Episodes Saison The Last of Us saison 1 épisode 6 : winter is coming, et les démons aussi

Après les événements légèrement tragiques de l'épisode 5, Joel et Ellie reprennent leur chemin dans cet épisode 6 de The Last of Us. Un nouvel épisode de transition qui permet d’explorer les démons intérieurs de Joel.

ATTENTION SPOILERS

L’épisode 6 de cette première saison de The Last of Us s’ouvre avec un cruel rappel de la tragédie qui concluait l’épisode précédent : le suicide d’Henry après qu’il se soit résigné à abattre son petit frère infecté. Un exemple d’échec tragique de la part d’un homme qui souhaitait protéger l’enfant dont il avait la responsabilité, et si Joel ne l’exprime pas directement, cet événement va profondément le bouleverser et dicter sa conduite dans cet épisode 6.

Doutes, renoncement, abandon... Et si le meilleur choix qu’il puisse faire pour le bien d’Ellie, c’était de ne plus s’occuper d’elle ?

LE (TROP) CALME APRES LA TEMPETE

L’épisode 5 a vu l’apparition du très attendu Colosse, cet infecté particulièrement balèze et boursouflé face auquel il n’y a pas grand-chose à tenter pour sauver sa peau. La vilaine Kathleen et ses hommes ont fait les frais de la crise piquée par le mutant et sa horde de claqueurs, tandis que Joel et Ellie s’en sont tirés de justesse avec Henry et le petit Sam. Mais ce dernier ayant été mordu pendant l’attaque, il est exécuté au matin par son grand frère, qui retourne ensuite l’arme contre lui.

Camping tripes

Après un tel déferlement d’action qui rattrapait l’absence presque totale d’infectés dans les épisodes 3 et 4, les spectateurs étaient en droit d’espérer que la série allait désormais continuer de sortir le grand jeu en termes d’hommes-champignons. Et pour le coup, c’est raté, car cet épisode 6 s’apparente davantage au 4 en ce qu’il constitue une phase de transition relativement calme, qui se concentre sur la relation entre Joel et Ellie, et dans laquelle aucun infecté ne vient mettre son grain de sel.

Une déception ? Pas nécessairement, tant l’épisode fait une nouvelle fois preuve d’intelligence dans sa construction, et de sensibilité dans son écriture. Dans les paysages désormais enneigés que parcourent nos héros, ce sont des jalons indispensables pour la conclusion de la saison que pose habilement l’épisode 6.

Des céréales et un choc qui tombe à pic

DADDY ISSUES

Au fur et à mesure de l’épisode, on comprend que le suicide de Henry met Joel face à son propre échec vis-à-vis de la mort de sa fille. Et si, maintenant qu’il est devenu ce qu’Ellie a connu de plus semblable à un père, il échouait de nouveau et devenait responsable de sa mort ? C’est la question qui va ébranler Joel dès lors qu’Ellie et lui sont capturés pour être emmenés à Jackson, une mini-ville tout droit sortie d’un western dans laquelle subsiste une communauté développée (et qui est centrale dans les jeux The Last of Us, notamment le deuxième). Là-bas, Joel retrouve son frère mais constate avec douleur que celui-ci n’a jamais rien entrepris pour le retrouver.

Avec deux très beaux dialogues entre Tommy et Joel, l’épisode nous expose deux modèles irréconciliables. Celui du frère aîné, dont la vie s’est arrêtée à la mort de sa fille ; et celui du cadet qui sera bientôt père, qui envisage ce monde post-apocalyptique comme le modèle d’une nouvelle vie possible plutôt que comme un long purgatoire, et qui n'est plus prêt à prendre des risques. Au cours du deuxième dialogue, Joel supplie Tommy d’emmener Ellie chez les Lucioles à sa place. Il se décrit comme un anti-héros diminué, devenu incapable de prendre soin d’elle, et liste tous les moments depuis le début de la saison où on l’a vu incapable d’aider l’adolescente.

Le Luigi de son Mario

L’épisode porte donc une lumière nouvelle, touchante et aussi déprimante sur la situation, et commence à annoncer au spectateur que le soi-disant héros de cette série ne sera peut-être pas à la hauteur de l’idée qu’on s’en fait. Ce portrait de Joel est aussi fait en creux lors de dialogues entre Ellie et Maria, qui parlent de son passé (peut-être pas si passé) de meurtrier et du traumatisme de la perte de sa fille. Un traumatisme encore bien présent, car en écho à ces différents échanges, une scène montre Joel croyant reconnaître sa fille dans la foule de Jackson.

Peu d’action, certes, mais beaucoup de violence intérieure lors de cette introspection d’un personnage qui pense déjà appartenir à la mort, et qui finit par se dire que le meilleur moyen de garder Ellie en vie est de ne plus l’approcher.

Joyeux Joel !

LA NAISSANCE DE LA TRAGéDIE

Ellie, elle, profite de cette crise traversée par Joel pour évoluer et s’affirmer en tant que personne plutôt qu’en tant qu’enfant. Plus Joel est ferme et plus elle comprend la nécessité de faire entendre sa volonté, ce qui finit par payer puisqu’elle obtient gain de cause et que Joel accepte de continuer la route avec elle. Mais est-ce une bonne nouvelle ? Oui, croit-on, puisque ce geste apparaît comme l’ultime preuve que Joel considère désormais Ellie comme sa fille, ce que l’adolescente semble chercher.

Mais face à tous les bons arguments que présente Tommy, à commencer par la possibilité offerte sur un plateau de vivre dans un village confortable et sécurisé, l’impulsivité de Joel et Ellie qui les poussent irrémédiablement vers le danger est-elle une bonne chose ? Car il y a l’objectif du potentiel vaccin, bien sûr, mais elle est tellement incertaine qu’un tel épisode semble surtout nous montrer deux personnages avant tout déterminés par leurs démons et leurs angoisses, qui les retiennent encore dans la version apocalyptique et désespérée de ce monde.

Le Grand Silence

Cette priorité donnée à une relation exclusive et somme toute égoïste entre Joel et Ellie est aussi belle qu’annonciatrice d’impossibles dilemmes pour les prochains épisodes. Une première sentence de ces choix arrive d’ailleurs très vite, puisque l’épisode se termine sur une séquence assez proche du jeu dans laquelle les personnages cherchent les Lucioles sur le campus d’une université colonisée par des singes. Joel termine grièvement blessé, incapable d’aider Ellie, et sa pire crainte se concrétise immédiatement puisque c’est maintenant elle qui va devoir essayer de le sauver, ce qui la met en danger mortel.

Cet épisode 6 est donc très habilement construit sur un modèle de tragédie, où le héros finit par subir de plein fouet la situation qu’il a absolument voulu éviter tout du long, jusqu’au moment où il a (trop ?) écouté ses émotions. Pas étonnant que les protagonistes soient plongés dans un néo-western de par les décors, les chevaux, les costumes et les jeux de regards, tant ces thématiques rappellent celles d'un genre qui parle de la naissance du droit dans la civilisation américaine.

L'American frime

Parce que dans cette période charnière où les humains tentent de reconstruire un semblant de société, un cow-boy solitaire comme Joel qui tend à vivre en dehors de toute structure est prompt à faire passer l'individu avant le bien commun. Le bien et le mal, dans tout ça ? Comme dans tout bon western, ils restent à définir. Et ce n'est sans doute pas un hasard si l'épisode commence d'ailleurs dans la chaumière d'un couple de Natifs Américains chez qui Joel et Ellie squattent, et à qui ils volent de la nourriture.

Le vieux couple déclare vivre là depuis toujours quand Joel leur fait remarquer qu'ils ont trouvé une bonne planque pour fuir le virus. Le double-discours sur la situation actuelle et l'histoire de la civilisation américaine devient évident au regard du reste de l'épisode, et apporte une perspective métaphorique nouvelle sur la propagation des infectés.

Alors ces infectés, ils nous manquent un peu, certes, mais on pardonne leur absence bien vite devant les si beaux enjeux que nous pose cette écriture décidément très maîtrisée.

Un nouvel épisode de The Last of Us est disponible chaque lundi sur Amazon Prime Video depuis le 16 janvier 2023 en France.