?), et qui découvrent le chant comme principal exutoire à leurs angoisses au sein de la chorale du lycée. Chorale honnie de toute la population lycéenne (proviseur inclus) et placée sous la houlette d'un prof d'espagnol exalté, lui-même ancienne gloire vocale de l'école. C'est le fameux « Glee Club ».

À partir de cette idée un brin farfelue, Ryan Murphy et ses acolytes (Brad Falchuck et Ian Brennen, co-créateurs de Glee) nous ont façonné un véritable joyau, une énorme pépite qui démontre qu'au milieu de toutes les séries policières, judiciaires et médicales, il y a encore de la place pour la fantaisie, la rêverie, l'accomplissement et l'acceptation de soi, et les tubes du Top 50. Ils surfent à fond sur la vague soulevée par American Idol et autres High School Musical, mais le résultat marche du tonnerre. Profitant d'un casting à l'enthousiasme communicatif, ils dressent un tableau au vitriol de cette jeunesse américaine oubliée des compétitions de pom-pom girls et de l'équipe de foot mais bien décidée à échapper aux affres de sa condition par le chant et des prestations scéniques survoltées.

Les auteurs se font l'avocat des laissés-pour-compte de la puberté et nous offrent  au passage la plus belle galerie de parias des préaux depuis Heartbreak High et la franchise Degrassi. Du grand Duduche à la diva mégalomaniaque en passant par la proto-goth introvertie, le paraplégique à grosses lunettes, le bellâtre brute-pas-si-épaisse, la Barbie-girl écervelée, l'Aretha Franklin en devenir et le gay fashion-victime (on en oublie), Murphy et ses associés font de cette tragi-comédie sous Biactol un alambic en perpétuelle effervescence par le truchement des grands tubes de la pop.

De prime abord, le cocktail peut laisser sceptique. Comédie musicale ? Teen Soap ? Dramédie survoltée ? On entend d'ici les mauvaises têtes maugréer du fond de la salle : « Les Demoiselles de Rochefort en série ? Non merci », « Vous allez pas nous refaire Fame en 2010 ? Surtout que l'on a déjà donné l'année dernière ! », « Si Cop Rock s'est pris une gamelle, c'est pas pour nous la refaire en version lycée ». Que de persiflages. Glee, c'est la vie. Glee, c'est un grand bol d'air frais une fois par semaine ou quatre, cinq, six fois dans la soirée si vous avez les DVD. Glee vous prend les archétypes des séries pour ados américaines, vous les retourne deux ou trois fois, les mâchonne un bon coup et vous les recrache sur une scène illuminée par les feux de la rampe. Même si faire partie du club équivaut à une mort sociale et sans nul doute un « slushie » dans le corsage, il n'est rien qu'un tour de chant ne puisse effacer.

 

Mais à tout seigneur tout honneur. À l'instar d'un Batman qui serait peu de chose sans le Joker, notre bande d'apprentis pop stars ne serait presque rien sans son ennemi juré : Sue Sylvester, l'impitoyable coach des pom-pom girls. Interprétée avec une fougue et une verve peu communes par la flamboyante Jane Lynch, Sue Sylvester entretient une relation violente d'amour et de haine avec le Glee Club. Tel le féroce prédateur qui épie le girafon sans défense ou le gnou vieillissant, elle guette la moindre occasion de nuire au Glee Club, dont elle jalouse la liberté d'expression et la jeunesse, sans oublier les boucles capillaires de Will Schuster.

Glee, pour son bonheur comme son malheur, fait feu de tout bois. Héritant des défauts d'écriture de Murphy, les intrigues se succèdent parfois à un rythme alarmant. Les secousses scénaristiques à l'intensité tellurique, sources des plus grands changements, vont et viennent avec une rapidité qui donne un peu le tournis, et leurs conséquences s'évaporent souvent au bout des 45 minutes réglementaires. Mais on n'est pas dans The Wire que diable. Glee, c'est avant tout de l'évasion. Du concentré sucré qui vous file une banane d'enfer et vous fait fredonner des airs oubliés comme les plus grandes tubes.

Murphy (encore et toujours lui) choisit d'ailleurs personnellement les chansons qui figurent dans chaque épisode, épaulé par une direction artistique très affûtée, et il convient de leur rendre hommage pour la qualité des choix musicaux. Rares sont les fautes de goût et même si la R'n'B ou le Glam Rock ne sont pas la tasse de thé de tout le monde, trouver chaussure à son pied au cours des 22 épisodes de la première saison est garanti sur facture. Via une bouleversante interprétation d'Imagine, comme au cours d'un épisode spécial Madonna de très haute tenue, il suffit de se laisser porter par le flot, de se laisser emporter par la foule, pour se retrouver avec un air bien accroché au fond des cellules grises. « Quand j'étais petit garçon, je repassais mes leçons en chantant », nous apprenait le Sardus vulgaris. Glee démultiplie cette idée avec un brio désarmant et une fougue réellement contagieuse.

Forte d'une stratégie de programmation audacieuse (dans le sillage du final d'American Idol en mai 2008), d'un bouche à oreille diabolique, mais aussi et surtout grâce à ses immenses qualités intrinsèques, Glee a explosé la saison dernière en phénomène multimédia de premier plan. Dîner à la Maison Blanche sur invitation de Michelle Obama « herself », casting géant durant l'intersaison, application iPhone à la sauce karaoké, triomphale tournée « live » à travers les Etats-Unis durant l'été, albums et singles en tête du BillBoard, on ne compte plus les couvertures de magazines et les apparitions télé pour les acteurs. Matthew Morrison a enregistré un album cet été, des novélisations sont même déjà en route, bref le juggernaut  marketing s'est emballé et rien de semble en mesure de l'arrêter (hormis des ratings abyssaux, bien évidemment).

Trois Emmy Awards dans la musette (meilleur réalisateur pour Murphy, meilleure actrice dans un second rôle pour Jane Lynch, meilleur guest pour Neil Patrick Harris), un Golden Globe (meilleure comédie) et un Peabody Award, le tableau de chasse s'étoffe régulièrement,  et même si la critique américaine trouve à redire, sans déraison, sur certaines prestations vocales un peu poussives, le consensus demeure très largement positif.

Il est souvent difficile pour les séries à succès d'enchaîner sur la deuxième saison (qui a dit « Lost » ?). Avec un épisode spécial Britney Spears en approche imminente (28 septembre), le Rocky Horror Glee Show pour Halloween, et la case horaire post-Super Bowl en février, Glee a du pain sur la planche. Et vous aussi : découvrir la série, revoir l'épisode sur Madonna, télécharger les reprises de sur un site légal, revoir votre épisode préféré pour la septième fois, rebaptiser votre yorkshire « Sue », en parler à vos collègues, à vos enfants, à votre concierge ou à votre dermatologue. Tous les moyens sont bons.

Glee, Glee, Glee, le mot est sur toutes les lèvres (ou presque). C'est en tout cas l'une des séries les plus tweetées de la planète, la contagion gagne, la communauté s'agrandit chaque jour, la fièvre monte outre-Atlantique (la reprise est pour ce soir / mardi 21 septembre - NDLR) et l'on espère juste que dans quelques temps, à votre tour vous aurez rejoint le « Glee Club ».

Dooooon't stop belieeeeeviiiing !

Frédéric Renaud (alias Zorg)

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