Alice In Borderland saison 2 : critique borderline sur Netflix

Axelle Vacher | 6 janvier 2023 - MAJ : 06/01/2023 13:03
Axelle Vacher | 6 janvier 2023 - MAJ : 06/01/2023 13:03

Après une première salve d'épisodes auréolée de succès en 2020, et le bref passage d'une pandémie que l'on ne présente plus, la deuxième saison du survival dystopique Alice In Borderland a finalement investi le catalogue Netflix. Avec près de 135,5 millions d'heures de visionnage depuis sa sortie le 22 décembre, le phénomène a décroché le record de la série japonaise la plus regardée lors de son premier week-end de l'histoire de la plateforme. L'attente valait-elle le coup, ou Alice aurait-il mieux fait de rester dans le trou du lapin ?

We live in a society

Il est inutile de rappeler que les temps qui courent sont marqués d'une profonde incertitude. Qu'il s'agisse des stigmates pandémiques accablant le quotidien des uns et des autres, de l'inflation perpétuelle terrassant jusqu'au plus innocent paquet de coquillettes, de l'insécurité géopolitique actuelle ou encore du réchauffement climatique qui n'augure rien de bon (quoique, pour citer un grand philanthrope, "qui aurait pu prédire la crise ?"), l'heure ne semble pas exactement aux réjouissances.

Néanmoins, puisque l'espèce humaine se caractérise avant tout par un esprit de contradiction saisissant, cette atmosphère pré-apocalyptique a engendré un regain d'intérêt pour les survival horror tels que Battle Royale, Hunger Games, Saw, ou plus récemment, le carton sud-coréen Squid Game. C'est donc sans grande surprise que la première saison d'Alice In Borderland, adaptation du manga d'Haro Asō, a joui d'un bel engouement à son lancement en décembre 2020.

 

Alice In Borderland : photo, Kento Yamazaki, Tao Tsuchiya, Ayaka Miyoshi, Aya AsahinaUn peu d'adrénaline pour se détendre ? 

 

Réinterprétation trash du célèbre conte d'Alice au Pays des Merveilles, le récit plonge son personnage éponyme, un jeune tokyoïte socialement mal adapté, au coeur d'une atmosphère anxiogène. Ce n'est d'ailleurs pas chercher midi à quatorze heures que de lire à travers les thématiques et propos engagés par la série la dénonciation d'une société de plus en plus déconnectée de son humanité.

Si le scénario n'a pour sa part rien de particulièrement original, la série dirigée par Shinsuke Sato s'est néanmoins démarquée par sa mise en scène astucieuse, son action savamment chorégraphiée, sa violence résolument graphique, ou encore, sa gestion intelligente de l'univers de Borderland. La première saison s'est ainsi appliquée à engager moult enjeux pour la suite des aventures d'Arisu/Alice (Kento Yamazaki) et sa nouvelle alliée, Usagi ("lapin" en français). 

Quel mystère se cache réellement derrière ce Tokyo dystopique ? Les personnages parviendront-ils finalement à rejoindre le monde réel ? Et surtout, toutes les cartes numérales ayant été battues lors les épisodes précédents, quels dangers leur réserve cette nouvelle phase du jeu ?

  

Alice In Borderland : photo, Nijirô MurakamiBorderland ou Slumberland ?

 

Pan Pan Lapin 

Fidèle au manga original, l'intrigue de cette nouvelle saison en tacle le deuxième arc ; les personnages se retrouvent ainsi confrontés aux cartes "habillées", soit, les Rois, Dames, et Valets propres aux quatre enseignes du jeu (trèfle, carreau, coeur et pique). Le cliffhanger final des épisodes précédents ouvre alors promptement les hostilités, tandis que la dangerosité de la situation semble initialement revue à la hausse. Face au Roi de Pique et sa gâchette facile, Alice, Usagi et les quelques rescapés de la Plage n'ont d'autres choix que de séparer en vue d'assurer leur survie.

La brutalité de cette introduction est une mise en garde en soi : là où la première saison posait les bases d'un univers régi par des énigmes sadiques, cette seconde salve d'épisodes semble plutôt attachée à bouleverser les règles préétablies, tout en imposant un sentiment d'urgence vertigineux. Néanmoins, une fois les premiers éclats de violence passés, la promesse de nouvelles épreuves régies par une poignée d'adversaires plus impitoyables encore tombe trop vite à plat. 

 

Alice In Borderland : photo, Kento Yamazaki, Tomohisa YamashitaMéchant nudiste et philosophe vs protagoniste chiant à mourir

 

La mécanique bien huilée dont jouissait précédemment la série laisse alors place à moult cahots dont le spectateur est le dommage collatéral. De fait, l'écriture d'Alice In Borderland a beau avoir gagné en finesse ainsi qu'en complexité depuis ses débuts – cela vaut pour les dialogues comme pour le déroulement de l'intrigue –, la mauvaise exploitation de celle-ci en déjoue l'efficacité et plombe ostensiblement le récit.

Les huit épisodes souffrent ainsi d'une inégalité aussi bien rythmique que narrative. Certes, les différents jeux ont le mérite d'alterner entre dangers physiques et tensions psychologiques, mais cela n'empêche nullement certaines épreuves de s'étirer à la limite du supportable, tandis que d'autres semblent plus expédiés qu'un 49.3 à l'Assemblée.

 Alice In Borderland : photo, Tao Tsuchiya, Kento YamazakiDuo infernal

 

Ce déséquilibre ne se limite nullement à l'action seule, et s'observe également à travers le traitement des personnages. Ces derniers divisés dès les premières minutes de cette nouvelle saison, le scénario alterne entre les différents partis de façon peu judicieuse. En effet, si ce phénomène de bascule permet un développement plus approfondi de personnages jusqu'alors sous-exploités (on pense notamment aux excellentes Ann et Kuina, ou à l'antagoniste repenti Aguni), il laisse surtout au couple principal l'occasion d'assommer un peu plus le spectateur.

Car c'est bien là que réside le mystère principal d'Alice In Borderland : pourquoi diable Alice continue-t-il d'être le protagoniste alors qu'il est clairement le maillon faible de la série ? Il n'est nullement question de blâmer l'interprète de cette insupportable tanche ; après tout, le pauvre bougre n'y est pour rien si les scénaristes n'ont pas jugé utile d'accorder à son personnage le minimum syndical de personnalité.

Sa camarade puis amante Usagi n'est pas en reste non plus au département des têtes à claques. Si la première saison s'était appliquée à lui conférer une épaisseur intrigante, la jeune femme semble depuis avoir été reléguée au rang de demoiselle en détresse irritante. Seule sa confrontation contre la Dame de Pique, à cheval entre les cinquième et sixième épisodes, a brièvement su rendre au personnage ses couleurs passées.

 

Alice In Borderland : photo, Tao Tsuchiya(Im)poser un lapin

 

Down the rabbit hole

Le principal point noir de ces nouveaux épisodes repose toutefois moins sur l'inégalité de son rythme que sa réticence à proposer une résolution franche aux mystères introduits précédemment. S'il est généralement judicieux de conserver un certain sens du suspense pour mieux pérenniser l'engagement du spectateur, il s'agirait néanmoins de veiller à ne pas trop se jouer du caractère nébuleux de l'intrigue pour ne pas finir par perdre ce dernier. Ainsi, le désir manifeste des scénaristes de retenir toute explication jusqu'à la dernière minute finit par avoir quelque chose de lassant. En résulte non seulement un décrochage progressif du spectateur, mais aussi une sous-exploitation de la mythologie propre à l'univers.

L'introduction de citoyens natifs à cette Tokyo déserte et employés comme antagonistes aux motivations ambigües a, par exemple, ouvert tout un champ des possibles trop rarement adressé par le scénario. Il y a également une certaine frustration à constater le malin plaisir avec lequel la série démontre combien ces personnages-là semblent détenir les clefs du mystère, tout en refusant d'en communiquer les tenants et aboutissants. 

 

Alice In Borderland : photo, Yuri TsunematsuQuand l'un des personnages les plus cool ne dispose que de 0.30 seconde de temps d'écran

 

Fatalement, si la conclusion propose bien quelques éléments de réponse au spectateur, celle-ci ne suffit absolument pas à couvrir l'ensemble des interrogations soulevées tout au long de la série. Et si cela n'était pas assez insatisfaisant comme cela, les évènements menant au fameux twist manquent cruellement d'enjeux : alors que l'avant-dernier épisode de la saison jouait allègrement les dealers d'adrénaline, les quatre-vingts minutes allouées à son successeur se font quant à elles franchement ressentir.

Un constat d'autant plus décevant que la révélation finale est loin d'être inintéressante. S'il n'est pas question d'en dévoiler ici les détails, ce retournement de situation confère au récit une profondeur rétrospective émouvante. Réflexion non pas tant sur le sens de la vie que l'importance de chérir l'existence pour ce qu'elle est, Alice In Borderland rappelle au spectateur la force de l'humain malgré ses nombreuses faiblesses.

 

Alice In Borderland : photo, Riisa NakaTea party

 

Moins efficace que sa prédécesseure, cette nouvelle saison remplit néanmoins diligemment son cahier des charges, et propose une oeuvre simultanément divertissante et réfléchie. En cherchant toutefois à trop préserver le dessous de ses cartes, la série conclut trop prestement son intrigue et néglige d'en soigner les détails. La faute, peut-être, à la pression ressentie par les producteurs exécutifs devant la possibilité de ne pas être renouvelé pour une troisième salve d'épisodes. Le dernier plan laissant néanmoins la porte ouverte à une suite potentielle, il n'est pas exclu que les aventures d'Alice et Usagi ne soient pas encore tout à fait terminées.

Alice In Borderland saison 2 est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 22 décembre 2022

 

Alice In Borderland : affiche (2)

Résumé

Moins engageante sur cette seconde saison que sa première, Alice In Borderland n'en reste pas moins un survival engageant dont le twist final ne manque pas d'émotion.

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commentaires
Garou
21/04/2023 à 16:29

Pour ceux qui critiquent la fin ou que Arisu soit le héros ou le fait que certains personnages ne meurent jamais, avez-vous bien compris la fin ???
C'est quand-même le sujet même de la série (et du manga) : la vie/la mort, le suicide, la culpabilité face à la mort des proches, etc. Si vous ne cherchez que le côté bourrin des jeux, vous passez complètement à côté du propos de l'auteur !

R҉F҉ঐGuzman
06/03/2023 à 19:19

La Season 1et 2 était parfaite même si Aogiri ect.. reçoivent 19 ball et ne meurt pas mais la fin c'est la pire moment car ils ne se souvient de rien du tout moi je suis extrêmement déçu de la fin

Tokuten
25/01/2023 à 12:10

La saison 2 a été honteuse. J'ai beaucoup aimé la première saison mais alors celle-ci ne veut strictement rien dire. Entre les scènes de speech pas du tout naturelles ouin ouin, les moments super longs et le fait que le héro principal ait la capacité de jeu d'acteur d'un enfant de 4 ans. Tout ça sans compter les personnages invincibles qui passent entre les balles à bout portant et qui même si touchés par 14 balles ou 15 coups de couteau sont capables de faire bien plus que les autres et de continuer de vivre... Tant d'incohérences et de surjeux alors que le concept était si bien.

Deelve
16/01/2023 à 12:17

Les jeux de la saison 2 sont bien plus aboutis, et enfin, il y a un peu de charsime chez certains personnages. Par contre, les persos qui ne meurent jamais, y compris après une rafale de mitraillette a bout portant, le fait que le dernier épisode soit d'une lenteur insupportable, et que la fin n'ai aucun sens, font de cette série, une oeuvre proche d'un navet.

Kevin Gameiro
15/01/2023 à 20:48

J'ai commencé à découvrir cette série le 20 décembre. J'ai fini la saison 1 en 1 jour. Je voulais trop savoir la suite, heureusement qu'elle apparaissait 2 jours plus tard. J'imagine pas le temps interminable qu'ont dû attendre une grande majorité. Sinon, j'ai adoré cette série, que je recommande vivement à tous les intéressés d'Hunger Games, et tous films/séries qui y ressemblent!!!

Picasso sensei
14/01/2023 à 13:01

De la saison 2 je retiens l'épisode 7, enormissime d'émotions 4


08/01/2023 à 22:07

La première saison m'avait scotché, j'ai passé celle ci en accéléré.

Franken
07/01/2023 à 19:52

Super, j'avais déjà trouvé que la première saison de plantait joliment en cours de route, je laisse cette série rejoindre la liste de plus en plus longue des "abandonnées après tentative imprudente" !

Anonymous
07/01/2023 à 13:12

Je ne pense pas qu'Alice peut être considéré comme un "maillon faible" sachant qu'il a sauvé la plupart des personnages principaux plusieurs fois. Je trouve que les scénaristes n'ont pas assez mis son intelligence et l'ont réduit au personnage cliché qui panique vite mais qui finit par trouver la solution.

meet7art
07/01/2023 à 10:17

Y'a que moi qui trouve que la fin est bien éclaté ?
J'aurais préféré l'une des possibles raisons mentionné par la maîtresse du dernier jeu lors de leur ''pause Thé '' sur leur présence dans ce monde. La véritable raison est franchement las terrible et qui plus est le fait que la plupart des personnages survivent aussi longtemps après les blessures qu'ils ont subit est complètement irréaliste... La plupart devraient être mort. Du n'importe quoi.

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