Urgences saison 6 - Notre avis
La sixième saison d'Urgences marque un tournant relativement important dans l'histoire du show médical qui révolutionna la télévision des années 90. En effet, après six années de bons et loyaux services sur NBC, la série vient de perdre son acteur le plus charismatique, George Clooney, parti répondre aux sirènes du grand écran en plein milieu de la cinquième saison, plusieurs autres comédiens commencent à avoir des velléités d'indépendance, et surtout, l'audience s'érode petit à petit. La production est donc confrontée à un challenge de taille : avant d'attirer de nouveaux téléspectateurs, il faut maintenir l'intérêt des anciens, tout en jonglant avec les allées et venues du casting, sans pour autant sacrifier à la recette magique qui a fait d'ER la série la plus regardée de son époque. Cette gymnastique, si elle fait partie du cycle de vie normal de toute série télévisée, est particulièrement symptomatique dans le cas présent.
En effet, si l'on fait une petite photo avant/après entre début et fin de saison, trois personnages majeurs auront définitivement quitté les urgences du Cook County : Jeanie Boulet (Gloria Reuben), Lucy Knight (Kellie Martin) et surtout l'infirmière Carol Hathaway (Julianna Margulies), et au moins deux nouveaux personnages, Luka Kovac (Goran Visjnic) et Abby Lockhart (Maura Tierney) auront pris place dans les starting-blocks pour occuper le devant de la scène dans les futures saisons. Le départ le plus notable de cette sixième saison est bien évidemment celui de Julianna Margulies, devenue un peu encombrante depuis la défection de George Clooney. La love story torturée de l'infirmière et du pédiatre trouva la conclusion attendue par des millions de fans dans le pénultième épisode de la saison, non sans voir pris la peine au cours de l'année de transmettre le flambeau au beau docteur croate qui débarquait alors de son pays natal (et qui était vendu comme le substitut direct à Doug Ross dans la blouse du bourreau des coeurs).
Clooney fit d'ailleurs une apparition surprise dans les ultimes secondes de l'épisode en question, à la grande surprise des spectateurs et des dirigeants de NBC. L'acteur, qui avait manifesté son désir de voir les deux personnages finalement réunis, avait conditionné sa participation, outre une rémunération symbolique, au maintien d'un secret absolu. Warner TV qui produit le show, proposa donc une première version de l'épisode à NBC sans la scène finale, pour finalement envoyer à la dernière minute, une version « éditée », avec la scène montrant Clooney/Ross retrouver Margulies/Hathaway. Pris par les délais, le network n'eut d'autre choix que de diffuser l'épisode sans prendre le temps de vérifier les modifications. La réaction des fans fut bien évidemment à la hauteur de la surprise, mais déplut fortement à la chaîne qui n'a pas pu promouvoir le grand retour de Clooney dans le show qui fit de lui une star (et donc gagner des sous à cette occasion). Pour l'anecdote, la courte scène de retrouvailles fut tournée sur le plateau d'En pleine tempête, que Clooney filmait à cette époque, justifiant ainsi le look « vieux loup de mer » qu'arbore le beau docteur quand il est enfin réuni avec son infirmière préférée.
Alors au bout de six saisons, on pourrait se dire qu'Urgences, c'est déjà fini. Que le traintrain quotidien s'est installé et qu'aucune surprise ne viendra troubler l'ordre tranquille du service, entre deux nuits gardes, un chassé-croisé sentimental et une appendicectomie. C'est en partie vrai car en dehors des épisodes phares qui touchent directement les vies des héros, l'ordinaire, bien que d'excellente facture, accuse un léger goût de réchauffé. Urgences est à un âge où la mécanique bien huilée, trop bien huilée, fonctionne pratiquement d'elle-même. Cependant, il faut souligner la réactivité des scénaristes qui parviennent au détour d'un épisode ou deux à tirer un lapin de leur chapeau en même temps que le téléspectateur de sa torpeur.
Ils surent ainsi parfaitement s'adapter aux envies de Kellie Martin de voguer vers d'autres horizons. Estimant le potentiel de Lucy Knight, son personnage, sous-exploité, la comédienne demanda son bon de sortie. Elle obtint non seulement gain de cause, mais surtout la jeune femme allait avoir droit à une sortie mémorable, de première classe, en un mot, anthologique. Après un crescendo discrètement initié dans Be Still My Heart (Sois sereine mon cur), le treizième épisode, Lucy Knight allait tragiquement tomber dans l'épisode suivant, lors d'un épisodes les plus émotionnants de la série.
Point d'orgue de cette sixième saison d'Urgences, All In the Family (Tous pour eux) est un véritable traumatisme télévisuel, qui non content de nous faire assister impuissants à la lente agonie d'un personnage devenu familier, laissa surtout plus d'un spectateur les nerfs à vif et les yeux rougis par les larmes lors de la première vision (dont votre serviteur à l'époque). Preuve s'il en est de son impact, l'épisode captiva près de 39 millions d'américains lors de sa diffusion en février 2000, soit 14 bons millions de plus que les 25 de moyenne hebdomadaire du show cette année là. Il est de plus désormais généralement considéré, si ce n'est comme le meilleur, du moins comme l'épisode le plus populaire de l'histoire du show, à égalité avec la mort de Mark Greene à la fin de la huitième saison.
Appliquant l'éternelle devise selon laquelle « the show must go on », et après avoir broyé ses spectateurs pendant quarante-cinq dramatiques minutes, l'épisode se paye en outre le luxe de finir sur un épilogue à la remarquable sobriété, dépourvu de la moindre sensiblerie, et en « remettant cent balles dans la machine », démontre par A + B toute la vigueur et la richesse d'Urgences.