Avant l’arrivée de la série SF très attendue de Ridley Scott, Raised by Wolves, et de la mystérieuse The Third Day portée par Jude Law, HBO lance Lovecraft Country produit par Jordan Peele et JJ Abrams ce 17 août.
Adaptation du roman éponyme de Matt Ruff, la série promet de livrer un hommage puissant à la science-fiction des années 50 tout en délivrant un message engagé sur la condition des Afro-Américains. Avant le bilan final des dix épisodes qui composeront cette saison 1, Ecran Large a regardé le pilote de la série. Verdict !
ATTENTION SPOILERS !
AU-DELÀ DU RÉEL
Dès ses premiers instants, Lovecraft Country compte bien déstabiliser les spectateurs. Le noir et blanc envahit l’écran et une musique retentit. Est-on devant un film ? Possible, la guerre fait rage et la caméra s’attarde sur un soldat afro-américain courant dans les tranchées. Soudain, une explosion annonce le passage en couleur de l’image, le personnage principal quittant la tranchée pour se jeter corps perdu dans la bataille et éveillant l’esprit du spectateur.
Plus qu’une simple guerre entre deux nations humaines, il s’agit d’une guerre interplanétaire, des vaisseaux extraterrestres, des machines aliens et des monstres volants se confrontant sur le champ de bataille. Le héros, éberlué devant une telle vision, est rejoint par une femme rouge descendant en lévitation d’un vaisseau alien puis est sauvé in extremis d’une énorme créature (Cthulhu) par un joueur de baseball des Dodgers : Jackie Robinson, le premier Noir à avoir joué dans la Ligue majeure.
Malheureusement, son coup est insuffisant, le monstre reprend forme et attaque de nouveau les trois personnages… avant que le héros, Atticus (Jonathan Majors), se réveille en sursaut à bord d’un bus, un exemplaire de Une princesse de Mars sur les genoux.
Un bon petit Cthulhu des familles
En une seule séquence impressionnante et fascinante visuellement, Lovecraft Country joue donc avec les spectateurs et s’amuse avec leur capacité à démêler le vrai du faux, le réel de l’illusion, le charmant du monstrueux. Ce sera en partie le sujet de la série qui jonglera entre l’atmosphère fantastique des univers de H.P. Lovecraft notamment à travers ses monstres et d’autres auteurs fantastiques (Edgar Rice Burroughs donc), mais aussi la triste réalité de la condition de la communauté afro-américaine dans les années 50. L’horreur littéraire – et celle de Lovecraft particulièrement – n’est pas forcément si éloignée de l’horreur subie par les noirs américains de l’époque.
En témoigne, suivant directement la séquence rêvée du personnage, son affrontement avec le réel : un bus coupé en deux pour laisser un espace uniquement pour les blancs et un autre pour les noirs, puis sa panne au milieu de nulle part. Chaque passager est embarqué par la dépanneuse sauf les deux Afro-Américains, pas même accostés par les autres voyageurs, et finalement abandonnés à eux-mêmes sur le bord de la route.
Après une ellipse, le jeune vétéran de la guerre de Corée, Atticus, finit par arriver à Chicago. Il y retrouve la famille de son oncle, George, mais apprend surtout de la bouche de son oncle que son père Montrose a disparu depuis deux semaines. Atticus se rappelle cependant que son père lui a laissé une lettre où il explique avoir retrouvé les origines de sa mère et notamment l’héritage qui lui est dû. Rien de très alarmant à première vue, sauf que cet endroit se trouve à Arkham dans le pays de Lovecraft, Massachusetts. Enfin non, à Ardham, Arkham étant une ville purement inventée par Lovecraft, à moins que.
Une carte qui en dit long sur l’ambiance sur place
CEUX QUI HANTAIENT LES TÉNÈBRES
Il enquête un peu à Chicago pour tenter de dénicher quelques informations sur le départ de son père et semble observé par une voiture. Atticus décide finalement de se rendre à Devon County et Ardham, là où se trouve sûrement son père, avec son oncle George (Courtney B. Vance). Le lendemain matin, il découvre que Letitia (Jurnee Smollett-Bell), une ancienne amie d’enfance qui a de nombreux problèmes familiaux, va les accompagner. C’est ici que la véritable aventure d’Atticus, George et Letitia commence véritablement.
Évidemment, voyager n’est pas de tout repos pour un Afro-Américain à cette époque, au contraire. Durant leur traversée du Midwest, ils subissent de nombreuses moqueries et plus particulièrement des singeries de locaux blancs lorsqu’ils font une pause à une station-service et y mangent une banane. En fond des séquences relatant leur voyage, les multiples regards moqueurs ou agressifs des blancs et la démonstration de la pauvreté des populations noires locales, on peut entendre un discours de l’écrivain afro-américain James Baldwin.
Même s’il s’agit d’un anachronisme (le discours étant tiré d’un débat s’étant déroulé en 1964), l’idée de Baldwin affirmant que le rêve américain existe aux dépens des noirs américains se transpose sous les yeux des spectateurs et des personnages principaux, bien conscients de leurs propres conditions.
Un arrêt à la station-service moqueur et méprisant
Lors d’un arrêt dans un diner de la petite ville de Simmonsville indiqué sur Le Guide du voyage serein à l’usage des noirs édité par George (sorte de version fictionnelle du Green Book) qui répertorie normalement les « endroits sûrs » pour les afro-américains, ils sont finalement chassés puis poursuivis par des blancs armés. Dans une séquence de course-poursuite assez haletante et mise en scène par le Français Yann Demange, les moqueries racistes du voyage initial se transforment en véritables attaques meurtrières. S’ils sont sauvés par l’intervention de la voiture qui observait Atticus à Chicago et la mystérieuse dame qui la conduit (incarnée par Abbey Lee Kershaw), le cauchemar ne fait que commencer pour le trio.
Après une nuit salvatrice chez le frère de Letitia, malgré les engueulades du frère et de la soeur, les trois héros repartent sur la route. Après une longue de journée à arpenter les routes de Devon County, chercher le manoir décrit par son père et tourner en rond sans le trouver, ils sont arrêtés par le shérif du comté. Dans ses dernières vingt minutes, le pilote va alors basculer dans la peur, la terreur et surtout le fantastique.
Un diner pas aussi accueillant que prévu
Après une course-poursuite au ralenti pour éviter de se faire arrêter par le shérif et sortir du comté avant la nuit, ils sont finalement stoppés par le reste des policiers un peu plus loin. Emmenés dans la forêt par des flics racistes et armés jusqu’aux dents, ils sont accusés de crime qu’ils n’ont pas commis. La police est prête à les abattre quand soudain des shoggots, le fameux monstre aux yeux multiples de Lovecraft, débarquent et font un carnage, mordant, décapitant, charcutant ou gobant les flics.
Si le shérif n’en démord pas et compte bien tuer le trio malgré cette attaque inattendue, la morsure d’un shoggot le transforme lui-même en shoggot. Au final, le trio réussit à s’échapper, les shoggots ne supportant pas la lumière des phares de la voiture (ils se tapissent dans les profondeurs le jour et ne sortent que la nuit) et surtout après qu’un sifflet à la provenance inconnue ait rappelé les créatures. Ils finissent par trouver le manoir d’Ardham décrit par Montrose au petit matin.
Sur place, ils retrouvent la voiture de la mystérieuse femme qui les a sauvés un peu plus tôt dans l’épisode. Avant même d’avoir sonné, l’hôte leur ouvre et les attendait manifestement connaissant le nom d’Atticus et lui adressant surtout un mystérieux « bienvenue chez vous », laissant pantois le trio.
Ouais ils ont bien galéré avant
A HISTORY OF RACISM
Avec ce premier épisode, Lovecraft Country showrunnée par Misha Green et produit par Jordan Peele et J.J. Abrams débute sur les chapeaux de roue. Absolument tout donne envie de continuer la série durant ce pilote de 1h08 : un propos social et politique, une mise en scène percutante, des séquences fascinantes et terrifiantes, un peu de gore, quelques monstres emblématiques de l’univers de Lovecraft évidemment et assez de mystères pour désirer en savoir plus sur le destin et les aventures qui attendent notre trio.
Les lecteurs du livre de Matt Ruff constateront très rapidement que la série prend quelques libertés avec le bouquin, cependant, elles sont souvent remaniées à bon escient et ne gênent en aucun cas le bon déroulé des événements. Au contraire, elles permettent surtout à la série d’être plus efficiente, plus pertinente, plus efficace dans son récit et l’avancée de ses personnages. Par ailleurs, après un seul épisode, force est de constater que Misha Green a parfaitement compris l’essence même du roman de Matt Ruff et le transmet parfaitement dans ce pilote.
Letitia incarnée par Jurnee Smollett-Bell, soit Black Canary dans Birds of Prey
En plus d’user avec brio du genre horrifique et surnaturel comme une métaphore de thématiques plus terre à terre et concrètes – comme avait d’ailleurs pu le faire Jordan Peele avec Get Out -, la série semble partie pour être un hommage puissant à la science-fiction des années 50 et l’oeuvre de Lovecraft tout en faisant un pied de nez judicieux au racisme connu de l’écrivain. C’est l’une des idées de la série a priori (et du livre a posteriori) : chérir l’oeuvre de Lovecraft sans en oublier le contexte et donc chasser ce qui peut la pourrir.
Atticus est, en effet, un grand fan des oeuvres SF de Lovecraft et autres auteurs SF, mais a conscience que les aventures qu’il aime sont toujours menées par des personnages blancs et ne mettent jamais en scène un personnage noir. Avec Lovecraft Country, non seulement Atticus, personnage noir, devient le héros de l’histoire, mais il vit enfin les périples fantastiques et surnaturels de ses rêves et fantasmes.
Au-delà de l’affrontement des créatures mythiques, son périple est aussi (et avant tout) le moyen de se confronter aux tortionnaires blancs des États racistes, les ultra-conservateurs bien réels qui jalonnent sa vie, ses craintes et ses angoisses quotidiennes. Et le vrai danger est là, car si les monstres suivent des règles logiques (ils ont peur de la lumière…), le racisme notoire, lui, ne répond à rien de logique, concret, si ce ne sont une haine irrationnelle, une crainte absurde ou une sottise aberrante.
Ici, le racisme de Lovecraft est donc conservé, mais les héros sont noirs, se défendent, voire se rebellent face aux diktats de certaines castes blanches (le Ku Klux Klan montrera sûrement le bout de son nez bientôt). Il est d’ailleurs assez amusant de voir que les créatures choisies pour lancer les hostilités sont les shoggots, celles-là mêmes qui étaient esclaves des Anciens et avaient décidé de se rebeller contre leurs maîtres, refusant leur autorité plus longtemps puisqu’elles étaient suffisamment puissantes et intelligentes pour mériter leur propre indépendance.
On a très vite abandonné le ton paisible
Après un premier épisode riche, dense et intense, Lovecraft Country s’affirme comme une des séries les plus intéressantes de cette année 2020. Parfaite célébration de l’oeuvre de Lovecraft tout autant que sublime destruction des affres des récits de l’auteur culte, la série de Misha Green diffusée sur HBO jouit en plus d’une vraie et belle générosité scénique et visuelle qui promet un sacré trip fantastique et monstrueux pour les neuf épisodes à venir.
Un nouvel épisode de Lovecraft Country est disponible chaque lundi sur OCS en France depuis le 17 août.
@Haa En parlant de raciste, j’imagine ce bon vieux Lovecraft se retourner dans sa tombe en voyant la série.
@Haa En parlant de raciste, j’imagine ce non vieux Lovecraft se retourner dans sa tombe en voyant la série.
Magnifique pilote. Photographie digne d’un tableau de Hooper. Jeu d’acteur et rythme magnifique. Les racistes vont tomber dans un dilemme en regardant cette série ahahaha
les 45/50 première minute ne m’ont pas convaincu j’ai crut revoir un mauvais penny mexico version black mais le finale de de spin off ma accroché et donné envie de voir la suite de cette série on verra bien si cela continue sur sa foulé,car si c’est pour voir 45 mn d’un épisode sur les problèmes de race au usa a l’époque bof,je veux voir du lovecraft plutot qu’un drame !!!!
Bien ajouté à ma liste, j’attendrais la totalité des épisodes pour la regarder 😀
C’est pas une critique, c’est un résumé ^^
Excellent premier épisode. Mais que les racistes ne se prennent pas trop la tête : cette série n’est pas pour eux mais rien ne les oblige à la regarder.
Rassurez vous les racistes il y aura des blanc dans cette série, on peut voir un zombie dans la BA.
Ah oui une actrice blanche aussi, mais désolé elle aime pas les blancs.
Complètement convaincu par ce pilote. J’en attendais beaucoup de cette série, et pour l’heure, je ne suis pas déçu, je suis même enchanté.
Wep !
Mais ça nous entraine vers la fin octobre cette histoire…
Je ne tiendrai pas la distance !
A moins que EL suive les épisodes 1 par 1 et émettent quelques critiques dévastatrices sur les suivants… Dans ce cas…
Bref…