3% : la deuxième saison de la dystopie brésilienne Netflix, meilleure que la première ?

Lino Cassinat | 10 mai 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Lino Cassinat | 10 mai 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

La saison 2 de 3% est bien plus dangereuse et meilleure que la première, mais aussi beaucoup plus frustrante.

Si la devise du Brésil est « Ordre et Progrès », celle de 3% ressemblerait plutôt à 3 pas en avant, 3 pas en arrière. Pourquoi ? C’est très simple. Sa nouvelle saison 2 a eu le bon ton d’améliorer quantités de petites choses qui n’allaient pas dans la première saison mais aussi la mauvaise idée de négliger complètement le problème cardinal dont souffre la série : son manque de rigueur scénaristique. Le problème, c’est que comme le récit s’est drastiquement complexifié, ce manque de rigueur frappe d’autant plus fort et à même tendance à s’aggraver, et c’est extraordinairement frustrant.

 

photoAllô allô, les scénaristes ?

LE RECAP'

Avant toute chose, récapitulons. De la saison 1, un quatuor de personnages s’était détaché du groupe de jeunes adultes passant le Processus supervisé par le cryptique Ezequiel : Fernando, Michele, Joana et notre petit chouchou Rafael. De ces quatre personnages, seuls Rafael et Michele sont arrivés au terme du Processus et admis sur l’Autre Rive, tandis que Fernando et Joana ont tous deux abandonnés volontairement, le premier par amour et la seconde par dégoût. Sauf que Rafael et Michele sont deux infiltrés de la Cause, un groupe de révolutionnaires qui cherche à faire voler en éclat le Processus et l’ordre établi par l’Autre Rive.

La saison 2 démarre un an après (mais sera perclue de flashbacks intrusifs), quelques temps avant le nouveau Processus. Fernando vivote dans son coin, Joana, brûlante de rage, a rejoint la Cause, Rafael joue son rôle de taupe de la Cause sur l’Autre Rive tandis que Michele s’est doucement faite embrigader par Ezequiel, la libération de son frère lui important plus que la révolution.

 

photoToujours planquée, Michele est un personnage très opaque... jusqu'à l'illisble en fin de saison

 

MAIS... QUI A MIS DU BIEN DANS NOTRE NUL ?

Plutôt que de refaire une saison se déroulant dans le strict temps d’un Processus du début à sa fin, 3% a eu la bonne idée de prendre comme moteur narratif principal le complot fomenté par la Cause pour tenter d’annuler le Processus, et la réaction crypto-fasciste de l'Autre Rive. Cela apporte un vent de fraîcheur à la série, permet de varier les décors, de faire découvrir plus amplement l’Autre Rive et surtout de changer de type d’intrigue, qui n’est pas loin d’être finalement une espèce de thriller d’espionnage paranoïaque dans lequel les allégeances de chacun sont sans cesse questionnées. On nage ainsi régulièrement en eaux troubles, ce qui fait le sel de cette saison 2, bien plus dangereuse pour ses personnages et riche en prises de risques, mais finira aussi par être une de ses limites.

En effet, c’est un vieux tic de la série, mais 3% n’a encore de cesse de vouloir faire de l’épate (on touchera d'ailleurs le fond avec une résurrection complètement absurde et une énigme Picsou Magazine lors d'un face à face entre Gerson et un personnage avec des béquilles), et en plus de nombreuses scènes faussement spectaculaires et vraiment ridicules et improbables (l'émeute des derniers épisodes), tire au maximum la couverture de son scénario déjà bien trop riche en twists bancals pour en obtenir le plus de retournements de veste spectaculaires possibles et de trahisons personnelles. C’est légèrement agaçant, et au bout du compte, un fort sentiment d’artificialité pointe, et en même temps, difficile de jeter totalement la pierre à 3% là-dessus, puisque cela lui ouvre les portes de ses meilleurs moments grâce à … Rafael, encore.

 

photoToujours le meilleur

 

On y peut rien mais c’est comme ça, ce personnage hérite de toutes les meilleures idées de la série. Quelque part à la frontière entre Theon Greyjoy de Game of Thrones et Cary Grant dans La Mort aux trousses, il a beau être pétri de bonnes intentions, les circonstances et sa réputation de fourbe le font constamment passer pour ce qu’il n’est pas. L’engrenage machiavélique dans lequel il est enfermé par Michele et sa résolution catastrophique au milieu de la série est sincèrement jouissif et franchement bien mené, si on oublie le bancal épisode 4 et son double interrogatoire en mode Lie to me du dimanche. Bref Rafael, en plus d’être bien construit et cohérent, est un vrai beau personnage toujours pris entre deux feux que n’aurait pas renié un certain Fritz Lang (voyez Furie, J'ai le droit de vivre et ses thrillers d'espionnage Hollywoodiens), toujours "coupable d’être innocent et innocent d’être coupable" pour citer le maître et toujours très bien servi par Rodolfo Valente.

Au rayon des bonnes surprises, 3% nous en offre deux autres qui font bien plaisir. La première est un véritable antagoniste digne de ce nom, ce qui manquait tout de même à la saison 1 (si l’on excepte Marco le temps du seul épisode 4). Marcela, nouveau personnage de la saison 2, remplit très bien ce rôle (malgré un twist complètement pété concernant Marco justement). Déterminée, puissante, sans pitié et manipulatrice Marcela dégage une aura de danger à la moindre de ses apparitions, renforcée par son idéologie élitiste à la limite de l’eugénisme. Bref une menace très crédible (Ezequiel peut en témoigner), très bien incarnée par Laila Garin. C’est d’autant plus appréciable que les deux autres petits nouveaux Silas et Gloria vont de l’anecdotique pour le premier à l’horripilant pour la seconde.

 

photoMarcela, première vraie méchante de 3%

 

LA FÊTE A LA GRENOUILLE

La deuxième bonne surprise de la saison 2, c’est la réalisation, beaucoup plus maîtrisée. Il n’appartient qu’à vous de savoir si vous aimez ou pas les débullages et la caméra portée, mais force est de constater que les recours aux effets de style sont moins systématiques et plus maîtrisés. Le montage est lui aussi plus souple. Clairement, en aérant tout cela, 3% se regarde avec beaucoup plus de plaisir, d’autant que la lumière a elle aussi pris du galon, beaucoup moins clinique et plate, même si on retombe parfois dans ce travers (notamment dans l’Autre Rive, éclairé comme une pub Tefal).

Pour finir sur les bons points, la musique est toujours soignée et composée avec goût, comme en témoigne la chanson de la procession de l’épisode 6, un très beau moment musical surprenant et aussi rafraîchissant que mal amené. Cette festive séquence solaire et plus largement tout le carnaval dans lequel elle s’inscrit témoignent en effet aussi du manque flagrant de rigueur dans la construction de l’univers de 3%. En effet, elle jure totalement avec la début de la saison 1 où l’on nous décrivait un Continent si rude et anarchique, si horrible à vivre que certains se suicident en cas d’échec au Processus, ou encore dans lequel trouver de l’eau pour se laver est très difficile. Mais apparemment, depuis la saison 2, on peut faire de l’alcool et élever des grenouilles facilement.

 

photoLes incohérences se bousculent

 

On a l’air de pinailler comme ça, et c’est vrai que ce sont de petites choses, mais elles s’accumulent tellement qu’elles finissent par peser extrêmement lourd et par franchement frustrer.

Par exemple, il a fallu attendre 105 ans de Processus pour mettre en place une équipe de sécurité ? Personne n’a vraiment tenté de tricher avant ? Comment fait Ezequiel pour se téléporter du bâtiment du processus jusqu’aux quartiers de Joana et Silas en moins de 10 min alors qu’on voit dans les plans larges que le bâtiment est en haut d’une montagne ? Pourquoi Cassia attend de se perdre 30 min à la poursuite de Michele avant d’appeler ses drones ? D’ailleurs, si depuis le début de cette poursuite elle a un radar permettant de localiser Michele, pourquoi ne l’a-t-elle pas sorti de sa poche dans le Centre de Soins pour retrouver la fuyarde avant qu’elle ne réussisse à se barrer en forêt ? Les membres de la Cause ne se connaissent pas entre eux dans la saison 1 pour éviter de se faire avoir en cas de trahison, et soudain, les réunions sont à visage découvert ? Comment font les Alvares pour avoir une villa luxueuse et des domestiques sur le Continent ? Le Continent est-il vraiment laissé à l’abandon ou l’Autre Rive exerce-t-elle une forme de contrôle ou de gouvernance ? Comment fait Rafael pour mettre Joana dans un réfrigérateur alors que la caméra intégrée dans son casque est censée tout filmer et retransmettre en direct ? Comment Joana sort du labyrinthe de Michele en un cut alors que le super intelligent Ezequiel a mis plusieurs minutes avant d’en percer le secret ? Comment se fait-il que personne sur le Continent ne soit au courant que le Processus se termine par la stérilisation alors que des candidats comme Joana l'abandonnent justement à cause de ça ? Etc etc.

 

photoFernando et son fauteuil roulant à règles physiques aléatoires

 

LE CHANGEMENT, C'EST TOUT LE TEMPS

À vous de voir à quel point cela vous gêne, mais il n’en demeure pas moins que la série gagnerait énormément à s’imposer une discipline plus ferme et à fixer une bonne fois pour toutes ses règles, car pour le moment, elle donne vraiment l’impression d’être écrite au fur et à mesure et de faire apparaître comme par magie les solutions à ses impasses (en témoigne un certain grille pain) et provoque un océan de questionnements.

Enfin, on l’avait déjà signalé dans la saison 1 mais on le redit, les costumes et les designs font régulièrement très cheap, et c’est un gros problème. Impossible de croire un instant d’être dans le futur quand on voit les uniformes des soldats de Marcela, omniprésents dans cette saison 2 et vêtus simplement d’une combinaison de jardinier municipal, d’un casque en cuir de troufion et d’une plaque thoracique en plastique.

 

photoSérieusement, c'est ça le CRS du futur ? Mêmes les vrais sont plus flippants.

 

Mettre ses personnages dans de vraies situations de danger était la meilleure idée pour épicer la saison 2 d’une série qui s’annonçait franchement plate, mais on attend de 3% qu’elle fixe ses propres règles une bonne fois pour toutes. Malheureusement, vu la fin déceptive de cette saison 2, on a du mal à être optimistes.

La saison 2 de 3% est disponible sur Netflix depuis le 27 avril.

 

Affiche

Tout savoir sur 3%

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commentaires
Hellowww
20/09/2019 à 15:12

Une critique très subjective qui impose plus qu'elle ne propose

Zazou
11/05/2018 à 13:08

Beaucoup d'erreurs dans cet article. Joana a passé du temps dans le labyrinthe. Ce temps c'était quand Marco la poursuivait. Joana n'a pas abandonné le processus à cause de la stérilisation mais à cause du refus de tuer un homme.
Pour les uniformes "cheap" c'est normal. Pas de raison de rechercher des équipements militaires hors normes alors qu'ils ne sont pas en guerre (juste en conflit avec la cause hors de leur territoire).
Ils ont mis une sécurité au 105e processus car c'est la première fois qu'il y a eu un accident lors du 104e processus.
Des choses vraies dans cet article. Mais beaucoup de choses fausses. Sources à revoir avant de tirer sur une serie/saison.

geff
11/05/2018 à 02:15

merci pour cette article, je suis totalement d'accord avec vous, cela fait plaisir de ne pas se sentir seul! et pourtant je n'etais pas foncièrement attentif aux détails, mais cette saison 2 était grossière par rapport à son scenario