The Mentalist - Saison 1 : Columbo version Profiler

Stéphane Argentin | 6 janvier 2010
Stéphane Argentin | 6 janvier 2010

Mentaliste : Personne utilisant l'acuité mentale, l'hypnose et/ou la suggestion. Maître dans l'art de manipuler la pensée et le comportement.

 

Cette définition, qui va servir d'ouverture à chaque épisode, pourrait tout aussi bien s'appliquer à Bruno Heller, le créateur de The Mentalist, nouvelle série débarquée en septembre 2008 sur l'antenne de CBS et qui a instantanément séduit plus de 15 millions de téléspectateurs américains. Un succès qui ne se démentira à aucun moment tout au long de la première saison puisque les audiences oscilleront entre 15 et 20 millions chaque semaine Outre-Atlantique. Comment expliquer autrement le fait que Heller ait su si habilement et avec une telle roublardise s'arroger les règles du procédural lambda (un épisode, un meurtre, un criminel à démasquer) pour mieux les tourner à son avantage ? Peut-être s'agit-il là de la conséquence directe de sa précédente création aux côtés de William J. MacDonald et John Millius : la prodigieuse Rome qui avait su littéralement se réapproprier le genre du péplum pour mieux le réinventer et le transcender.

 

De là à dire que Heller dispose, à l'image du personnage-titre du show, d'un talent inné pour ce genre de tour de passe-passe, il n'y a qu'un pas. Car outre un pitch tout ce qu'il y a de plus bateau sur le papier, le casting relève lui aussi de la grande inconnue puisque seul le nom de Robin Tunney, aperçue dans de nombreux longs-métrages depuis plus de 10 ans et dans la première saison de Prison Break, parlera éventuellement au grand public. Quid de Simon Baker dans le premier rôle ? Le Protecteur (2001-2004) ? Quelqu'un ? Personne ? Donc, pour résumer : un pitch commun et un casting d'inconnus. Pas franchement le plus engageant des shows TV à première vue. Et pourtant, c'est là que tout le talent et la roublardise de Heller, en parfaite symbiose avec son sujet et son héros, entrent en jeu.

 


D'aucuns diront que le bonhomme n'a eut aucun mérite et s'est inspiré de deux « classiques » du paysage sériel. D'une part Profiler. Patrick Jane, le mentaliste de l'histoire, possède en effet le même background que Sam Waters. Le mari de cette dernière avait été tué par un certain « Jack de tous les coups ». Patrick quant à lui a découvert sa femme et sa fille tuée par un certain Red John, lui aussi serial killer notoire qui servira là encore de fil rouge à certains moments. Mais aussi et surtout, Patrick est tout particulièrement doué pour dresser le profil de quiconque croire son chemin (suspect inclus bien sûr) jusque dans des proportions parfois à la limite de la clairvoyance. La frontière entre don métaphysique et sens aiguë de l'observation (un point en commun avec une autre fiction du moment : Psych) reste ainsi bien trouble comme en atteste l'épisode où Patrick se retrouve confronté à une supposée médium interprétée par Leslie Hope (feu Mme Bauer de 24 heures chrono).

 

Un épisode qui laisse également entrevoir la filiation avec l'autre éminence sérielle en matière de whodonit : Columbo, Outre le fait, en guise de clins d'œil visuels récurrents, que le héros y conduise une vieille berline frenchy (une Citroën CX), difficile en effet de ne pas voir dans le triple talent d'observation / déduction / piégeage de Patrick le lieutenant Columbo du 21ème siècle. Même démarche nonchalante, mêmes questions à priori saugrenues souvent à la limite de la bienséance mais aussi et surtout, même façon de connaitre, dès le début de l'enquête, le coupable de l'histoire. Pas de doute possible, il n'y a guère que l'allure et la silhouette qui ont changé. L'imper délavé dissimulant le corps semi arc-bouté d'un détective qui a déjà pas mal de bouteille derrière lieu a cédé la place au costume bien propre d'un beau mâle dans la fleur de l'âge et au faciès charmeur au milieu duquel trône un sourire ultrabright que n'aurait pas renié le Paul Verhoeven de Starship troopers.

 


Qu'importe la tenue vestimentaire puisque dans les deux cas, l'habit ne fait pas le moine et les deux fins renards n'ont pas leur pareil pour nous happer avec une facilité déconcertante au cœur de chacune de leurs enquêtes. Et tant pis si les autres personnages (secondaires par définition) doivent se contenter de récolter les miettes (une chef sans la moindre autorité sur le héros, une bluette entre Rigsby et Van Pelt...), du moment que le fin limier assure le spectacle avec ses tours d'illusionniste et sa zen attitude. Une approche qu'avait déjà tentée la très sympathique Life un an plus tôt avant de se voir annulée au bout de deux saisons faute d'audience. Pourquoi The Mentalist a-t-elle réussi là où cette dernière échoua ? Une narration quasi-exclusivement procédurale (seule une poignée d'épisodes traite du cas Red John) ? Un héros / interprète principal plus charismatique ? Un savoir-faire supérieur en coulisses ? Difficile à dire. Toujours est-il qu'après les succès grandissants des NCIS et autres House, The Mentalist confirme l'attrait tout particulier du public pour des approches plus « badines » dans les grands archétypes du drama (médical, policier...).

 

À tel point que la parodie n'est pas bien loin lorsque, à Las Vegas en ouverture du 6ème épisode, Patrick Jane dresse le profil complet d'une victime à partir de sa seule main retrouvée tranchée sur le bord d'une route. Ou quand l'esprit d'observation et de déduction le plus affuté parvient à faire tout aussi bien que le dernier joujou high-tech de la police scientifique. De là à dire que The Mentalist annonce la fin du règne de la série star des années 2000 (Les Experts, en déclin dans les audimats Outre-Atlantique) et l'entrée dans une nouvelle décennie en forme de retour en grâce de ce bon vieil flair, il n'y a qu'un pas. Et quand bien même le profilage susnommé flirte avec le grand portnawak, l'ensemble est emballé et interprété avec un tel panache et un tel brio propre à faire passer des vessies pour des lanternes qu'il semble bien difficile d'y résister. The Mentalist ou le nouveau plaisir coupable télévisuel. Assurément. Les américains eux ont déjà craqué. Qu'en sera-t-il du public français ? Réponse au prochain épisode...

 

The Mentalist - Saison 1 : Le mercredi soir à 20h45 sur TF1 à partir du 6 janvier 2010.

 

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commentaires
Citron
17/05/2018 à 22:53

Bonjour. Ce n'est pas une Citroën CX mais une Citroën DS ;)
Une de mes séries préférées, plutôt intelligente, avec de l'humour assez noir (comme j'aime).