Maniac par Junji Ito - Anthologie macabre : le meilleur et le pire de l'anime d'horreur Netflix

La Rédaction | 21 janvier 2023 - MAJ : 01/02/2023 10:55
La Rédaction | 21 janvier 2023 - MAJ : 01/02/2023 10:55

Les histoires macabres du grand Junji Ito débarquent sur Netflix dans une anthologie intitulée Maniac.

Le projet faisait rêver – ou cauchemarder, au choix. Junji Ito, l'auteur de Tomie, Spirale, Gyo et bien d'autres, passé maître dans l'art de la vision d'horreur sidérante, gagne en visibilité en occident. En France, il est d'ailleurs l'invité du festival d'Angoulême. Et plusieurs de ses nouvelles sont désormais adaptées dans la bien nommée Maniac par Junji Ito - Anthologie macabre, disponible depuis ce 19 janvier 2023 sur Netflix.

Tomie, Les Ballons aux pendusSoïchi et son animal de compagnie, La Bibliothèque des illusions... 12 épisodes parfois scindés en deux parties d'une dizaine de minutes... et qui déçoivent souvent, la faute à une animation trop rigide, à des années-lumière du sens du détail du maître. Faute de traumatismes dignes de celui de L'Énigme de la faille d'Amigara (pardon pour le PTSD), on revient sur chaque épisode, dans l'ordre officiel (ou presque).

 

Junji Ito's Maniac : photoDieu merci, ils n'ont pas adapté ça

 

Le Tunnel - Ice Cream Bus

 

Maniac par Junji Ito - Anthologie macabre : photoNetflix, Allégorie

 

Une bande de jeunes garçons un tantinet trouillards se mettent au défi de s'aventurer dans un vieux tunnel. Ils vont y trouver des choses pas jojo. / Un camion de vendeur de glace fait tous les samedis le bonheur des enfants du quartier... tant et si bien que ça en devient suspect.

Peut-être l'un des épisodes les plus faibles, pour deux raisons distinctes. Le Tunnel est de ces nouvelles qui auraient mérité une attention supplémentaire portée aux graphismes. La séquence où nos héros se penchent sur la photo prise en devient ridicule, puisque le dessin explicite la donnée surnaturelle avant même qu'elle puisse effrayer les personnages. Dommage, d'autant que ces grands tunnels abandonnés ont récemment fait couler bien des sueurs froides au cinéma, dans Men et dans Inunaki.

Quant à Ice Cream Bus, il est à la fois trop grotesque pour dégouter et pas assez pour faire rire. Une tentative d'humour noir aux relents bien glauques (la camionnette qui attire des enfants, etc. On ne vous fait pas un dessin) qui tombe à plat un peu plus à chaque "plan-choc". Et que dire des CGI automobiles dans les deux cas, tous droits sortis de Sketchup 1.01 ?

 

Les Ballons aux pendus

 

Maniac par Junji Ito : Anthologie macabre : photoPrendre la grosse tête

 

Une jeune célébrité est retrouvée pendue. L'un de ses camarades s'obstine à en prendre la responsabilité. Tout dérape quand un gigantesque ballon à son effigie est aperçu virevoltant dans le ciel.

Les Ballons pendus est éditée en France chez Mangetsu, au sein du recueil intitulé Chef d'oeuvres vol. 1. Et à la lecture, on comprend pourquoi la nouvelle a été sélectionnée pour faire partie de l'anthologie. Très clairement limités par leurs moyens, ses créateurs ont dû oublier les planches cauchemardesques qui ont fait la renommée de l'auteur, fourmillant de détails atroces, pour se concentrer sur ses histoires les plus conceptuelles et leur surréalisme profondément dérangeant. Ainsi, pas besoin de recopier maladroitement les pages les plus marquantes de son oeuvre.

Avec ce récit directement importé de ses cauchemars, ils ne prennent donc pas trop de risque. Tout est fidèle quasiment à la case près, si bien qu'on ne peut trop vous conseiller de lire la nouvelle avant de regarder l'épisode. En revanche, cette intrigue jusqu'au-boutiste continue d'être efficace, même animée avec une rigidité presque cadavérique.

 

Moisissures - La Bibliothèque des illusions

 

Maniac par Junji Ito - Anthologie macabre : photo"Où ai-je mis mon Blu-ray de Commando ?"

 

Enfin de retour chez lui, un pauvre hère retrouve sa maison dans un piteux état. Et ça ne va pas aller en s'arrangeant. / Goro, entre deux tournois Mortal Kombat, soigne (un peu trop) sa bibliothèque.

Il y a peu à dire sur le très faiblard La Bibliothèque des illusions, si ce n'est qu'on donne entièrement raison à celui qui devient le principal antagoniste : voir sa collection de films se réduire à vue d'oeil confine forcément à la folie. Moisissures, en revanche, a ses arguments, à commencer par une simplicité bienvenue. Pour une fois, l'aspect, disons minimaliste pour rester courtois, de la série est à peu près utilisé à son avantage. Qui plus est, c'est le seul arc qui montre un véritable parti pris esthétique : le noir et blanc. La moisissure du titre est une masse informe, qui va jusqu'à altérer l'identité à peine affirmée du personnage.

On se prend toutefois à revers d'un budget à la hauteur, qui rendrait enfin justice à l'horreur étouffante de cette histoire dont ont cauchemardé à peu près tous les étudiants qui ont laissé un morceau de lasagnes au frigo derrière leur pile de bières pendant plus d'un mois.

 

La femme qui chuchote - Soïchi et son animal de compagnie

 

Maniac par Junji Ito : Anthologie macabre : photoLe seul et unique

 

Une mystérieuse jeune femme est engagée pour s'occuper d'une adolescente compliquée / Une famille recueille un chat, sans prendre en compte le fait que l'un de ses membres est un authentique maniaque.

Soïchi est à n'en point douter l'un des personnages les plus emblématiques de la bibliographie de Junji Ito, dont les facéties ont d'ailleurs été éditées en France, chez Mangetsu encore une fois. On pourrait trouver étrange de s'attarder uniquement sur sa rencontre avec un chat, mais étant donné les limites techniques et esthétiques évidentes de l'anthologie, ce n'est pas plus mal. Les connaisseurs s'amuseront donc de retrouver le cousin turbulent et son nouvel ami félin. Les autres esquisseront un sourire, mais garderont plutôt en mémoire La Femme qui chuchote.

C'est peut-être la meilleure histoire de l'anthologie et pour cause : à l'instar des Ballons aux pendus, elle repose plus sur une idée diabolique que sur une horreur frontale. Et ça fonctionne plutôt bien, grâce à un twist et à un dernier plan qui font froid dans le dos. C'est déjà ça de pris...

 

La ville aux pierres tombales

 

Maniac par Junji Ito - Anthologie macabre : photoDormir comme une pierre tombale

 

Après avoir percuté une fillette en voiture, Tsuyoshi et sa sœur Kaoru découvrent que la route qu’ils empruntent est bloquée par d’innombrables pierres tombales.

Une histoire qui n’est pas forcément parmi les plus terrifiantes, mais avec un concept très malin. Dans un autre monde, le phénomène dont est victime le village où se situe l’action aurait pu faire l’objet d’un excellent reportage France 3 régions, mais ici bien évidemment tout part en vrille. À cause d’un accident malheureux et de la réaction très discutable de notre protagoniste (qui cette fois, cherche bien ce qui lui arrive) après celui-ci, on découvre vite le spectacle de sinistres métamorphoses.

Dommage qu’ici toute l’horreur repose sur l’impact visuel de ces transformations (qui est infiniment réussi dans le manga) qui est malheureusement très diminué par le manque d’inspiration de la direction artistique générale. Donc certes, le phénomène est inquiétant et le sort d’un des personnages est peu enviable. Mais sans l’ironie de Kafka, le désespoir de Poe ou la surpuissance graphique de Junji Ito, tout ça est un peu vain. 

 

ARCHÉOLOGIE DE LA TERREUR - L’ÉPAVE

 

Maniac par Junji Ito - Anthologie macabre : photoRejeté du casting d’Avatar 2

 

Lorsqu’un accident lui fait perdre la moitié du visage, Reimi découvre que ses corps d’enfant sont toujours en elle. / Une inquiétante créature marine s’échoue.

Archéologie de la terreur ne laisse pas indifférent, c’est le moins qu’on puisse dire. Voilà une idée géniale qui fait grincer des dents et détourner les yeux par la simple anticipation de ce qui va nous être révélé. Face à l’absurde concept d’une poupée gigogne humaine, on vacille vite dans une démence émancipée de toute logique. Probablement l’un des récits les plus efficaces dans sa courte durée et sur son paiement.

De l’autre côté, L’Épave n’a au contraire que trop peu de temps sur l’épisode pour s’épanouir. Il a peine eu le temps de présenter ses personnages et sa problématique, que le générique de fin apparaît après une non-conclusion. Un peu décevant quand l’idée proposée aurait mérité une adaptation plus ambitieuse (quitte à dépasser le cadre de l’histoire original). Surtout quand on peut se saisir de Gyo comme inspiration.

 

L’épreuve du dédale - La fille perverse

 

Maniac par Junji Ito - Anthologie macabre : photoLe début d’une belle et saine amitié

 

Deux amies se perdent dans les montagnes et tombent sur une communauté de moines ascétiques. /Kuriko maltraite un jeune garçon avec lequel elle joue.

Clairement pas la plus trépidante des nouvelles de son auteur, L’Épreuve du dédale n’a pas grand-chose pour convaincre. L'épouvante est assez classique (des voyageurs égarés dans la montagne et une horreur païenne) et peine, par sa mise en scène, à faire monter la tension. Au final, tout éclate sur un plan final prévisible et assez tiède.

À l’inverse, La Fille perverse fonctionne plutôt bien. Sans être aussi traumatisant que son itération originale (dont la planche finale est absolument mémorable), le récit marque toujours profondément. Il s’agit sans doute de l’une des nouvelles les moins surnaturelles de Junji Ito, plus proche d’une horreur psychologique malsaine, qui retourne le cœur. Attention toutefois, il est ici question de sujets qui font très mal comme la maltraitance – c’est aussi ce qui rend sa conclusion si forte. 

Au fond de la ruelle - Les statues sans tête

 

Maniac par Junji Ito - Anthologie macabre : photoLogiquement, c’est le moment où tu décampes

 

Un jeune homme emménage dans une pension de famille à côté d’une ruelle scellée. / Un professeur d’art connu pour ses sculptures sans tête est retrouvé mort… et décapité.

Encore un épisode qui laissera bien du monde sur sa faim, malheureusement. Si certaines histoires courtes de Junji Ito fonctionnent dans une anthologie (comme dans les Chef d’œuvres, édités par Mangetsu) où les lectures se confondent pour former un vaste cauchemar visuel et multiforme, elles apparaissent comme simplement faibles et frustrantes dans la série. Au fond de la ruelle en est un bon exemple : trop de dispositifs sont mis en place pour une résolution bâclée et un final jamais sauvé par réalisation ou la direction artistique.

Les Statues sans tête souffre d’un problème similaire. Des corps de marbre décapités veulent remplacer les hommes en leur prenant leur tête et deviennent une cohorte assoiffée de sang. Sur le papier, tout est là pour qu’une telle vision nous pourchasse en rêve et nous hante. Mais sans un bon paiement (on aurait pu imaginer quelque chose d’aussi glaçant que la fin de L’Invasion des profanateurs de 1978) et une réalisation inspirée, c’est toujours niet. 

 

Tomié : Les photographies 

 

Maniac par Junji Ito : Anthologie macabre : photoLe pire étant le manque d'intensité des regards

Tomie, une nouvelle étudiante égocentrique et détestable, prend pour cible une élève après que celle-ci a dévoilé à toute l'école des photos d'elle pour le moins compromettantes. 

Tomié est l'adaptation d'un des premiers chapitres du manga éponyme et s'avère être un des épisodes les moins timides en termes d'hémoglobine et de violence graphique. Pour autant, il n'est pas forcément un des plus convaincants, étant donné qu'il souffre des mêmes lacunes que la plupart des autres : animation rigide et images trop lisses pour retranscrire le malaise et l'effroi de l'histoire, même si elles reprennent très (trop) fidèlement les planches de Junji Ito. 

Le format oblige également l'histoire à s'amputer de ses passages les plus traumatisants, préférant un dénouement trop risible, sans queue ni tête (au sens propre comme au figuré) et qui, comme souvent, penche plus vers la frustration que les frissons attendus. On ne peut que conseiller au public de lire le chapitre en question pour avoir une vision plus cauchemardesque et malsaine de Tomie. 

 

La chambre aux quadruples portes - La chambre du sommeil

 

Maniac par Junji Ito - Anthologie macabre : photoPas le plus illuminé 

 

Soichi empêche son frère de travailler et tente de le rendre fou / Un homme au sommeil agité demande à une amie de garder un oeil sur lui pendant qu'il dort

On comprend que La chambre aux quadruples portes devait mettre en avant le sadisme et la puérilité de Soichi envers son frère, mais là encore, le résultat est des plus déconcertants. L'histoire, beaucoup plus terre-à-terre que les autres, est aussi la plus vide, sans élément fantastique, sans point d'attache, sans intérêt.

En comparaison (et en comparaison seulement), la seconde partie, intitulée La chambre du sommeil, est un peu moins assommante. L'épisode reprend les métamorphoses et tortures physiques propres à l'auteur, mais une fois de plus, sans l'intensité de ses dessins. Rien ne semble poisseux ou organique, ce qui est un peu problématique au vu du sujet. 

 

L'intrus - la chevelure sous le toit 

 

Maniac par Junji Ito : Anthologie macabre : photoQuand le climax de l'épisode, c'est ça...

 

Un adolescent est effrayé par les bruits qu'il entend chez lui / Une femme qui vient d'être larguée se réveille avec un rat mort coincé dans les cheveux.

Plus on avance dans l'anthologie, plus il est difficile de comprendre certains choix créatifs, à commencer par le format rachitique des épisodes qui empêchent la tension ou le malaise de s'installer. La plupart des arcs se terminent au moment où l'intrigue commence à s'étoffer et l'horreur à prendre. L'intrus ne fait pas office d'exception. L'histoire pourrait être intéressante si elle avait ne serait-ce que cinq minutes de plus pour être développée, ou à minima donner l'impression de savoir où elle va.

Le même argument peut être utilisé pour La chevelure sous le toit, qui a pourtant un point de départ plutôt accrocheur (un rat mort emprisonné dans une longue tignasse, voilà une vraie vision d'horreur). Mais l'exécution est trop laborieuse pour convaincre, autant que les quelques plans ensanglantés qui feraient bâiller les morts. 

 

LES mystérieux ENFANTS hizikuri

 

Maniac par Junji Ito : Anthologie macabre : photoOn ne choisit pas sa famille, ni de subir celle des autres


Une photographe attirée par le surnaturel se rend dans la maison des six frères et soeurs Hikizuri.

L'anthologie a décidé, on ne sait trop pourquoi, de démarrer avec Les mystérieux enfants Hizikuro. Par esprit de revanche, on a donc décidé de parler de cet épisode en dernier, pour le remettre à sa juste place. Cette histoire totalement bancale et ennuyeuse veut détourner les codes de l'horreur classique pour s'essayer au cynisme comique, mais avec autant de réussite que le personnage de Kazuya

Rien n'est inquiétant, rien n’est drôle, tout est irritant (en particulier la gamine qui ne fait même pas un bon dérivé de Chucky), tandis que la moitié de la famille se contente d'une ou deux lignes de dialogues, alors même qu'il s'agit d'un des rares épisodes à ne pas être scindé. Seul point positif : l'épisode reste quand même un bon moyen de dissuasion pour ceux qui seraient tentés de poursuivre la série et perdre.

Dossier écrit par Mathieu Jaborska et Déborah Lechner

Tout savoir sur Maniac par Junji Ito - Anthologie macabre

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commentaires
GTB
05/02/2023 à 15:07

Ne connaissant pas les mangas, j'ai regardé cela d'un œil vierge. Et 2 sentiments dominent : fascination et frustration.
Fascination pour l'univers tordu de Junji Ito; pour ces histoires et ces concepts intriguants. Cela titille la curiosité, on se demande où ça va.
Mais l’exécution de cette série est frustrante. Passons sur l'animation pas dingue, on peut l'oublier ça n'est pas gênant en soi la plupart du temps, mais systématiquement on sent que les histoires n'existent pas comme elles devraient. Elles n'ont pas la place, pas le temps, pas la mise en scène qu'elle nécessitent. On a toujours l'impression de n'avoir eut qu'un morceau, qu'un petit aperçu de ce qu'elles racontent. On reste quasiment à chaque fois sur notre faim alors qu'on rentre à peine dans la narration et qu'on est intéressé.

Bref, je vois Junji Ito's Maniac comme un apéritif un peu chiche incitant à aller voir les œuvres plutôt que comme un vrai plat de résistance transcrivant à l'écran les délires d'Ito.

Kpocoff
27/01/2023 à 23:00

La critique est facile mais l'art est difficile effectivement critique bas de gamme

kefran
22/01/2023 à 16:32

Je viens de finir de mater la série et franchement c'est bof, la plupart des histoires n'ont pas vraiment de conclusion, c'est laid, et bien trop court pour vraiment être malaisant.

Vomito
21/01/2023 à 20:15

C'est cool d'avoir chroniqué tout les épisodes ! Je regarderai les meilleurs du coup.