Fringe - Saison 1 ou le terrorisme bio-recyclable

Stéphane Argentin | 18 juin 2009
Stéphane Argentin | 18 juin 2009

Affublé avant même son arrivée sur les écrans américains en septembre 2008 de l'étiquette de « nouveau X-Files », Fringe laisse apparaitre au fil des 20 épisodes que compte sa première saison bien plus d'affinités avec les précédentes créations de J.J. Abrams (Alias et Lost en tête) qu'elle n'en compte avec le mythe télévisuel de Chris Carter.

Né de l'imagination (fertile) de J.J. Abrams (que l'on ne présente plus) et du nouveau tandem-phare de scénaristes d'Hollywood Alex Kurtzman / Roberto Orci (auteurs entre autres du script d'un certain Transformers), Fringe se penche certes sur des phénomènes paranormaux mais qui n'ont toutefois rien d'inexpliqués. Là où X-Files laissait (presque) systématiquement planer le doute entre rationnel et surnaturel, Fringe opte pour la démonstration scientifique à chaque nouveau mystère rencontré. À l'aube du 21ème siècle où les progrès ne cessent de repousser les limites de l'imagination dans bien des domaines (génétique, robotique...), les théories / travaux de Walter Bishop (John Noble, vu en perfide Denethor dans Le Retour du Roi) ne semblent finalement plus si insensés qu'il n'y parait.

 



LE GÉNIE


Avec son Q.I. à faire pâlir Einstein, ce Dr. Frankenstein des temps modernes est en effet au cœur de toutes les créatures / créations rencontrées, depuis la téléportation jusqu'à la pyrokinésie en passant par toutes les mutations possibles et imaginables du corps humain. L'occasion pour ce savant-fou déjanté à la limite de la démence (17 ans en institut psychiatrique n'ont rien arrangé à l'affaire) et amateur de bovin (sa vache Eugène) de s'adonner dans son ancien laboratoire d'Harvard reconverti en QG de l'équipe à l'une de ses activités favorites : l'autopsie. L'humour latent et volontiers décalé de ces séquences ne sera alors pas sans rappeler un certain Ducky de NCIS. Mais il fallait bien cela pour désamorcer le « graphisme » d'une série qui n'y va pas de main morte avec l'hémoglobine et où l'on ne compte plus les corps en partie ou totalement liquéfiés, explosés ou découpés. Ou quand l'imagination du téléspectateur mise à contribution pour combler les zones d'ombre laissées à l'écran dans X-Files, série reconnue pour son travail photographique, n'a plus désormais qu'à se mettre en pause et se laisser porter par un « tout à l'écran » new age.

Un constat / regret qui n'altère toutefois en rien les entrées en matière très réussies qu'immersives qui précèdent un générique bref mais néanmoins efficace et représentatif de l'épine dorsale de la série : des formules scientifiques interminables en guise d'explications des « anomalies » symbolisées par cette main à six doigts. Toutes ces bizarreries se retrouvent toutefois bien vite cataloguées dans le registre du bioterrorisme et la part feuilletonnante du show de s'articuler dès lors autour des trois entités que sont le département Fringe, la multinationale Massive Dynamic et une organisation (terroriste donc) répondant au doux trigramme de ZFT (Zerstörung durch Fortschritte der Technologie : littéralement « la destruction par les progrès technologiques »).


L'ALIAS


Soit, pour les plus observateurs, la première d'une longue série d'analogies / transpositions entre Alias et Fringe : le SD-6, la CIA et les travaux de Rambaldi ont mué en ZFT, FBI et autres manuscrits du Dr William Bell. Le pilot quant à lui, nanti d'un confortable budget de 10 millions de dollars, débute sur les mêmes bases pour l'héroïne, Sydney Bristow (Jennifer Garner) / Olivia Dunham (Anna Torv), avec un boyfriend tué avant que n'entre en scène quelques épisodes plus tard la sœurette (et la nièce qui va avec) et que l'agente en question ne se livre au jeu du faux-semblant (1.13 - The Transformation, un titre très à propos, les perruques d'Alias en moins). L'occasion pour J.J. Abrams de rempiler avec une nouvelle figure de proue féminine, aussi athlétique que séduisante, psychologiquement forte mais émotionnellement fragilisée, et qui semble plus impliquée qu'elle ne le croit dans le grand dessein (Pattern en VO). À cette actrice australienne inconnue du grand public s'ajoutent d'autres faciès déjà plus familier des sériephiles : Lance Reddick et Kirk Acevedo, aperçus respectivement dans les monuments télévisés que sont The Wire et Oz, sans oublier Joshua Jackson (Dawson), acteur ayant toujours clamé haut et fort son amour pour X-Files et dont le personnage Peter Bishop, fils de Walter, n'est pas insensible aux charmes d'Olivia. La romance naissante et sous-jacente d'un duo à la Mulder / Scully ?

 

 

THE LOST WORLD


Mais pour l'heure, la dramaturgie humaine est encore sous-exploitée (Olivia et sa sœur, Peter et son père) et c'est finalement l'approche procédurale qui prévaut. Au fil des épisodes, la première saison de Fringe se rapproche donc davantage du concept de freak of the week (en la matière, le mini Cloverfield de l'épisode 1.16 - Unleashed se révèle très efficace), conforme en cela aux intentions originelles de J.J. Abrams qui voulait une série abordable par quiconque à n'importe quel moment sans le moindre pré-requis. Soit tout le contraire de ses précédents shows, feuilletonnants au possible. Mais chassez le naturel et il revient au galop. Outre le brassage pluriculturel cher au bonhomme (S.O.S. Fantômes, Star Trek et Stephen King sont ouvertement cités, soit le cinéma, la télévision et la littérature), le diptyque final laisse avant tout éclater au grand jour l'autre grande filiation de Fringe : celle avec Lost au travers des paradoxes spatiotemporels ramenés à l'image symbolique du terrorisme post-11 septembre.

Ce final qui ouvre grandes les portes d'un univers où tout semble possible servira-t-il de fil rouge à la future saison 2, confirmée grâce à des audiences honnêtes sans être exceptionnelles : à peine 10 millions de téléspectateurs hebdomadaires aux États-Unis avec quelques bonds de cabri pouvant atteindre les 13-14 millions certaines semaines. Soit des résultats en dents de scie à l'image de cette première saison dont l'intensité varie d'une scène à l'autre au sein d'un même épisode en dépit d'une réalisation soignée et d'une musique immersive signée Michael Giacchino.

La faute à une narration qui manque encore d'homogénéité car faisant trop le grand écart entre complot feuilletonnant et enquêtes procédurales surnaturelles balisées par de grands panneaux 3D des lieux visités. Et si J.J. Abrams et ses comparses maîtrisent sans peine le registre du fantastique et des mystères au long cours, ils seraient en revanche bien avisés de prendre exemple sur le faux-pas de Lost dont les surplaces autres redites avaient fini par exaspérer un grand nombre de téléspectateurs avant d'aboutir à un nombre préétabli de saisons avant la fin. Une opportunité dont n'avait pas pu profiter Chris Carter avec son X-Files, déjà diffusé à l'époque sur la chaine américaine FOX pour le résultat que l'on sait désormais une fois franchie la 5ème saison. Un exemple à méditer pour Fringe...



Fringe - Saison 1 : Tous les mercredis soir à 23h sur TF1 à partir du 10 juin 2009.

 


 

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