Hunters saison 2 : critique qui a épuisé les jeux de mots nazis sur Amazon

"On peut avoir une deuxième chance"

Quelle drôle de série que Hunters, coincée entre un postulat de pure nazisploitation décérébrée (un groupe de juifs se lance dans la traque des nazis ayant trouvé refuge aux États-Unis après la guerre, pour finalement démanteler un réseau d'ex-SS préparant l'avènement du 4e Reich) et des velléités, si politiques aux moins historiques. Plutôt que de choisir entre le bis décomplexé et un sérieux respectueux, David Weil et sa clique de scénaristes sabotaient à la fois l'une et l'autre des approches, frustraient les cinéphiles et scandalisaient (à raison) le mémorial d'Auschwitz avec des flashbacks franchement déplacés.

La saison 2 aurait-elle enfin réussi à trouver son ton ? Elle profite en tout cas largement des coups de théâtre improbables de la fin de saison 1 qui l'ont fait revenir sur les rails de l'humble divertissement : Meyer, ou pluton "The Wolf", général en chef de la milice vengeresse et tortionnaire nazi sous couverture, n'est plus, contrairement à Adolf Hitler lui-même, bien vivant dans une villa argentine. Cerise saignante sur le gâteau de n'importe quoi : le dictateur en exil est campé par l'indispensable Udo Kier, passé maitre dans l'art du salut bras levé (c'est la quatrième fois qu'il arbore sa moustache !) et légende du cinéma d'exploitation.

Meilleure mine Kier

La mission des Hunters du titre ? Traquer et tirer de sa retraite ni plus ni moins que le Führer en personne. Un programme régressif, qui nous débarrasse une bonne foi pour toutes des visions des camps... mais pas des flashbacks ampoulés. Car Al Pacino et son accent marmonnant sont toujours à l'affiche de cette saison 2, de fait régulièrement perturbée par d'innombrables séquences détaillant la vie du monstre sous couverture et la formation de son escouade secrète. Il n'en fallait pas plus pour alourdir un récit qui tendait enfin vers une simplicité salvatrice.

En effet, le reste du temps est consacré à une intrigue d'espionnage un poil désuète, loin d'être originale, mais assez fournie en rebondissements et en cabotinages pour faire oublier les longueurs des huit premiers épisodes. Logan Lerman gagne 100 points de charisme en se laissant pousser la moumoute, ainsi que le commandement de la petite équipe, laquelle se trouve une nouvelle alliée et part bon an mal an sur la piste d'Adolf. Sans l'attention envahissante portée au faux Meyer, la dimension pulp de l'aventure transparaitrait enfin.

Il est Al

Procès d'intentions

Puis viennent les deux derniers épisodes, qui cristallisent le paradoxe de la série. Le premier prend la forme d'un faux flashback écrit sur le modèle du conte, relatant la survie de familles juives dans une maison d'architecte. Du principe à la mise en scène, il assume son artificialité, casse le quatrième mur, puis le reconstruit littéralement, multiplie les références aux histoires pour enfants (Les trois SS sont trois dangereux loups), lorgne presque sur le surnaturel (les pièges), non sans humour noir. Un exercice de style un poil bancal, mais dont la nature même trahit une interprétation fantaisiste de l'Histoire, soit ce dont la série aurait dû se revendiquer dès son pilote.

Le second change radicalement de braquet pour raconter, très sérieusement, le procès d'Hitler. Concept et exercice de pensée intéressants s'il en est, d'ailleurs parfois organisé dans la réalité par des troupes d'artistes et de passionnés d'Histoire. Encore aurait-il fallu que le scénario ne s'appuie pas sur des procédés grossiers (le jeune avocat juif qui se constitue grand défenseur de la méthode pénale, le jury aux origines douteuses, le faux suspens sur le verdict) et les habituels archétypes pour établir sa démonstration, quand bien même certaines idées sont pertinentes (le négationnisme comme façade de la radicalisation antisémite) ?

Ah oui, il y a ça aussi...

Bien entendu, les défenseurs de la série déduiront de cet enchainement improbable une ambivalence des thématiques traitées. Difficile de ne pas y voir un gloubi-boulga d'intentions nobles et de délires pop qui décrédibilise d'emblée ses grandes conclusions sur la montée du fascisme dans les sociétés occidentales et gâche le plaisir régressif qu'elle aimerait susciter. Quoi que laissassent deviner les premiers épisodes, Hunters n'a pas encore tranché sur son approche. Cette seconde saison a toutefois pour elle de rendre bien plus spectaculaire son indécision.

Hunters est disponible en intégralité sur Amazon Prime Video depuis le 13 janvier 2023