Yellowjackets saison 2 : critique d’un retournement de veste sur Canal +

JOUER à DOMICILE

Première porte ouverte à enfoncer : le concept de la série reste toujours aussi enthousiasmant. Dans cette saison, les personnages du passé affrontent cette fois-ci l’hiver et le froid mordant, tandis que leur petite cahute dans les bois est recouverte de neige et que le lac gèle. Au présent, les choses ne vont pas tellement mieux, puisque les survivantes se retrouvent confrontées à des pulsions violentes qui les amènent parfois à commettre l’irréparable. L’esprit maléfique qui s'est attaché à elles depuis le crash semble être toujours bien là, prêt à leur demander les pires sacrifices.

Ce nouveau décor enneigé, alors que la fin de la première saison annonçait avec cruauté les horreurs du froid, est l’occasion d’exploiter de nouveaux enjeux et de jouer d’autant plus avec l’environnement. Une simple sortie un peu trop longue peut devenir glacialement mortelle, n’importe quel coin de forêt devient méconnaissable sous un manteau blanc, la glace traître du lac peut céder à tout instant, et la poudreuse étouffe bien des bruits suspects. Cette saison 2 explore avec habileté toutes ces nouvelles possibilités pour construire un nouveau suspense.

Barbecuite

De leur côté, les comédiennes qui forment cette bande aussi effrayante qu’attachante sont toujours aussi excellentes, et le plaisir de retrouver les reines du cinéma de genre Christina Ricci et Juliette Lewis (pour ne citer qu’elles) en mégères frappadingues reste entier. Parmi leurs homologues adolescents, même Ella Purnell aura encore droit à de beaux moments dans le rôle de la défunte Jackie, qui reste ici au cœur d’un basculement majeur du récit, celui que les spectateurs attendent peut-être depuis le premier épisode de la première saison.

En somme, grâce à toutes ces qualités, la saison 2 de Yellowjackets semble repartir sur les mêmes (excellents) rails que la première saison. Mais est-ce que ces rails finissent par mener quelque part ? Parce que oui, le suspense est renouvelé, le suspense est ménagé, le suspense demeure... mais peut-être (beaucoup) trop. Pour faire suite à une première saison qui finissait déjà, malgré son excellent niveau, par donner l'impression de tourner en rond, ces nouveaux épisodes entrent dans la ronde sans sortir du cercle infernal.

Sophie Thatcher, la dame de neige

MANGE TES MORTS

Parce que bon, depuis le premier épisode de la saison 1, la série annonce qu’il s’est passé quelque chose d’absolument horrible parmi les yellowjackets avant qu’elles ne soient retrouvées. Pas seulement des morts, mais aussi probablement du cannibalisme, autrement dit le point Godwin de toute histoire d’expédition perdue qui se respecte. On s'y attend tellement qu'il ne servirait à rien de faire durer le suspense d'une série entière sur ce seul point. Et pourtant...

Alors oui, l’hameçon est mordu, et le spectateur attend impatiemment que soit confirmé (et même montré, soyons honnêtes) ledit cannibalisme, et que ses circonstances soient révélées. Et quelle est l’influence du fantastique, dans tout ça ? Les yellowjackets sont-elles devenues sorcières, ont-elles été effleurées par le Wendigo ? Ce sont des pistes que lancent les nombreux flashbacks énigmatiques qui émaillent la totalité des épisodes. Mais à toutes ces questions et attentes, jamais satisfaction n’est donnée.

Loup, yéti ?

L’épisode de mi-saison, qui se veut une bascule importante, aurait dû être (a minima) la conclusion de la saison précédente, et beaucoup plus de chemin aurait dû être parcouru depuis, si la série daignait redevenir efficace. Mais Yellowjackets délaye sans relâche et de plus en plus sa narration, si bien que le suspense s’estompe et que chaque espoir de grosse révélation est systématiquement déçu. Subsistent quelques moments choquants et qui pourraient être importants, notamment en ce qui concerne Misty et Shauna, mais leur traitement relativement anecdotique leur enlève toute réelle conséquence sur le récit.

Pour ce qui est de l'aspect franchement horrifique de la série, les quelques rapides images fantastiques sont toujours maîtrisées et, nom d’un chien, qu’est-ce qu’elles font envie, mais elles se font de plus en plus rares et passent juste en coup de vent, le temps de laisser entrevoir ce qu’aurait pu être cette deuxième saison si ses concepteurs avaient un peu bossé pour lui donner de la consistance.

Misty entre deux méfaits

NEW PLAYERS

Néanmoins, même si l’intérêt retombe, cette deuxième saison a le mérite de proposer quelques nouveaux arrivants en termes de personnages et de thématiques. En tête, il y a bien sûr Elijah Wood : en parallèle de sa carrière d’acteur, ce fan de séries B horrifiques en produit très régulièrement depuis une dizaine d’années, et c’est toujours un plaisir pour les amateurs du genre de le voir passer une tête dans ce genre de programmes.

Christinelijah

Il rejoint donc l’aventure sous le nom de Walter, un passionné d’enquête particulièrement intrigué par la dangereusement pétillante Misty, et son arrivée dans la série est un petit souffle d’air frais qu’on espère voir prendre en importance par la suite. La fille de Shauna, Callie, interprétée par Sarah Desjardins, connaît aussi un développement assez intéressant, tiraillée qu’elle est entre le rejet des bizarreries de sa mère et son attirance pour ce côté sombre dont elle a peut-être hérité.

Par ailleurs, la série choisit aussi de flirter avec le vaste sujet des sectes, en développant le personnage de la mystérieuse Lotte, devenue gourou d’une sorte de camping new age. Le problème, c’est que les risques des dérives sectaires sont ici très peu abordés ou exploités (certains sont même présentés sous un jour plutôt positif), et que certains épisodes semblent avoir tout bonnement remplacé le fantastique horrifique par une atmosphère de club de yoga mystique.

Telle mère, presque telle fille

C’est donc après moult atermoiements et nouvelles pistes timides que la deuxième saison de Yellowjackets s’achève sans avoir réellement avancé. Comme toute série un peu ado-friendly du moment, elle se conclut au son du morceau Killing Moon de Echo & the Bunnymen, toujours aussi magnifique mais devenu un peu tarte à la crème dans le genre.

Un léger cliffhanger laisse un goût de résignation tant le spectateur doute, devant ces dernières images, qu’une troisième saison saura davantage rassasier sa faim. Mais pour l’amour du casting et des personnages, on ne peut s’empêcher d’espérer.

Deux nouveaux épisodes de la saison 2 de Yellowjackets est diffusé chaque jeudi soir sur Canal+ depuis le 25 mai 2023.