Coeurs Noirs : critique d'une série qu'Irakonte pas n'importe quoi sur Prime

LA GUERRE ÇA MOSSOUL

La promesse de Coeurs Noirs est aussi simple que ses péripéties au Moyen-Orient sont laborieuses : proposer en six épisodes d'environ une heure un thriller haletant, racontant le périple d'une équipe des forces spéciales françaises à Mossoul, bien déterminé à déjouer un attentat en préparation. Pour construire ce récit à couper le souffle, la série s'entoure de scénaristes habitués à l'exercice, à l'instar de Corinne Garfin ou Duong Dang-Thai. Force est de constater que la mission est remplie. Entre trahisons multiples, guet-apens et retournements de veste, Coeurs Noirs nous offre l'expérience complète du panier de crabes kalash à la main.

Pour habiller le récit, on retiendra les nombreuses et délicieuses scènes d'action mises en scène par Ziad Doueiri (L'Insulte, Baron Noir). Il a bénéficié du soutien de l'armée française qui a joué un rôle de consultant, lui offrant leur expertise à propos de nombreuses problématiques. De jour, de nuit, dans des tunnels, sous la pleine lune, à l'arme au poing ou à l'explosif, il y en a pour tous les goûts. Jamais stupides ni gratuites, les scènes d'action palpitantes (et parfois jouissivement longues) s'inscrivent comme la continuité de la tension accumulée précédemment.

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Boys don't cry

Si le postulat de la série est rempli avec brio, on aurait pourtant aimé une réflexion moins superficielle sur son objet. Pourquoi des Français partent-ils faire le djihad ? Quelles sont les conséquences de l'action militaire française (a fortiori sur les populations civiles irakiennes) ? Quelle vie attend les membres des forces spéciales, mais aussi les familles des djihadistes à leur retour à la vie civile en France ?

Peut-être que cette lecture critique de la série est absente à cause du soutien de l'armée française ? En échange d'une lecture du scénario et d'un contact entre l'équipe et le 13e régiment de dragons parachutistes (qui aura donné du fil à retordre aux comédiens lors de leur préparation), la série se prive d'une réflexion intéressante sur les limites de l'action militaire française hors de ses murs.

Elle se prive par la même occasion d'une réflexion sur la santé mentale de nos soldats, trop vite évacués en quelques scènes de déluges de larmes ou de destruction de mobilier. Il s'agit sans doute du corolaire de ce format court qui doit inclure une structure narrative forte et de nombreuses scènes d'action. Dommage, avec une si belle brochette de soldats à bout de nerfs, remplis de traumatismes, d'honneur, de deuil et de masculinité.

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Made in France

L'un des autres nombreux points forts de la copie de Coeurs Noirs est l'immersion. Qu'il s'agisse des décors (étonnamment variés pour un récit si court, qui a bénéficié d'un tournage au Maroc), de la bande-son (dont on retiendra cette si pertinente et surprenante reprise de Knockin on Heaven's Door), des figurants, ou des accessoires, tout renforce le sentiment du spectateur d'être au milieu d'une filature musclée à Mossoul. La série jouit d'un souci du détail remarquable et d'un artisanat particulièrement raffiné, à la limite d'un documentaire du Quai d'Orsay.

Et si l'on s'est tu jusque là à propos de son casting, ce n'est en rien pour faire passer la pilule. Si Nicolas Duvauchelle parvient aisément à camper un chef de meute buté et sur le départ, le reste de l'escouade n'est pas en reste. Marie Dompnier donne de l'humanité à son rôle de décideuse cinglante, Nina Meurisse offre à la série l'une de ses séquences les plus angoissantes, et Moussa Maaskri s'inscrit comme un salopard implacable et terriblement attachant.

L'intégralité de Coeurs Noirs est disponible sur Prime Video depuis le 3 février 2023.