Peacemaker Saison 1 : critique post-Suicide Squad sur Amazon

Mathieu Jaborska | 3 janvier 2023 - MAJ : 03/01/2023 11:22
Mathieu Jaborska | 3 janvier 2023 - MAJ : 03/01/2023 11:22

Véritable succès d'estime aux Etats-Unis (chose rare pour une série dérivée d'une adaptation de comics), la saison 1 de Peacemaker, dérivée de l'excellent The Suicide Squad, aura mis du temps à arriver en France, la faute au flou qui entourait la distribution des productions HBO Max. Grâce à l'accord tout neuf passé entre Warner et Amazon, elle est enfin disponible sur Prime Video. Et mieux vaut tard que jamais, puisque la collaboration entre James Gunn et John Cena est assez irrésistible.

Attention, légers spoilers.

Suicide Club

"Peacemaker, what a joke" (quelle blague). Les derniers mots du pauvre Colonel Rick Flag, inaugurant le dernier acte de The Suicide Squad et prononcés alors qu'un morceau de carrelage venait se loger dans son ventricule droit, étaient suivis d'un contrechamp évocateur. Ils hantent non seulement ces huit épisodes, mais aussi le personnage éponyme, reflet crétin de Bloodshot et chien de garde du système exploité pour sa stupidité influençable. Encore ébranlé par ses frasques au sein de la Task Force X et à l'issue de quatre années de prison, Christopher Smith est enrôlé par une nouvelle section secrète sous l'autorité d'Amanda Waller. En parallèle, il devra s'occuper de ses propres problèmes familiaux.

C'est la marotte de James Gunn, ici créateur, scénariste, producteur et réalisateur de 5 épisodes : se concentrer sur un protagoniste aussi mal aimable que mal aimé et lui coller dans les pâtes toute une portée de bras cassés qui finiront par lui accorder une place dans leurs rangs et une chance d'introspection. À ce ranger pseudo-patriotique, de loin le membre le plus détestable de la fameuse Suicide Squad, le cinéaste adjoint donc un authentique psychopathe (Vigilante), une rookie en galère (Leota), un geek complexé (Economos), une agente démissionnaire (Harcourt) et un patron coincé.

 

Peacemaker : photoFine équipe 

 

D'emblée, sous l'impulsion de Gunn, notre antihéros dévoile sa vraie nature : fils d'un néonazi joué par Robert Patrick (vieux briscard de série B et inoubliable T1000 de Terminator 2 ici parfaitement haïssable), il est moins foncièrement mauvais que très influençable et sous le joug d'une toxicité dont il est devenu malgré lui le héraut. C'est en transférant progressivement sa confiance (et la garde de son... aigle domestique) vers ses nouveaux compagnons qu'il parvient peu à peu à s'émanciper et à faire de son entêtement grossier une force.

Une trajectoire simple et par instants émouvante déclinée dans toute l'oeuvre du cinéaste. Ici, elle est exposée avec d'autant plus d'efficacité que John Cena semble ravi de s'autoparodier. Parfait en teubé plus si idéaliste, très à l'aise dans les tunnels de dialogue abscons caractéristiques de son compère, et parfois même plutôt attendrissant quand il prend la mesure de la remarque de Flag en train de chambouler sa vie, il s'amuse comme un petit fou avec une énergie communicative.

 

Peacemaker : photo, John CenaUn pet au casque

 

Alors bien sûr, il faut accrocher à l'humour de l'auteur, qui, non contraint par le cahier des charges d'un long-métrage de studio, tartine chaque épisode de vannes régressives héritées de son passage chez Troma et d'élucubrations absurdes qui soûlent jusqu'aux membres de l'A.R.G.U.S. Il faut également accepter qu'il s'emploie à ne prendre au sérieux absolument rien ni personne, de la politique américaine la plus rance à ses personnages les plus monolithiques. Le générique, déjà culte, donne le ton : d'entrée de jeu, le casting se ridiculise dans la joie, la bonne humeur et au rythme des riffs de rock bien yankee. Un délice pour les uns, une fanfaronnade puérile pour les autres.

 

 

Super avec plombs

Mais pour qui goûte aux délires du réalisateur de Horribilis, Peacemaker s'inscrit parfaitement dans sa filmographie et renvoie d'ailleurs plus à son premier vrai film de super-héros, Super, où un Rainn Wilson matrixé par la culture pop se mettait à tabasser les méchants à la clé à molette. Outre la mise en scène, dont les tressaillements artisanaux (caméra à l'épaule, hésitations) tranchent avec les tableaux millimétrés de The Suicide Squad, les héros n'y sont pas non plus des êtres surnaturels, mais bien des dingues qui profitent du climat culturel pour enfiler une tenue en lycra et tabasser leurs ennemis déclarés.

Un pied dans l'imaginaire du comic-book, un pied dans la réalité sordide, James Gunn retrouve cet entre-deux décalé, à la lisière du malaise. Sauf qu'ici, avec un ancrage officiel dans l'univers DC, il peut prendre le contrepied total des aventures friquées qui en font voir de toutes les couleurs aux comptables de Warner. Délestés de l'iconisation abracadabrante des surhommes en collant et des tics de réalisation inhérents au genre, l'univers DC devient une sorte d'arène pleine à craquer au mieux de maniaques, au pire de fascistes pourris jusqu'à la moelle, héritiers mooresques du  Ku Klux Klan en costume à cornes.

 

Peacemaker : photoHis time is now 

 

Dans son élément, sur le fil qui lui a d'ailleurs valu quelques soucis, le scénariste s'empare d'un pan plus engagé de la mythologie DC et se paye la tête des théories Qanon... puisqu’il avoue au détour d'un dialogue mettre en scène un deep state duquel le beauf raciste drogué à Infowars ne se préoccupe guère, obnubilé par l'humiliation de son fils.

Comme Super, la série hybride les approches du genre avec adresse et un poil de méchanceté, jusqu'à prendre le risque d'embrasser les théories les plus douteuses... avant de les balayer d'un bref dialogue, qui résume très simplement la passion de Gunn, à savoir la bienveillance enfouie dans les enflures naïves, elles-mêmes coincées entre pop culture et monstruosité manipulatrice, souvent de mèche. Et comme d'habitude, c'est dans le collectif que les antihéros se muent en héros.

 

Peacemaker : Photo John Cena"Shut up, crime !"

 

En profitant de ce spin-off pour revenir à ses premiers amours, pour explorer le hors champ de l'univers DC et y traquer ses rebuts les moins sexy, le réalisateur, par ailleurs metteur en scène de quelques moments de bravoure dont il a le secret, accomplit ce que la plupart des excroissances télévisuelles d'univers étendus refusent de faire : s'emparer du format série afin de donner le change des blockbusters propres sur eux.

Même lorsqu'il cède au contractuel caméo final, c'est pour mieux choisir sa propre équipe : celle des vigilantes fêlés dans tous les sens du terme, qui, faute d'yeux lasers et de lassos antiques, n'ont plus qu'eux-mêmes. Le fait qu'il ait été nommé dans la foulée à la tête de la franchise n'en est que plus intrigant. Car à n'en point douter, James Gunn aime les super-héros sans peur et sans reproche, mais il leur préfère l'équipe B, forcée de combattre, en plus des traditionnels colons spatiaux, les humains qui voudraient les instrumentaliser, bien plus dangereux.

La saison 1 de Peacemaker est disponible depuis le 30 décembre sur Amazon Prime Video

 

Peacemaker : Affiche officielle

Résumé

James Gunn renoue avec l'ambivalence pop et méchante de Super, et ça n'est pas pour nous déplaire.

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(3.7)

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commentaires
Miss M
04/01/2023 à 10:54

Je ne supporte rien ou presque des univers Marvel et DC, que se soit au cinoche ou au format TV. Mais là... j'avoue... gros plaisir coupable. Peacemaker n'est pas exempt de défauts, lourdeurs, longueurs, etc, certes. Mais ça m'a arraché des rires bien francs et j'ai découvert un catcheur/acteur dont je ne soupçonnais pas une telle capacité à l'autodérision. Une série honnête et distrayante à mon sens ^_^.

Jerome13001
04/01/2023 à 09:54

"il y a encore des gens qui pensent que le catch c'est vrai et la rechauffement climatique c'est faux", réponse faite à J .Cena/ Peacemaker, très méta, et qui illustre le ton de la série qui est une vraie réussite.
Derrière les vannes ou l'humour "lourdingue" que pointe certains, il y a une vrai acidité quant à l'état de notre société actuelle...
La série est à l'image du personnage de Cena, suffisament bête pour être drôle "involontairement" dans le premier degrès jusque boutiste du personnage, mais tout aussi ironique et détâché pour très souvent taper juste sur l'état du monde contemporain.

Arsh
04/01/2023 à 08:15

Petite erreur dans l'article, ce n'est pas un aigle mais un pygargue. A ne pas confondre non plus avec Nathalie kosciusko-Morizet.

Cl3ms
04/01/2023 à 08:02

Donc le seul "méchant" de TSS n'est en fait qu'un débile immature sous l'influence de papa, qui ne demande qu'à être un gentil s'il est bien entouré ? Ou comment ruiner le seul personnage intéressant de son film

Gromu
04/01/2023 à 02:24

J’ai peur pour DC
Je ne sais si le parti pris d’un humour lourdingue et bas du front de gunn est une bonne idée pour toute la franchise….
Même les gardiens souffrent du même ton très bouzeux des usa
Et c’est pas vraiment ce que j’attend de Superman et consorts

Loubeiga
03/01/2023 à 20:45

@Galeen la series est disponible en France depuis 2 semaines sur Amazon Prime, avant ça impossible de la voir ou de l'acheter sur nos plate-forme. Donc oui ils ont attendu qu'elle soit visionable LÉGALEMENT avant d'en faire un article. Ils n'allaient pas nous encourager à foncer la télécharger ou la regarder illégalement.

Galeen
03/01/2023 à 20:17

Ça dois faire 6 mois que j'ai vu cette série et c'est maintenant que vous réveiller pour en faire une critique ? Vous êtes aussi en retard que la SNCF XD

Marco22
03/01/2023 à 18:48

The boys lui a probablement permis d'aller très fort dans le style déjanté

brucetheshark
03/01/2023 à 18:10

@OMG
je n'ai pas toujours été convaincu par la série... Mais le générique est le meilleur générique de série depuis des années !

Redwan78
03/01/2023 à 17:33

J'ai adoré comment Gunn se fout de la gueule de John Cena.
Le running gag avec le ninja c'était pas mal.
La série est bien mais elle est oubliable.

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