See saison 2 : un retour qui fait les gros yeux et bourrine à l'aveugle sur Apple TV+

Simon Riaux | 31 août 2021 - MAJ : 31/08/2021 14:02
Simon Riaux | 31 août 2021 - MAJ : 31/08/2021 14:02

Nous avions laissé See, une des séries les plus ambitieuses de la jeune plateforme Apple TV+, à l’issue d’une première saison indécise, traversée d’excellentes idées, et aveuglée par des ambitions que le récit n’honorait jamais tout à fait.

Située dans un futur lointain, où l’humanité a perdu la vue et pas mal d’abattis, la narration souffrait de devoir nous familiariser avec un trop vaste univers, décliné via des péripéties jamais assez mystérieuses ou engageantes pour exciter véritablement. Plus handicapant, l’ensemble ne tranchait jamais entre aventure bourrine et fable post-apocalyptique, d’où un rythme claudicant et un positionnement parfois inconfortable pour le spectateur. Bref, à force de n’y voir goutte, on s’ennuyait ferme. La première surprise des trois épisodes qui nous ont été dévoilés, c’est un rééquilibrage narratif qui porte rapidement ses fruits. 

Nous avions quitté nos protagonistes éparpillés, capturés, esseulés, tous traqués par différentes factions. Un puzzle qui va nous autoriser à explorer l’univers de la série bien plus rapidement et efficacement, grâce aux actions et rebondissements, bien plus que d’interminables plages de dialogues. Et en matière d’action, la série a clairement musclé ce qui constituait déjà son plus beau jeu. 

 

affiche officielleSee see la famille

 

JASON FAIMOAMAL 

Cette seconde saison s’ouvre sur l’embuscade, menée par Jason Momoa et Archie Madekwe, dont seront victime les membres d’une malheureuse escouade ennemie. En une séquence, réalisée par Simon Cellan Jones (metteur en scène du long Some Voices et vétéran des séries ayant notamment œuvré sur The Expanse), les progrès sont évidents. 

Le découpage de l’action est plus fluide et engageant, tout comme le sens de la tension et l'intensité des joutes. Mieux encore que les deux points précédents, les spécificités des duels entre belligérants aveugles sont intégrées à l’action, renforçant encore l’immersion et le sentiment d’assister à des affrontements dont les enjeux comme les contraintes sont inédits. Les plans durent, permettent toujours d’offrir beaucoup d’ampleur à l’action, tandis qu’une violence graphique volontiers poisseuse en souligne systématiquement l’impact. 

 

Photo Jason Momoa, Dave BautistaFrères des ours

 

Ces combats intègrent plus finement les problématiques de chaque personnage, comme nous le découvrons quand Baba Voss montre à son rejeton en quoi la vision le dessert, face à des adversaires aux autres sens aiguisés. Une scène d’action exemplaire, à l’image des innombrables bastonnades qui émaillent ces trois premiers épisodes. La saison précédente n’était pas avare en bourre-pifs, mais cette nouvelle fournée leur donne encore plus d’importance. 

Il faut dire que si tout le casting est aux petits oignons, Jason Momoa trouve ici un de ses meilleurs rôles, où il fait montre de son brutal charisme, de son engagement physique, mais aussi de son investissement émotionnel. On pourra arguer que la finesse n'est pas exactement son point fort, le premier degré absolu qui régit ses performances, sa volonté de toujours envoyer de l'émotion en surmultipliée rend souvent service à ses rôles et s'avère ici des plus plaisantes. Sans compter qu'il est comme souvent particulièrement à l'aise avec les partitions de "papa ours meurtrier au grand coeur quand il ne casse pas des bouches", et en fait bénéficier la série dans son ensemble.

 

photoSamouraï shampoing

 

LE VOIR POUR LE CROIRE

Parce qu'il a isolé plusieurs de ses personnages, le scénario parvient à nuancer et donner corps à un monde tribalo-féodal avec une belle réussite, incarnant par la mise en scène plusieurs principes intéressants et plein de potentialité en matière de narration. En nous ramenant dans des sociétés éclatées, où l'information, qui doit être crue, plutôt que vue, ne voyage jamais plus vite que son messager, le récit nous situe dans une tension permanente entre apparences et vérité, qui anime l'ensemble des personnages.

Peu importe, par conséquent, que certaines relations soient un chouïa forcées ou relèvent de coïncidences énormes, la richesse qu'elles injectent dans l'histoire est toujours appréciable. La reine Kane est bien plus intéressante désormais qu'elle a perdu sa capitale, et se doit de veiller à ce que son massacre passe pour une déclaration de guerre. Sylvia Hoeks est toujours aussi fébrile dans son incarnation, mais cette dernière apparaît désormais d'autant plus logique et intéressante qu'elle doit lutter avec fièvre pour se maintenir au pouvoir.

 

photo, Dave BautistaAttila voit flou

 

Un pouvoir qui pourrait bien intéresser sa frangine Maghra (la toujours excellente Hera Hilmar), désireuse de retrouver son époux et leur progéniture, mais pas insensible aux possibles que lui ouvrirait un règne fratricide. Ces sous-intrigues ne sont pas d'une originalité affolante, et on ne découvre ici rien qui n'ait déjà été abordé, avec plus de nuances, dans un Game of Thrones. Toutefois, là encore, See parvient toujours à accorder ces ruades narratives de découvertes esthétiques, levant le voile sur une coutume, une tradition ou un rituel, qui maintiennent sans cesse notre curiosité éveillée.

En témoignent les costumes, qui ont radicalement évolué pour renouveler la direction artistique, passant de la peau de bête vaguement customisée à une inspiration clairement asiatique, parfois directe.

 

Photo Sylvia HoeksUne reine quand même très portée sur la masturbation et le meurtre

 

IL ÉTAIT UNE FOIS

Après trois épisodes, il est bien trop tôt pour tirer des conclusions au sujet de cette deuxième saison, mais force est de constater qu'elle est sacrément prometteuse. Raison essentielle d'espérer, au-delà des scènes d'action à la réussite redoublée et de personnages mieux charpentés, c'est bien l'usage du coeur mythologique de la série par son scénario qui satisfait. On avait laissé nos vaillants non-voyants se débattre avec un gourou aux petits pieds loin d'être passionnants, dans un univers post-apocalyptique dont on n'était pas sûr que deux jeunots dotés de vision puissent faire grand-chose d'excitant.

En seulement trois épisodes, nous sommes mis aux prises avec Edo Voss, guerrier obsédé par le pouvoir politique conféré par la vue, son plan pour élever au grain une génération de guerriers aux yeux fonctionnels, mais aussi dans les arcanes de la cité dirigée par l'intrigant Lord Harlan ou encore aux côtés d'un mystérieux ordre de walkyries menées par Olivia Cheng, qui n'a rien perdu de l'investissement martial dont elle faisait preuve dans Warrior. Autant d'espaces et de perspectives qui n'en finissent pas d'enrichir ce divertissement, définitivement plus prometteur aujourd'hui que lors de sa découverte.

 

Photo, Jason MomoaSamouraï sans plomb

 

Il reste désormais à See un dernier défi à relever pour tout à fait nous embarquer. Les antagonistes étant clairement définis, les menaces et les enjeux établis pour chacun d'eux, il est urgent, sinon de réunir nos héros, à tout le moins de les mettre face à de profonds dilemmes, mais aussi de leur proposer une ligne d'horizon digne de ce nom.

On comprend bien sûr le désir du quatuor d'être réunis, mais ce désir simple ne suffira pas sur le long terme, et comme leurs ennemis, le clan de Baba doit se munir d'un projet, d'une ambition. C'est de son établissement clair que découlera, ou non, l'engagement du spectateur.

La deuxième saison de See est diffusée hebdomadairement sur Apple TV+ depuis le 27 août 2021 en France

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commentaires
Samuel54
10/09/2021 à 17:05

J'apprécie énormément cette série, je la trouve vraiment passionnante et l'idée de départ m'a plus immédiatement.

Quidam
05/09/2021 à 00:29

Série originale, unique même, et largement mésestimée, à mon avis!

Nous 'voyons' la plupart des acteurs jouer le rôle d'aveugles. Rien que ce paramètre donne un puissant intérêt à la série. Et il y a, pour les comédiens, un vaste domaine à explorer, la chance de faire valoir leurs qualités. Comme la reine qui, de sa simple voix, incarne parfaitement le dictateur zélé et fou (ou visionnaire).
Observer le jeu des acteurs, leur interprétation dans ces circonstances particulières est savoureux. Nous devenons vraiment des spectateurs, épiant derrière le rideau ce qui ne se voit pas.

Momoa, en sauvage bon père de famille, exécute, accroupi, des danses mortelles. Les personnages se parlent à l'oreille, se touchent pour s'identifier. Le moindre bruit peut trahir la présence. Tous les rapports changent et nous regardons donc un tout autre type de cinéma, plus intime, plus poétique. Les paysages, les scènes sont d'ailleurs d'une beauté inouïe!

Terminéator
02/09/2021 à 14:13

Pas un mot sur la prestation de Bautista qui est pourtant la tête d’affiche de cette nouvelle saison ?

JR
01/09/2021 à 12:27

Bon visionnage, gros gros coup de cœur de cet été, rarement vu la dépression et l'addiction traité comme ça.

Simon Riaux
01/09/2021 à 12:21

@JR

Bonjour, très envie de la voir, reste à savoir si je vais trouver le temps (ou quelqu'un d'autre dans l'équipe !).

JR
01/09/2021 à 12:18

Bonjour Simon,
Auriez-vous prévu une review de la superbe série Physical sur A+ également ? 10x30min, faussement légère et Rose Byrne incroyable.