Lockwood & Co. : critique d’un envoûtement bien sage sur Netflix

Marvin Montes | 1 février 2023 - MAJ : 01/02/2023 15:29
Marvin Montes | 1 février 2023 - MAJ : 01/02/2023 15:29

Adaptation directe d’une série de romans fantastiques destinés à un jeune public, Lockwood & Co., la nouvelle série de Joe Cornish (réalisateur de Attack the Block) parvient elle à se délester des limites imposées par sa volonté de plaire au plus grand nombre ? Et surtout, les univers Young Adult ont ils encore un peu de magie en réserve ? Réponse immédiate sur Netflix.

LE SEIGNEUR DES ADOS

Artefacts magiques, adolescents débrouillards, apparitions spectrales… En quelques minutes d’épisode pilote, Lockwood & Co déroule soigneusement les éléments désormais habituels de tout récit labellisé « Young Adult » qui se respecte. Dans la foulée des plutôt peu marquantes Shadow and Bones ou encore Destin : la saga Winx, le grand N rouge mise cette fois sur une équipe de chasseurs de fantômes juvéniles pour tenter de pérenniser un créneau « jeune adulte » qui a bien du mal à s’inscrire dans la durée sur la plateforme.

Force est de constater que depuis les succès au cinéma des sagas Twilight, Hunger Games ou dans une moindre mesure Le Labyrinthe, le versant adolescent de la science-fiction et de l’heroic fantasy fait plutôt grise mine. Mais qu’importe, les séries littéraires emplissent régulièrement les rayons des librairies et le nombre d’œuvres transposables sur petit et grand écran ne cesse de croître.

 

Lockwood & Co. : photo, Cameron Chapman, Ruby Stokes, Ali Hadji-HeshmatiLa nouvelle garde du Young Adult
 

Lockwood & Co, saga fantastique issue de l’imagination de l’auteur britannique Jonathan Stroud, débute en 2013 avec la publication de son premier volume, L’escalier Hurleur. À l’heure où sont écrites ces lignes, l’œuvre de Stroud compte cinq romans. Les deux premiers sont mis en image au cours de la première saison de la série Netflix. Le récit, identique sur papier comme à l’écran, prend place au sein d’une chronologie alternative où les revenants tourmentent quotidiennement les vivants, cinquante ans après un mystérieux événement sobrement dénommé « Le problème ». Les adolescents, dotés d’une sensibilité oubliée par des adultes usés par la vie, sont désormais le seul rempart de la société face à une invasion spectrale en progrès constant.

Équipée d’une rapière et usant de pouvoirs divers et variés, la jeunesse britannique est employée par des agences monnayant son talent contre le nettoyage de lieux hantés. Lucy, jeune chasseuse de fantômes prodige, est forcée de quitter sa campagne natale à la suite d’une tragique opération ayant couté la vie à nombre de ses camarades. Rejetée par les plus grandes agences londoniennes, notre héroïne intègre finalement la petite équipe de Lockwood & Co, organisation à l’amateurisme criant, qui plus est la seule non supervisée par un adulte.

 

Lockwood & Co. : photo

 

TIENS BIEN LA CORNISH

Pour chapeauter sa nouvelle série, Netflix s’adjoint donc les services de Joe Cornish. Le réalisateur et scénariste anglais, proche d’Edgar Wright, a déjà fait ses preuves en filmant des ados aux prises avec des menaces surnaturelles dans les solides Attack The Block et Alex, Le destin d’un roi. En sus de son statut de showrunner, Cornish réalise le premier et le dernier épisode de Lockwood & Co (sans surprise, les plus intéressants).

Premier constat, et non des moindres : la série se montre majoritairement convaincante sur le plan esthétique, et se pare même d’une identité visuelle l’éloignant régulièrement du programme générique attendu. La photographie, nimbée d’un vert nébuleux faisant autant référence aux couvertures des livres qu’à l’un des artefacts employés par Lockwood et ses compagnons, est toujours flatteuse.

 

Lockwood & Co. : photo, Ruby StokesGreen Lantern, les origines
 

Même dynamique du côté du casting, incarné sans fioritures par des comédiens devant s’accommoder de stéréotypes totalement convenus : une jeune surdouée tourmentée, un leader téméraire et mystérieux et une caution scientifique aussi brillante qu’inadaptée sociale. Et c’est ici que se situe l’écueil majeur de cette première saison, sans que l’on soit réellement surpris. Bien que correctement exécutés, les huit épisodes de la série peinent à maintenir l’intérêt du spectateur, entre progression classique et joutes calibrées.

Pire, Lockwood & Co semble régulièrement user de pirouettes scénaristiques visant à réduire à peau de chagrin le pourcentage d’action visible à l’écran. Les apparitions spectrales, adversaires récurrents de nos Ghostbusters en herbe, se font rares devant la caméra de Cornish et consorts, visiblement plus intéressés par des ambiances brumeuses que par de quelconques affrontements spectaculaires.

 

Lockwood & Co. : photoC'est peut-être pas plus mal en fait...

 

A KIND OF MAGIC

Finalement, l’impression tenace de se trouver devant un programme un tantinet perdu dans son propre propos subsistera jusqu’au bout. Dans Attack The Block (et même dans son film suivant), Cornish n’hésitait jamais à faire basculer son cinéma bis et décomplexé vers une ébauche de critique sociale bienvenue. Lockwood & Co, de par les thématiques qui régissent son univers, avait tout de l’écrin parfait pour l’écriture précise de son showrunner.

La série (et les romans dont elle s’inspire) aborde en effet frontalement le travail des enfants et l’exploitation de leurs talents maudits par des adultes quasi profiteurs de guerre. L’échiquier politique mis en place par l’introduction – avec ses multiples agences luttant pour la mainmise sur le business de la chasse aux fantômes – était également prometteur. 

 

Lockwood & Co. : photo, Parisa TaghizadehParisa Taghizadeh 

 

Malheureusement, le déroulé de cette première saison se contente d’évoquer ces vagues problématiques, sans jamais les traiter en profondeur. À l’image de sa mise en scène devenant brouillonne dès lors que l’action exige un minimum de mouvement, Lockwood & Co choisit de resserrer son intrigue autour des relations fluctuantes entre les trois membres de l’agence, en laissant de côté les enjeux du monde qui tourne autour. Même dans sa structure, la série semble sans cesse se questionner : enchainement d’épisodes indépendants ou mise en place d’un timide fil rouge ?

Encore une fois, Lockwood & Co ne tranche jamais et file droit vers sa conclusion attendue et son ouverture à une potentielle suite exploitant les écrits restants de Stroud. La malédiction des adaptations young adult pèse probablement trop lourd sur les épaules de la frêle série, qui ne trouve jamais sa tonalité définitive au cours de cette première saison.

Pas assez fun ni enlevé pour un jeune public, et trop superficielle dans le traitement de son contexte pour les habitués du fantastique, Lockwood & Co se tient éloignée de toute prise de risque, quitte à ne générer que de la frustration. Difficile à aimer, impossible à totalement détester, c’est peut-être ça, la magie de l’eau tiède.

Lockwood & Co est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 27 janvier 2023

 

Lockwood & Co. : affiche

Résumé

En dehors d’une direction artistique et d’une patine visuelle régulièrement convenable, Lockwood & Co file (à allure modérée) sur les rails d’un classicisme qui ne marquera pas grand monde.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(2.7)

Votre note ?

commentaires
Olivier
27/02/2023 à 01:06

La seule chose qui est agréable, c’est que ça ne meurt pas dans tous les coins et toutes les cinq minutes.
En revanche, les rapports entre adolescents sont complètement factices. Ils les font jouer comme s’ils étaient des préadolescents

votre commentaire