V : Les Visiteurs

Stéphane Argentin | 27 janvier 2008
Stéphane Argentin | 27 janvier 2008

25 ans après, que reste-t-il de V, série culte des années 1980 ? Des soucoupes volantes de plusieurs kilomètres de diamètre apparaissant aux quatre coins du globe (imagerie reprise en 1996 par Roland Emmerich dans son Independence Day), des tirs de pistolet-laser (dont chacun coûtait à la production la modique somme de 1000 dollars), un faciès verdoyant de lézard, des yeux reptiliens rouge vif, une langue fourchue tout aussi serpentine ou encore une certaine Diana (Jane Badler) engloutissant d’un trait un bon gros cochon-dinde en guise d’amuse-gueule. Autant d’images chocs, kitch diront certains, qui ont marqué l’inconscient collectif. Pourtant, derrière le masque faussement humain qu’arborent les visiteurs se cache bien plus qu’une simple série de SF.

 
Il convient en effet de rappeler qu’à l’origine, V devait raconter l’organisation de la résistance face à la montée d’un régime totalitaire aux États-Unis mais qu’en raison du succès planétaire d’un certain Star Wars (1977) et de sa suite, L’Empire contre-attaque (1980), la chaîne américaine NBC, commanditaire de la mini-série, demanda une réorientation science-fictionnesque (l’arrivée en fanfare d’un vaisseau visiteurs est d’ailleurs accompagnée du célébrissime thème musical de John Williams). Pour autant, le concept initial est demeuré bel et bien présent au sein du produit final et les nombreux parallèles entre le IIIe Reich emmené par Adolf Hitler et l’armada de Visiteurs ne laissent aucun doute : uniformes des officiers SS, croix gammée, extermination du peuple juif… autant d’éléments directement transposés et à peine remaniés.

 


Mais là encore, par-delà ces images fortes qui ont marqué à jamais l’Histoire (avec un H majuscule), la grande force de V, celle qui lui confère définitivement son statut intemporel, réside dans son exposition de la montée en puissance d’un tel régime quelque soit le lieu ou l’époque. 24 octobre 1929 : le fameux jeudi noir à Wall Street marque le début du crack boursier le plus retentissant qu’ait connue l’économie mondiale. Des dizaines de millions de chômeurs plus tard, Adolf Hitler devient chancelier du Reich le 30 janvier 1933, à grands renforts de promesses populaires basées sur la (dés)information et sur l’accusation de tout un peuple (les juifs). Un arbre qui cache en réalité la forêt, en l’occurrence les désirs d’hégémonie du Führer façon Alexandre Le Grand.

 
1er et 2 mai 1983 : la mini-série V composée de 2 parties affole les compteurs d’audimat sur la chaîne NBC avec 80 millions de téléspectateurs. Des visiteurs venus de l’espace y débarquent sur la Planète Bleue porteur d’un espoir pour toute l’humanité : un remède contre le cancer. Là encore à grand renfort de désinformation, toute une communauté (les scientifiques) y est pointée du doigt comme la source de tous les maux, celle empêchant l’harmonie entre les peuples. Cette fois-ci, la forêt cachée derrière ce pantomime n’est rien moins que l’extermination pure et simple de la race humaine toute entière, reconvertie en garde-manger (les chambres de la mort nazies deviennent dans le cas présent de gigantesques réfrigérateurs humains). Le seul rempart face à pareille catastrophe : des groupuscules de résistants hétéroclites (une étudiante en médecine, un reporter – journaliste, une petite frappe de la rue, un archéologue…) qui, avec les moyens du bord (tels des Panzers allemands les balles ricochent sur les Visiteurs), vont tenter d’endiguer l’hégémonie tout en éveillant la conscience populaire face à l’endoctrinement généralisé dès l’adolescence (les jeunesses hitlériennes deviennent les « amis des visiteurs »).

 


Portée par un impressionnant déballage de moyens prompt à attirer le chaland et tenant encore parfaitement la route 25 ans après (maquillages, effets spéciaux…), la nature science-fictionnesque de V n’est donc qu’un écran de fumée cachant ses véritables desseins : tirer les enseignements du passé, à l’image de cette lettre-témoignage d’un ancien déporté juif dont le fils déclare alors : « Nous devons les aider, ou nous n’aurions rien appris », pour mieux préparer l’avenir et empêcher que de tels évènements se reproduisent. L’épilogue, relecture du célèbre appel du Général De Gaulle du 18 juin 1940, fait alors écho à l’encart introductif en hommage aux « résistants passés, présents et à venir » et conclut brillamment cette prodigieuse série qu’est V sur un appel à l’aide (à destination du téléspectateur ?) face à un avenir géo-politico-social toujours plus incertain.

 
L’incertitude fut toutefois de courte durée pour la chaîne américaine qui, face au succès rencontré par V, passa immédiatement commande d’une suite plus musclée (l’arrivée d’un véritable Général Patton en la personne de Michael Ironside), triomphante (l’espèce humaine parvient à bouter l’envahisseur hors de sa Terre) et fantasque (la petite Elizabeth et sa « Force ») mais à l’arrivée très en deçà de son prédécesseur. Si la mini-série originelle était portée à bout de bras par un seul homme, Kenneth Jonhson (scénariste et réalisateur des deux parties), ce dernier se désolidarisera en effet totalement de cette suite, V : The Final Battle, en raison d’un désaccord total avec Warner Bros, détenteur des droits initiaux. Ceci explique donc cela.

 


Et que dire alors du grand portnawak de la série régulière diffusée dans la foulée dès la rentrée 1984 et qui reléguait la force-concept initiale au second voire au troisième rang pour ne conserver que l’imagerie reptilienne (la naissance d’un visiteur dans un œuf, les pouvoirs toujours plus farfelus d’Elizabeth) sur fond de glamour soap (le triangle amoureux Kyle – Elizabeth – Robin) tentant-là de surfer sur le triomphe du soap prime-time chez les concurrents (Dallas sur CBS et Dynasty sur ABC) ? Cette mayonnaise indigeste ne dura qu’un temps et la série fut annulée au bout de 19 épisodes sur un cliffhanger en forme d’harmonie possible entre les deux peuples.

 
25 ans après, V reste donc bel et bien un monument télévisé, un des rares capable de transcender les âges et le genre dans lequel il s’inscrit, en l’occurrence la SF. À condition de ne considérer que la mini-série originelle et de ne pas être trop regardant sur ses suites.

 
 

Retrouvez le test du coffret DVD de V et V : The Final Battle en cliquant sur le visuel ci-dessous.

Retrouvez une séquence coupée de l'interview DVD de Kenneth Johnson à cette adresse.

 

 


 

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