Arrested Development : pourquoi c'est une série géniale, à (re)voir sur Netflix

Geoffrey Crété | 26 mars 2021 - MAJ : 23/11/2022 14:07
Geoffrey Crété | 26 mars 2021 - MAJ : 23/11/2022 14:07

Pourquoi Arrested Development est une série incontournable. 

Il n'y a pas que The OfficeParks and Recreation, Brooklyn Nine-NineScrubs et Friends dans la vie. Il y a aussi Arrested Development, la série de Mitchell Hurwitz avec Jason BatemanPortia de RossiDavid CrossTony HaleWill ArnettMichael CeraAlia ShawkatJessica Walter et Jeffrey Tambor.

Pour ceux qui suivent les aventures des Bluth depuis 2013, c'est un série incontournable et unique en son genre. Pour les autres, voici quelques raisons de vous en vouloir d'être passé à côté de l'une des séries les plus drôles, intelligentes et corrosives de ces dernières années.

 

photo, Jessica Walter, Jeffrey TamborLa seule et unique Jessica Walter

 

C'EST MÉCHANT

Rangez vos sitcoms politiquement correctes et gentillettes, où l'apparente cruauté et l'humour décalé ne servent qu'à ralentir ou camoufler le moteur à bon sentiments. Arrested Development aime détester ses personnages avec amour, les montrer sous leurs jours les moins flatteurs, les accompagner dans leurs impasses narcissiques, et célébrer leur belle bêtise intellectuelle.

La famille Bluth n'est ni un refuge, ni un lieu d'apprentissage, ni le décor d'un happy end où les individus se réunissent malgré leurs différents et différences : c'est une bombe à retardement, une usine thermonucléaire, un ping-pong incessant où la débilité de l'un se répercute sur l'ignorance de l'autre. Chaque membre du clan est un aimant dont ne peut se séparer le frère, la soeur, le parent ou le fils, quitte à faire grimper le baromètre à toxicité jusqu'à des niveaux de gêne inouïs.

De la relation quasi incestueuse entre Lucille et Buster, à celle entre Michael et George Michael, en passant par le désir de l'adolescent pour Maeby, Arrested Development s'amuse avec les interdits et prend un malin plaisir à faire exploser la sacro-sainte famille. La matriarche Lucille (fabuleuse Jessica Walter) est à ce titre géniale lorsqu'elle s'adresse à n'importe lequel de ses enfants. Exemple avec Gob : "Elle essaie de prouver qu'elle est plus proche de mes enfants que je ne le suis, mais elle est prise à son propre piège, parce qu'elle ne sait pas à quel point je me fiche de Gob". 

 

photo, Jessica Walter, Jeffrey TamborPrix des meilleurs parents de la TV

 

C'EST MÉCHAMMENT DRÔLE

Derrière la méchanté : le rire, voire le fou rire. Arrested Development est certainement l'une des séries les plus drôles de ces dernières années, et d'une drôlerie féroce car peu ordinaire. Elle n'est pas à ranger aux côtés des The Big Bang Theory et autres Friends, mais a sa place avec The IT CrowdVeep et Community parmi les oeuvres corrosives et détonantes, qui ont un goût immodéré pour l'absurde, l'étrange, l'incongru et le mauvais goût assumé et brillamment utilisé.

Au premier niveau, il y a une variété de gags récurrents absolument irrésistibles, comme les numéros de magie ratées de Gob, l'obsession de George Michael pour ce film français Les Cousins dangereux, l'utilisation du "prochainement dans Arrested Development", ou encore cette démarche triste, tête baissée et notes de piano, digne d'un cartoon. Un humour qui résonne loin, puisque les réalisateurs d'Avengers : Infinity War ont rendu hommage au Blue Man dans une scène.

Plus loin, la série est d'une remarquable cohérence, n'hésitant pas à réutiliser des éléments des saisons précédentes, multiplier les clins d'oeil internes, habiller le décor de foules de détails qui viennent enrichir l'univers et l'écriture. Loin de servir du rire préchauffé et prêt à consommer, Arrested Development attend de son spectateur de l'attention, de l'esprit et de l'investissement, pour ainsi prendre part au cirque plutôt que l'observer d'un oeil semi-distrait. 

 

photo, Tony HaleLa main qui tue, by Buster

 

Le rire dans la série créée par Mitchell Hurwitz est puissant car il ne repose pas sur l'habituelle dynamique des rires pré-enregistrés : l'utilisation des silences et de la voix off de Ron Howard (producteur exécutif qui a soutenu le projet dès le début) est fantastique, participant avec la mise en scène dynamique à créer une énergie drôlissime.

Difficile de ne pas mentionner le casting extraordinaire, moteur évident de l'humour à l'écran, qui donne vie à cette galerie de beaux losers. Jason Bateman, Portia de Rossi, David Cross, Tony Hale, Will Arnett, Michael Cera, Alia Shawkat, Jessica Walter et Jeffrey Tambor sont à peu près parfaits et grandioses, chacun apportant une petite pierre à l'immense édifice comique de la série. En les séparant, la quatrième saison a d'ailleurs clairement démontré qu'ils n'étaient jamais aussi forts et fiers qu'ensemble, pour s'équilibrer et former un tout.

Note : rendons hommage à J. Walter Weatherman, l'ami amputé d'un bras de George Bluth, utilisé sous divers déguisements pour traumatiser et donner des leçons aux enfants.

 

photo Portrait de famille

 

L'ÉCRITURE EST GRANDIOSE 

Arrested Development a forgé au fil des saisons un univers complètement ridicule, comme si les Monty Python avaient croisé le Splendid pour émigrer en Californie. S'y croisent des personnages d'une loufoquerie sans nom, comme le Stan Siwell atteint d'une alopécie extrême, la Rita incarnée par Charlize Theron, ou encore Tobias et son syndrome de "never nude", qui l'empêche d'être nu, peu importe la situation.

L'amour des mots et le plaisir à en jouer est manifeste, avec notamment les prénoms de Maeby (comme "maybe", ou "peut-être" en anglais, d'autant plus drôle qu'elle se fera à un moment appeler Shirley, écrit "Surely", c'est-à-dire "sûrement") et Bob Loblaw (équivalent de "blablabla" qui traduit le mépris très drôle envers la profession). Difficile de ne pas mentionner également le docteur "littéral", incapable de communiquer de manière claire et simple, ou encore l'homosexualité de Tobias, qui donne lieu à quantité de dialogues et allusions fantastiques.

Dans la famille des gags récurrents, il y a aussi les "Mister F", "For British Eyes Only" et autres "Coincidence" chantonnés dans la bande son, pour insister sur le caractère référentiel ou absurde de certaines situations. Et qui vont jusqu'à répondre aux personnages, dans la bulle du spectateur, comme lorsqu'une voix réaffirme "Si, c'en est une", après que Lindsay ait déclaré que ça ne pouvait être une "coïncidence".

 

photo, Jason BatemanMichael vs Bluth

 

LE CÔTÉ META

La série multiplie les décrochages absurdes, commentant son propre statut de produit télévisuel et sortant régulièrement la carte meta. Lorsque des personnages évoquent le fait d'être sur écoute, la perche apparaît à l'écran. Le running gag du personnage d'Ann Veal, traitée comme une fille si banale que personne n'est capable de se souvenir d'elle ou la reconnaître, deviendra parfait lorsque Mae Whitman remplacera Alessandra Torresani pour l'incarner, sans que personne n'y réagisse.

Impossible également d'oublier cette scène hilarante où deux personnages discutent du placement de produit dans les séries, signalant que tout cela devrait toujours rester discret à l'écran, alors même qu'ils sont dans Burger King, qui a justement donné de l'argent à la production.

 

photo, Alia Shawkat Maybe Maeby

 

Comme FuturamaArrested Development a aussi illustré ses menaces d'annulation et problèmes en coulisses, et ce dès la deuxième saison lorsque Michael annonce que le contrat pour la construction des maisons Bluth a été réduit pour passer de 22 à 18 maisons : la saison 2 était elle-même passée à 18 épisodes, après les 22 de la saison 1. Dans la saison 3, dernière avant que Netflix ne sauve la série, les personnages commenteront ouvertement les efforts des producteurs de trouver un nouveau refuge, en mentionnant que HBO (qui signifie Home Builder's Organisation dans l'histoire) ne les sauvera pas, avant de parler de Showtime. Un jeu sur les mots absolument délicieux.

Enfin, Ron Howard, célèbre réalisateur de Willow ou Solo : A Star Wars Story, et voix off de la série, apparaîtra dans son propre rôle, pour tenter de porter à l'écran l'histoire des Bluth pour sa société Imagine Television. Sachant que le cinéaste est à l'origine de la série avec Imagine Television, le résultat donne le vertige. Surtout quand arrive la fille illégitimide du Ron Howard de la série, laquelle se trouve être une jolie rousse apprentie actrice, discrètement placée par son père (toute ressemblance avec Bryce Dallas Howard est n'est pas fortuite). Ou que la voix off de Ron Howard, chevauche celle de Ron Howard qui joue Ron Howard à l'écran.

La satire de l'industrie hollywoodienne est omniprésente. Que Maeby se soit retrouvée productrice au sein d'un studio hollywoodien (et un temps dans la compagnie version fictive de Ron Howard) à même pas 16 ans, à force de mensonges et idées stupides qui ont donné de gros succès en salles, n'a nul besoin d'explication.

 

photo, Jason Bateman, Ron HowardJason Bateman et Ron Howard

 

C'EST PAS UNIQUEMENT "DRÔLE"

Si Arrested Development est bien une histoire (pathétique) de famille (désastreuse), le portrait qu'elle dresse de l'Amérique est édifiant. Avec ses personnages de nouveaux riches (le titre VF autrefois tenté) narcissiques, égocentriques, parfaitement déconnectés de la réalité et perdus dans le gouffre de leurs névroses consanguines, la série tend un beau miroir au monde. Quand Lucille, vieille riche privilégiée, affirme qu'une banane doit coûter 10 dollars, comment ne pas penser à certains politiciens coupés de la réalité ?

L'idée de construire un mur entre les Etats-Unis et le Mexique devient une opération juteuse pour les Bluth en péril financier, dans une saison 4 diffusée presque deux ans avant que Donald Trump n'annonce sa candidature aux primaires républicaines, résonne encore plus dans Fateful Consequences, remix de la dite saison (passée ainsi de 15 à 22 épisodes, censés harmoniser la narration trop dispersée).

 

photo, Jeffrey TamborCe mur sera fini, oui oui

 

Arrested Development est donc l'une de ces séries trop discrètes, qui mérite plus d'amour et d'attention. Qu'elle ait eu droit à une seconde vie via Netflix en 2013, sept ans après son annulation sur la Fox, relevait du miracle. 5 saisons, 84 épisodes, et un âge d'or sur les trois ou quatre premières années : c'est le moment ou jamais de se jeter dessus, pour (re)voir ce bijour d'humour et d'inventivité.

 

Tout savoir sur Arrested Development

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commentaires
Madolic
26/03/2021 à 14:38

Loblaw c'est pas plutôt référence à l'expression low blow (qui veut dire coup bas) ?
Plutôt que blablabla ^^

Flash
26/03/2021 à 12:20

Les trois premières saisons sont vraiment, mais vraiment géniales.
Les deux suivantes après le rachat par Netflix, sont à la limite de la nullité.
Dommage.

non
06/06/2018 à 10:00

@mikegyver tu m'as fait pleurer de rire bata** ahahahah best troll ever

Atréides
31/05/2018 à 02:00

@John Hudson_85132

Parks & Recreation, que j'aime, a bien tourné en rond et les dernière saisons étaient bien inférieures pour moi. Mécanique trop huilée et répétitive, et personnages à l'énergie ramollie.

La comparaison avec The Office a plus de sens pour Parks, puisque c'était à l'origine pensé comme une série-soeur (au début c'était un spin-off même, lors du développement).

Le cast d'Arrested Development n'est pas à plaindre. Jason Bateman enchaîne les films, réalise aussi. Jeffrey Tambor a eu un très beau rôle dans Transparent. Alia Shawkat continue sa route indé, entre très beaux films et la belle surprise Search Party.

John Hudson_85132
30/05/2018 à 19:22

Arrested Development a fait parlé de lui en 2003 car ça a été une des premiéres séries Us a s’être servi du concept du faux documentaire, mais The Office Uk avait déjà fait cela quelques années auparavant en 2001.

Sinon ça reste du Sitcom (non filmé en public) avec des personnages ultra typés et les gags répétitifs qui en découlent , on est très loin de Parks and Recreation aussi peu connu en France sur un méme concept qui a duré 7 saisons , une série qui avait réussi a dépassé son concept de base et ou les personnages avaient fini par avoir une épaisseur dépassant la caricature tout en ayant un regard sur la société US , comme quoi on peux faire de bonnes séries avec de bon sentiments.

D'ailleurs la plupart du cast a retrouvé facilement d'autres rôles a la fin de la série, Chris Pratt devait rester qu'une saison avant que le scénariste ne découvre le potentiel de l'acteur, on sait ce qu'il est devenu !

KaptainQ
30/05/2018 à 15:59

Quelqu'un pour m'éclairer sur le clin d’œil mentionné dans "Un humour qui résonne loin, puisque les réalisateurs d'Avengers : Infinity War ont rendu hommage au Blue Man dans une scène." ?

mikegyver
28/05/2018 à 10:35

@heu

si tu veux prends nous pour des imbeciles.......tu sais how i met your mother est une superbe serie comique, trop subtile et inventive pour des mecs comme toi, disons un peu simplet.

Alors que tu as bouffé toutes les saisons d'arrested devellopment !! c'est triste.

sinon je conseille plutot d'aller acheter les saisons dans les cash converters, c'est beaucoup beaucoup moins cher que de s'abonner a netflix hein, genre j'ai eu les 2 premieres pour 5 euros.

Euh
27/05/2018 à 16:08

Meilleure série comique certainement, trop subtile et inventive pour le grand public.
Trop peu de personnes en ont entendu parler, alors que la majorité ont bouffé toutes les saisons de big bang theory ou How I met your mother.. triste !