Hello Tomorrow ! : critique qui promet la Lune sur Apple TV+

Geoffrey Fouillet | 1 avril 2023 - MAJ : 01/04/2023 16:29
Geoffrey Fouillet | 1 avril 2023 - MAJ : 01/04/2023 16:29

Neil Armstrong y est parvenu en son temps, et dans la série Hello Tomorrow !, disponible sur Apple TV+, alunir est désormais à la portée de tous. Mieux encore, il est possible de déménager sur la Lune. Créée par Lucas Jansen et Amit Bhalla, cette comédie rétro-futuriste, qui rappelle le style de Brad Bird (Les IndestructiblesÀ la poursuite de demain), se déploie autour de l'acteur et producteur Billy Crudup au gré d'une première saison comptant dix épisodes. Et si le voyage proposé est bel et bien lunaire, ce n'est pas pour nous déplaire !

THE TRU-MOON SHOW

Envie de prendre un nouveau départ ? Brightside vous ouvre ses portes. Ce petit havre de paix aménagé à même le sol lunaire est la destination rêvée par excellence, et Jack (Billy Crudup) ainsi que ses fidèles collaborateurs Shirley (Hannefah Wood), Eddie (Hank Azaria) et Herb (Dewshane Williams), travaillent d'arrache-pied afin de promouvoir et vendre les propriétés sur mesure qui s'y trouvent. Mais il y a un hic : l'eldorado promis repose sur un mensonge éhonté, et seul Jack tire les ficelles dans le plus grand des secrets.

L'idée d'aller coloniser la Lune n'a visiblement rien perdu de son actualité, surtout suite aux annonces encore récentes et un tantinet délirantes d'Elon Musk à ce sujet. Et c'est l'un des points forts de la série qui, même ancrée dans les années 1950, réussit à tisser des passerelles inattendues avec notre présent, Jack étant ni plus ni moins que l'ancêtre fictif des PDG et VRP mégalos du XXIe siècle. Pour autant, dans Hello Tomorrow !, l'enjeu est de viser grand tout en restant petit. Jack et ses acolytes ne sont pas des rockstars dans leur domaine, mais de modestes promoteurs immobiliers, adeptes du porte-à-porte, se mêlant au tout-venant de la population.

 

Hello Tomorrow! : Photo Billy CrudupLe visage de la supercherie

 

Et cette modestie se ressent dans l'attirail publicitaire déployé par la fine équipe : un spot télévisé fait de bric et de broc, des prospectus bon marché, des conférences en petit comité... Tout semble un peu au rabais, et l'esthétique de téléshopping, présente dès le générique de lancement, est autant un cache-misère qu'une vitrine ultra-kitsch servant de miroir aux alouettes. Quand Jack sort de sa poche des petits cailloux soi-disant récupérés à la surface de la Lune ou emploie Buck Manzell (Frankie Faison) comme mascotte de l'entreprise et "shérif de l'espace", il fournit à ses potentiels clients un contexte certes factice, mais tangible.

"Ce monde apparaît comme le produit des réclames du début du XXe siècle, quand le rêve américain était forgé par des compagnies cherchant à nous vendre un avenir flambant-neuf et des appareils qui permettaient de gagner du temps. Nous voulions voir ce que ce serait de vivre dans ce genre de publicité", expliquait Amit Bhalla, co-créateur de la série, lors d'une interview pour le site Comic Book Resources. Et il faut dire que l'un des plaisirs un peu sadiques du spectateur (on ne se refait pas, que voulez-vous) est de voir les fondations de ce château de cartes céder peu à peu.

 

Hello Tomorrow! : photoLe jet-pack, cette invention nommée désir

 

MA FAMILLE D'ABORD

Et si tout menace de s'effondrer, avec les pires conséquences possible à l'arrivée, c'est que la mise de départ tient compte aussi d'enjeux purement affectifs. Le rêve de Jack repose sur une vision formulée ainsi dès le premier épisode : "Quand je pense à ma femme dans notre jardin lunaire, à mon fils qui joue au ballon en apesanteur, à ma merveilleuse famille...". La Lune devient un territoire où les regrets, les rendez-vous manqués n'ont plus lieu d'être, autrement dit une alternative heureuse à la Terre, ce qui rappelle le très beau Another Earth.

Que Jack choisisse de renouer avec son fils Joey (Nicholas Podany), qu'il a abandonné au plus jeune âge, sans pour autant lui révéler leur lien de parenté, vient redoubler l'ironie dramatique initiale, le mensonge se jouant alors dans les sphères publique et privée. Cet arc rédempteur du personnage, a priori archi-convenu, demeure le cœur vibrant de la série, et nous permet d'occulter les sous-intrigues parfois poussives, voire carrément grotesques (les dettes d'Eddie et ses déboires avec un mafieux caricatural), qui étirent un peu inutilement l'ensemble.

 

Hello Tomorrow ! : photo, Billy Crudup, Nicholas Podany"Crois-moi, fiston, tu ne verras jamais une paire de miches pareille"

 

Dans le lot des petites histoires parallèles à la grande, celle qui rassemble une épouse trompée (Alison Pill, toujours délicieusement borderline) et un fonctionnaire arc-bouté sur le règlement (Matthew Maher) apporte une candeur tout à fait bienvenue. Alors oui, il serait facile de reprocher à Hello Tomorrow ! un excès de mièvrerie, mais les créateurs ont su prendre le pouls des fifties, assumant à la fois l'optimisme transi et le ton décalé des sitcoms américaines de l'époque. C'était aussi le principe de la mini-série WandaVision, qui égratignait d'une tout autre façon le vernis de cette période bénie.

Les ficelles ont beau être un peu grosses parfois et les deus ex machina ont beau se multiplier dans les derniers épisodes, l'effet "Waouh" que Jack tente d'inspirer chez sa clientèle finit également par nous saisir (pauvres spectateurs avides de merveilleux que nous sommes). On le doit avant tout à l'intervention parcimonieuse du spectaculaire – on pense à l'atterrissage d'une fusée au beau milieu de la nuit, qui a valeur de dernier tour de magie et donc d'écran de fumée aux yeux du public. Au fond, qu'importe les moyens employés, tant qu'ils concourent au rêve de tout à chacun, et le tableau familial idyllique qui conclut cette première saison en est une parfaite illustration.

Hello Tomorrow ! est disponible en intégralité sur Apple TV+ depuis le 1er avril 2023

 

Hello Tomorrow ! : photo, Billy Crudup

Résumé

Disposant d'un high-concept en béton armé, Hello Tomorrow ! se savoure comme du petit lait. Entre l'écriture ciselée, le décorum luxueux et son casting au diapason (on n'était pourtant pas les premiers à parier sur le charisme de Billy Crudup), la série distille un charme et un suspense qui ne se démentent jamais en dépit de quelques égarements. En l'état, une saison 2 serait de la pure gourmandise, mais après tout, pourquoi se priver ?

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
commentaires
regh
13/03/2024 à 01:12

Fallout avant les bombes

Miss M
03/04/2023 à 11:54

Un petite série extrèmement fraîche et distrayante ! J'adore ce rétro-futurisme sirupeux qui dégouline de chaque épisode. Les acteurs sont tous très bons hormis le couple formé par Herb et sa femme. Je ne comprends tjs pas pourquoi ce duo là surjoue en permanence jusqu'à la caricature physique et verbale...

votre commentaire