Berserk sur Netflix : oui, c'est toujours une super adaptation du manga culte

François Verstraete | 1 décembre 2022 - MAJ : 01/12/2022 14:35
François Verstraete | 1 décembre 2022 - MAJ : 01/12/2022 14:35

Retour sur l’adaptation animée de Berserk, sortie en 1997 et sur les choix des créateurs qui confèrent à la série une véritable singularité.

Si la fantasy a fini par conquérir le cœur d’un large public ces vingt dernières années, elle doit sa notoriété au succès de La trilogie du Seigneur des anneaux, au triomphe télévisuel de Game of Thrones, mais également au Berserk de Kentaro Miura, chef-d’œuvre éternel de la dark fantasy.

Une première série animée de 25 épisodes a adapté partiellement les 13 volumes parus à l’époque. Une transposition déconcertante puisque beaucoup d’éléments d’origine ont été éludés. Pourtant, alors qu’aucune véritable fin n’existe pour la série, Berserk version 1997 parvient à se suffire à elle-même.

 

Berserk : photo"La série se suffit à elle-même, je suis perplexe"

 

L’Âge d’or, un mythe à part entière

Parmi les chapitres cruciaux qui traversent le manga de Kentaro Miura, l’Âge d’or se pose en mètre étalon. L’Âge d’or se distingue par sa singularité, une absence presque totale de la fantasy au départ, mais également une ambiance aussi sombre et cynique que dans Game of Thrones ou La Chair et le sang de Paul Verhœven. Une tendance qui ira crescendo par la suite. La série animée de 1997 va parvenir à extraire la substantifique moelle de l’Âge d’or en choisissant avec soin les éléments adaptés. Une sélection qui rendra la série aussi unique que le célèbre arc de Kentaro Miura.

Si on écarte les trois premiers volumes, l’Âge d’or dans le manga ne verse pas dans la fantasy. On est plongé dans une guerre médiévale classique opposant les royaumes de Midland et de Tudor, guerre à laquelle est mêlée la bande du Faucon, menée par Griffith et dont fait partie Guts. Dans le manga, l’Âge d’or constitue un aparté dédié aux origines de Guts et de Griffith, puisque le principe de fantasy a déjà été bien introduit auparavant avec les affrontements entre Guts et plusieurs apôtres (des créatures démoniaques qui ont pris forme humaine) en sus de l’apparition de leurs maîtres, les God Hand.

 

Berserk : photoLe casque de Griffith rappelle quelque chose

 

En revanche, l’Âge d’or n’est en rien un aparté dans la série animée. En effet, la construction du pilote induit une tout autre orientation scénaristique (nous y reviendrons par la suite). Ainsi, Berserk version 1997 se concentre exclusivement sur cet Âge d’or et sur un monde pas encore infesté par les puissances des ténèbres, du moins a priori.

Les enjeux moteurs, si l’on tient compte uniquement des épisodes 2 à 23, résident dans l’ascension de Griffith au sein du royaume du Midland, dans les exploits de Guts, mais aussi dans la chute de Griffith, qui plongera cette fois-ci le récit dans la fantasy. D’une certaine manière, la série montre que la cruauté dont font preuve les mortels égalerait presque celle des monstres de l’Éclipse (moment pivot du manga puisque le monde de Berserk bascule alors dans l'horreur et dans la fantasy, d'un point de vue strictement chronologique). Des forces que les mortels justement auront convoquées directement ou indirectement par leurs actes.

 

Berserk : photo"Bienvenue dans la série de 1997"

 

Cette logique interne à la série, cette lente progression vers la fantasy, doit sa cohérence notamment au choix des éléments provenant du manga, ceux intégrés et ceux écartés à l’arrivée. C’est pourquoi les créateurs de la série ont décidé d’ôter toutes les composantes qui seront prépondérantes par la suite dans le manga ou celles qui n’ont aucune répercussion sur l’Âge d’or.

Ainsi, dès le premier épisode, l’elfe Puck est absent, car même si le personnage est très important dans le reste du manga, il ne pouvait pas être greffé à la série. Rien ne légitimait sa présence, puisqu’il n’a pas sa place dans l’Âge d’or et une unique apparition du protagoniste dans le pilote aurait laissé les néophytes de l’univers sur le banc. Même sort pour Le Skull Knight, car il aurait été délicat d’incorporer ce protagoniste majeur du manga alors que la série se clôt juste après l’Éclipse.

 

Berserk : photoGuts, un guerrier féroce qui n'a rien à envier au Conan d'Howard

 

Par contre, tous les moments clés qui conduisent ce monde médiéval vers la fantasy sont soigneusement choisis. Les différentes batailles entre la bande du Faucon et les troupes de Tudor, les intrigues à la cour, la victoire mémorable de Guts contre cent hommes, toutes les composantes majeures purement médiévales du manga répondent à l’appel. Et pour contrebalancer, il y a deux uniques incursions de la fantasy avant le grand final de l’Éclipse.

D'un côté, l’appel des God Hands adressé à Griffith sous forme de rêve et puis surtout le combat contre Zodd, annonçant petit à petit le final de l’Éclipse. Une conclusion qui fait entrer définitivement le monde de Berserk et de la série animée dans la fantasy. L’apparition d’êtres divins maléfiques et de leur cohorte monstrueuse clôt la destinée de Griffith et de Guts au sein même de cette série. Une destinée en forme de récit initiatique pour Guts, de sa jeunesse à la lutte contre les God Hand en passant par sa relation singulière avec Griffith.

 

Berserk : photoDes intrigants dignes de George R.R. Martin

 

Une initiation à la fatalité

L’enjeu principal dans le manga de Kentaro Miura repose ainsi sur la confrontation entre Griffith et Guts, qui démarre finalement dès leur première rencontre. Or, malgré des choix drastiques et en dépit du petit nombre d’épisodes, la série de 1997 parvient à retranscrire aussi bien les rapports entre les deux protagonistes que le récit initiatique de Guts jusqu’à l’accomplissement de son terrible destin.

Certains spécialistes de l’œuvre de Miura reprochent à la série d’animation de ne pas traiter l’enfance de Guts en profondeur (l’anime l’évoque uniquement par un court flashback) ce qui empêcherait le spectateur de comprendre les raisons de la rage du guerrier. Pourtant, lorsque l’on regarde l’intégralité de cette série, sans connaître le manga, on peut aisément justifier l’attitude de Guts entre le flashback (justement) qui raconte le parricide, sa relation qui évolue peu à peu avec Griffith, ses sentiments envers Casca et bien sûr l’Éclipse. Autant d’éléments initiatiques qui traversent le récit et acheminent le personnage vers son destin tragique.

 

Berserk : photoLe triomphe avant la chute

 

De fait, l’étrange triangle amoureux qui relie Guts, Griffith et Casca, est aussi bien retranscrit dans la série que dans le manga d’origine. Mais surtout, Berserk 1997 parvient à raconter l’apprentissage de Guts, à travers trois dialogues, certes issus de la bande dessinée, mais fort bien valorisés ici. Trois scènes qui permettront à Guts de s’affranchir de sa condition. La conversation entre Charlotte et Griffith, épiée par Guts, marque une première étape ; lui et ses compagnons ne sont que des pions et non des amis pour leur chef. Deuxième étape, le dialogue entre Casca et Guts, après que ce dernier ait terrassé cent hommes.

La tirade de Guts est peut-être le passage le mieux écrit de la série, lorsque le combattant explique quelles motivations l’animent quand il brandit sa gigantesque épée. Enfin, il y a ce dernier échange avant le cataclysme, presque hors du temps entre Casca et Guts, devenus amants, quand ce dernier lui propose de se joindre à lui dans sa nouvelle vie. Une nouvelle vie qui n’adviendra jamais puisque leur amour conduira un Griffith alors brisé, à convoquer des forces contre nature. C’est le début de l’Éclipse et de la fin du Guts qui nourrissait encore quelques espoirs avant d’assister au massacre de ses compagnons par les démons et au viol de Casca. Puis, clap de fin. Une aberration de clore la série sur ce moment ? Ou plutôt une évidence ?

 

Berserk : photoCasca et Guts soudés au combat et dans la vie

 

Sûrement la deuxième possibilité puisque les scénaristes ont utilisé tous les éléments à leur disposition pour édifier une impasse pour le personnage dont il ne peut pas échapper. Impasse aperçue dans un premier épisode, qui constitue l’alpha et l’oméga de cette série. Dans ce pilote, on voit un Guts animé par une rage exacerbée, mâtinée de désespoir. On ressent la soif de vengeance d’un homme, vengeance qu’il va exercer sur un démon et ses sbires, n’accordant aucune compassion dans sa lutte… excepté envers une jeune innocente qui lui rappellerait Casca.

Car à l’issue de cet épisode qui introduit le flashback de l’Âge d’or, on ne saisit pas les enjeux et ce qui alimente la quête du protagoniste. Puis on voit le reste de la saison pour revenir sur ce pilote. Et on comprend qu’il constitue à la fois le point de départ et le point d’arrivée pour cette série, qu’il sert en quelque sorte de conclusion. Tous les événements de l’Âge d’or (Éclipse incluse) ont conduit à ce moment précis. Berserk 1997 répond toujours à une logique interne et à une narration initiatique classique (entre ascension et chute) qui certes empêchent son ouverture, mais lui confèrent en revanche une totale autonomie.

 

Berserk : photoZodd, un démon vivant parmi les hommes

 

C’est pourquoi Berserk 1997 n’est pas une adaptation fidèle du manga. Cependant en pliant l’œuvre d’origine à leur propre vision, les superviseurs de la série ont livré une excellente adaptation. Les créateurs, contraints par le budget, la censure, le temps (rien n’a jamais été clair à ce sujet) ont respecté l’esprit insufflé par Kentaro Miura, instillé la même noirceur et surtout accompli un grand exercice de concision narrative.

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commentaires
khal55
02/12/2022 à 07:56

Une oeuvre graphiquement correct et narrativement prenante. Certe elle est loin du niveau du manga original mais je l'a préfère largement aux dernières adaptation de berserk.

Je n'oublirai jamais le moment de l'eclipse... les créateurs ont vraiment reussi à instorer une ambiance sombre...oppressante...malsaine...melancolique.... et la musique y est pour beaucoup... j'ai nettement preferer cette eclipse là à celle des OAV que j'ai trouver assez fade bien que sublime visuellement

C.Kalanda
01/12/2022 à 23:46

Zetagundam +1

La meilleure BO, toute fiction confondue. Rien n’égalera le thème «Guts ».

vida18
01/12/2022 à 16:45

Seule regret. Contrairement à l'OAV, on peut s'étonner de la fin choisie (incohérence je trouve entre le début de l'épisode1 et la fin de l'épisode 25) car on se demande après "Mais comment il a fait pour s'en sortir ?"

vida18
01/12/2022 à 16:38

@zetagundam

Entièrement d'accord. C'est aussi la seule adaptation qui a intégré le personnage de la Reine du Midland.

zetagundam
01/12/2022 à 14:54

Une série incontournable parfaitement secondée par la B.O. de Susumu Hirasawa