Episodes Saison Moon Knight : patate lunaire de Marvel ou nouvel ennui ?

En attendant que le Doctor Strange fasse son retour au cinéma et explore les différentes réalités du multivers, Marvel poursuit son expansion sur Disney+ avec un nouveau personnage, mais ce premier épisode de Moon Knight n'a déjà pas de temps à perdre avec lui et ses problèmes psychologiques. Attention mini-spoilers !

Insomnia

WHERE IS MY MIND ?

En plus d'avoir Oscar Isaac pour incarner son héros en capuchon blanc, Moon Knight a aussi pour elle l'attrait de la nouveauté. Contrairement à WandaVision, Falcon et le Soldat de l'Hiver, Loki ou Hawkeye, la nouvelle série de Marvel sur Disney+ se consacre à un personnage qui n'a été aperçu dans aucun autre film ou projet du MCU, le dernier après Shang-Chi et la jeune Kate Bishop. L'occasion parfaite d'exploiter pleinement le format sériel pour développer son histoire avant de l'intégrer dans l'univers étendu au cinéma.

D'autant que l'adaptation opère un premier changement osé par rapport aux comics dont elle s'inspire, notamment ceux de Jeff Lemire, Greg Smallwood, Francesco Francavilla et James Stokoe : au lieu de Marc Spector, le mercenaire laissé pour mort dans le désert qui renaît pour devenir un justicier et l'incarnation vivante de Konshu, le dieu égyptien de la Lune, le scénario se focalise sur une de ses autres personnalités, Steven Grant.

Me, Myself & I

Et cet alter ego n'est plus un milliardaire américain qui produit des films pour Marvel Studios et qui a un majordome, mais un loser pathétique et anglais avec des troubles mentaux qui est employé en tant que caissier dans une boutique de souvenirs de musée londonien. Un bon moyen de s'éloigner définitivement de la comparaison (erronée) avec Batman et de réinterpréter le personnage et ses troubles de la personnalité d'une autre manière.

Cependant, alors que plusieurs scènes et un passage dans un restaurant montrent clairement le calvaire qu'il vit au quotidien à cause de ses problèmes psychologiques, la série abandonne tous les aspects dramatiques du récit pour des détournements comiques, par le dialogue, la musique ou les deux. De l'humour moins raté que dans les autres productions de Marvel, mais beaucoup moins intéressant que tout ce qui est inexploité autour du personnage, faute de temps ou d'envie. Surtout quand c'est Oscar Isaac qui l'incarne, même avec un mauvais accent britannique.

Des réveils plus difficiles que d'autres

Comme l'avait déjà montré la bande-annonce, même s'il est plus ou moins lucide à propos sa condition mentale et la subit, le personnage et sa folie sont représentés de façon plus directe et plus traditionnelle, avec des troubles amnésiques et schizophréniques qui évoquent Tyler Durden, Jason Bourne ou Douglas Quaid, mais sans l'atmosphère de thriller ou de science-fiction qui va avec. Steven n'est donc qu'un "imbécile" comme le désigne Konshu, et agit comme tel tandis que la déité vengeresse et complexe se retrouve réduite à quelques apparitions fantomatiques et une voix mal incrustée qui rappelle Venom.

Bouh !

Amnesia: The Dark Descent

Introduit dans une scène de châtiment corporel rappelant combien Paul Bettany était excellent dans Da Vinci Code, Arthur Harrow est donc une sorte de gourou sectaire inspiré de David Koresh qu'Ethan Hawke interprète sans conviction.

Avec ses pouvoirs magiques liés à la psychostasie, cet adorateur d'Ammit qui se considère comme l'avatar de la déesse égyptienne s'éloigne lui aussi des comics et du savant fou pour apparaître pour l'instant comme une figure mystique et générique aux motivations aussi étranges qu'incompréhensibles. Un grand méchant qui se laisse ridiculiser devant ses adeptes et qui permet à celui qu'il cherche de s'échapper (mais peut-être qu'il est très très machiavélique et qu'il a tout prévu jusqu'au dernier épisode, comme tous les super-vilains des autres séries Marvel).

Ethan Hawke qui se prend pour Jared Leto

Alors que les crises d'amnésie et les dédoublements de personnalité de Steven l'entraînent dans des situations qui le dépassent, son comportement d'idiot et les ellipses narratives empêchent de prendre conscience de son inquiétude ou rendre le danger crédible. Pourtant, paradoxalement, les meilleures scènes d'action sont celles qui ne sont pas montrées à l'écran et massacrées par le montage, simplement laissées à l'imagination du spectateur et de Steven une fois qu'il revient à lui. Comme lors d'un retour sanglant à la réalité au milieu du village ou avec ce déchaînement de violence dans la salle de bains à la fin de l'épisode.

Malheureusement, cette rare bonne idée finit par être utilisée jusqu'à l'excès et perdre toute son efficacité, comme toutes les autres tentatives un tant soit peu audacieuses de mise en scène, que ce soit lors de la course-poursuite avec la camionnette de cupcakes ou pendant le passage qui se voudrait horrifique avec Konshu dans le couloir d'immeuble. Et les effets spéciaux atroces des rondins de bois ou du serviteur du dieu Seth qui attaque Steven dans le musée rendent les séquences encore moins appréciables.

Man In The Mirror

Sans prise de risque, le contexte et les personnages essentiels sont présentés grossièrement. Steven trouve déjà des réponses à ses problèmes de mémoire, se bagarre un peu et finit même dans son costume de Moon Knight à la fin de l'épisode. Et alors que Moon Knight appelait à un minimum de créativité, Loki et WandaVision faisaient preuve de plus de surprise et d'envie.

Encore une fois, plutôt que d'assumer et d'aller au bout de ses ambitions en offrant une série psychologique, violente, torturée et unique, à l'image de son personnage principal dans les comics, Marvel continue de vouloir proposer un divertissement conforme au reste du MCU : consensuel et accessible au plus large public, mais tout en essayant de parler d'aliénation mentale, de vigilantisme et d'incarnations égyptiennes. Et contrairement à son héros, qui jongle entre plusieurs identités, Moon Knight semble n'en avoir aucune au terme de ce premier épisode. 

Moon Knight débute le 30 mars sur Disney+ avec un nouvel épisode chaque mercredi