Esprit cathodique - Numéro 20

Parce qu’il n’y a pas que le ciné et les DVD dans la vie. Et parce qu’il y a aussi la TV et qu’avec le nombre de chaînes hertziennes, celles de la TNT sans oublier surtout celles du câble et du satellite, il y a de quoi devenir fou à éplucher les programmes pour trouver THE film à voir confortablement installé dans son canapé. Ecran Large, par l'intermédiaire de son fin limier Patrick Antona, vous aide à vous y retrouver en vous offrant une sélection de ce qui serait sympathique de voir chaque semaine. Pas forcement le best of the best mais un melting-pot savamment préparé par le maestro. Voici le choix de cette semaine allant du 21 juin au 27 juin 2008.

Souvent désigné comme symbole de la fin du « flower power » (souvent mis en parallèle avec les exactions de la Manson family) et présageant de lendemains moins rayonnants que prévus, Gimme Shelter est le triste récit d'un dérapage pourtant prévisible. Ce qui demeure frappant à la vision de cet ahurissant documentaire, c'est l'insouciance  avéré des Rolling Stones, confiant la sécurité de leur concert, où sont attendus plus de 300.000 spectateurs, à une bande de hell's angels dont la seule motivation était d'en découdre avec les hippies. Inconscience qui aboutira de manière tragique à un meurtre. Pour le coup, c'était vraiment « Sympathy with the Devil » pour la bande à Jagger, shooté sur la scène crépusculaire d'Altamont par le grand directeur de la photo Haskell Wexler, assisté d'un certain Georges Lucas.

Souvent oublié dans les rétrospectives touchant aux films de zombies de George A. Romero, la version de 1990 réalisée par Tom Savini n'est pourtant pas indigne de son modèle. Abandonnant le noir & blanc pour la couleur, et quelque moins gore que la version de 1968, Tom Savini soigne le look de ces morts-vivants, dont l'influence se vérifiera dans Dawn of the Dead de Zack Snyder, et remplace le personnage noir masculin par une rousse myope, ce qui ne l'empêche en rien de dézinguer un maximum de zombies. Peut-être que le fait d'avoir affadie la fin originale fut considéré comme un impair par les fans (et par Romero lui-même), limitant l'impact du film, efficace au demeurant, et en faisant le seul long-métrage mis en scène par l'illustre maquilleur.

Le plaisir coupable de la semaine est un des fleurons du western de sexploitation des 60's, Hot Spur de Robert Lee Frost, auteur entre autre de perles du genre comme The Thing with two heads ou The Black Gestapo. Déroulant une histoire des plus classiques de rape-and-revenge, mais qui présente quelques similitudes avec Il était une fois dans l'Ouest, L'Eperon brûlant est une de ces curiosités de l'époque du cinéma softcore à parcourir d'un œil bienveillant et amusé, genre qui disparu avec l'avènement du cinéma porno.

Oscar mérité pour Forest Whitaker qui en endossant le costume du dictateur africain Idi Amin Dada a réussi à donner corps à la folie d'un personnage hors du commun, sans virer dans la caricature ni la condescendance. A ses côtés, James McAvoy (bientôt dans Wanted) et surtout Kerry Washington ne déméritent aucunement et complètent le trio (fictif) dont le destin fatal sert à donner la mesure d'une tragédie plus large qui a touché tout un peuple, même si le film fait quelque peu l'impasse sur ce versant de l'histoire. Il est conseillé de visionner en parallèle l'épatant documentaire de Barbet Schroeder, Général Idi Amin Dada, réalisé en 1974, qui permet de prendre encore plus conscience de la mégalomanie du personnage et de comprendre pourquoi il se délectait de son titre de roi d'Ecosse.

Fans irrésolus du wu xia pian et des ses passes d'armes enlevées et acrobatiques, nous avions souvent rêvé que le grand public fasse enfin honneur à un genre qui était resté bien trop longtemps confidentiel, à l'image d'un bon pan du cinéma asiatique. Grâce au succès de Tigre & Dragon d'Ang Lee et des deux opus de Zhang Yimou (Le secret des poignards volants, Hero), justice est enfin faite et ce genre souvent déconsidéré est enfin devenu noble. Certes, le message politique délivré à l'issue de Hero peut être pris comme de la propagande mal déguisée, mais on peut se régaler du spectacle et de la virtuosité de l'ensemble et mettre une sourdine sur la fin.

A sa sortie en 1984, la fable rock'n'roll de Walter Hill s'était pris une sacrée veste, injuste au regard du spectacle assuré. En situant son action dans une Amérique rétro-futuriste fantasmée, le réalisateur de 48 heures rendait un rutilant hommage aux films de baston et de bikers des années 50, devenu culte depuis, porté par la musique de Ry Cooder et un solide casting  qui permet de retrouver les minois de Michael Paré, Diane Lane, Rick Moranis et surtout Willem Dafoe. Son incarnation du bad guy Raven sera le coup de pouce qui fera basculer sa carrière, lui ouvrant les rôles de Police Fédérale L.A. et de Platoon.

Ecrivain de son état (Miso Soup, 1969), Ryū Murakami a souvent décrit dans ses romans la perte des repères d'un Japon en pleine mutation et des contradictions. Adaptant son propre roman en 1992, Tokyo Decadence est le fascinant portrait d'une laissée pour compte typiquement japonaise (elle est chômeuse) qui va se muer en maîtresse sado-masochiste. Au gré de ses rencontres parfois sordides où elle rencontrera toute une frange de la classe dirigeante nippone (des yakuzas aux cadres supérieurs), elle finira par modeler son corps et son esprit pour enfin dominer son destin, quitte à laisser ses émotions de côté. Glaçant et troublant à la fois, le film de Murakami dépasse les simples frontières de son pays d'origine et trouve quelque résonance dans nos contrées où les effets indésirables (ravages ?) du capitalisme commencent à se faire sentir, surtout chez les jolies jeunes filles...