Kaleidoscope : critique d'un casse sans tête sur Netflix

Clément Costa | 2 janvier 2023 - MAJ : 03/01/2023 11:52
Clément Costa | 2 janvier 2023 - MAJ : 03/01/2023 11:52

Pour lancer sa nouvelle année, Netflix mise gros sur Kaleidoscope. La série de braquage signée Eric Garcia se paie un casting quatre étoiles et repose sur un concept très prometteur. Ajoutons à cela la présence de Ridley Scott en tant que producteur et tous les ingrédients semblaient réunis pour une grande réussite.

L’ARMÉE DES VOLEURS

Sur le papier, Kaleidoscope pourrait ressembler à n’importe quelle série de casse avec sa bande de voleurs qui s’attaque au coffre-fort le plus sécurisé du monde. À la clé, un butin de 70 milliards de dollars. Pourtant le créateur de la série Eric Garcia, scénariste de Repo Men et producteur du très sympathique The Jane Doe Identity, nous réserve quelques surprises. Tout d’abord du côté de la temporalité, puisque son récit s’étend sur 25 ans. Mais c’est surtout par sa narration non linéaire que la série est censée se démarquer.

En effet, la campagne promotionnelle menée par Netflix s'est reposée en grande partie sur l’argument du concept original : vous pouvez regarder Kaleidoscope dans l’ordre que vous voulez. Au-delà de son aspect interactif forcément attrayant, l’idée a ouvert la possibilité d’une narration déconstruite particulièrement stimulante. Chacun peut opter pour l’ordre de son choix, et pour notre part, nous avons regardé une première fois la série dans l’ordre automatiquement suggéré par Netflix (qui diffère pour chaque compte), puis tenté un deuxième essai en suivant l’ordre chronologique du récit.

 

Kaleidoscope : photoEl Profesor et ses cancres

 

Du côté de la mise en scène, trois cinéastes se partagent la réalisation. On retrouve notamment Mairzee Almas, grande habituée des séries Netflix déjà à l’œuvre sur Jessica Jones, Locke & Key ou encore Sandman. Le résultat offre une série à la mise en scène très classique mais techniquement compétente (une série Netflix, en somme...).

Cependant, Kaleidoscope parvient tout de même à se créer une identité propre, notamment grâce à certaines formules efficaces qui se répètent à chaque épisode. Par exemple, la scène d’introduction est toujours lancée par une chanson qui donne le ton des aventures à venir. Autre motif intéressant, on conclut toujours avec un fondu coloré qui nous explique le titre de l’épisode. Rien de révolutionnaire sur la forme, mais c'est largement suffisant pour que la série se démarque du tout-venant.

 

Kaleidoscope : photoUn masque qui ne servira pas du tout à vendre des produits dérivés

 

Autre point positif, la série peut compter sur un casting en or. En tête d’affiche, Giancarlo Esposito incarne à la perfection le leader charismatique de la bande. L’ancien Gus Fring de Breaking Bad nous rappelle une fois encore son immense talent avec un naturel déconcertant. À ses côtés, on retiendra également l’actrice espagnole Paz Vega dont la versatilité est toujours aussi impressionnante.

Mais il serait impossible de saluer ce casting presque parfait sans mentionner le délicieux Rufus Sewell. De Chevalier à La Légende de Zorro, l’acteur incarne mieux que personne les pourritures au sourire trop parfait pour être honnête. Grand antagoniste de la série, il nous offre un spectacle particulièrement divertissant.

 

Kaleidoscope : photoMoi, beau et méchant

 

BASSE VOLTIGE

Malheureusement, dès que l’on quitte les qualités techniques, tout s’effondre. Le premier problème majeur se situe du côté de l’écriture des personnages. Absolument chaque protagoniste se limite à une fonction basique. Les motivations personnelles sont tellement superficielles et convenues qu’on ne parvient jamais à s’investir émotionnellement. Entre le père et mari blessé qui veut se venger, l’enquêtrice anciennement toxicomane et l’homme d’affaires gentiment corrompu, on enchaîne les clichés éculés à un rythme incessant.

Pire encore, même les interactions les plus simples entre les personnages ne fonctionnent pas. Élément crucial de toute histoire de casse, la dynamique de groupe est un échec total. Par simple question de cohérence, impossible d’accepter qu’un cerveau aussi brillant que celui de Leo accepte de prendre Bob dans sa bande. Autre exemple, les déboires du couple toxique formé par Bob et Judy viennent régulièrement parasiter la narration.

 

Kaleidoscope : photoUn génie mal entouré

 

Même constat pour l’écriture du scénario en général. Tout est cousu de fil blanc et on ne nous épargne aucun poncif du genre. On a évidemment droit à l’histoire de l’ancien braqueur dont le fameux dernier casse avant de se ranger a mal tourné. Les trahisons s’anticipent à des kilomètres. Difficile de s’intéresser réellement au déroulé des événements quand on ne quitte jamais cette sensation tenace de déjà-vu.

Le plus absurde est probablement que la série est persuadée de nous réserver des surprises brillantes. Tout dans la mise en scène et les dialogues semble nous crier à chaque twist que personne ne pouvait s’y attendre. Le spectateur est alors dans une position particulièrement complexe, face à une œuvre qui se sent constamment bien plus intelligente qu’elle ne l’est vraiment.

 

Kaleidoscope : photoQuand tu n'arrives plus à faire semblent d'être surpris

 

TU BRAQUES OU TU CRAQUES

Le plus gros problème de Kaleidoscope réside cependant dans son incapacité à trouver le ton juste. Lors de quelques séquences efficaces, on pourrait croire que la série va basculer dans la comédie noire façon Guy Ritchie. Certains personnages secondaires sortent d’ailleurs directement de Snatch, notamment deux bandits amateurs de podcasts sur la vie de couple. Mais ce qui aurait pu être un vrai atout devient un échec narratif de plus car l’aspect comique n’est pas suffisamment assumé pour faire mouche.

Et au-delà du décalage comique inégal, donc gênant, la série échoue également à gérer sa dimension dramatique. Là encore, tout est une question d’équilibre. Avec un récit anecdotique à ce point, les séquences d’émotion semblent bêtement forcées, perdues dans cet assemblage en poupées gigognes.

 

Kaleidoscope : photoC'est bon ? C'est fini ?

 

Mais le pire se situe probablement du côté des trois derniers épisodes – du moins dans l'ordre qui nous a été suggéré. Pour son final, Kaleidoscope veut nous offrir une copie de Reservoir Dogs, persuadée que personne d’autre au monde n’a la référence. Trop appuyé pour n’être qu’un simple hommage, pas assez décalé pour verser dans le pastiche, le choix d’écriture est plus que discutable.

D’autant que le cruauté joviale ne prend pas car, là encore, les tonalités contradictoires transforment un exercice explosif en simple conclusion tiède. La structure éclatée et désordonnée du récit montre à ce moment-là ses limites. Dans le cas de notre visionnage, le fait de placer l’épisode du casse après deux épisodes se déroulant ultérieurement vient tuer tout l’intérêt et le suspense du braquage tant attendu. En bref, de belles promesses et une construction intrigante pour retomber sur une énième déception.

Kaleidoscope est disponile sur Netflix depuis le 1er janvier 2023.

 

Kaleidoscope : photo

Résumé

Jamais à la hauteur de son concept fort, Kaleidoscope est sauvée de justesse par son casting investi et ses quelques idées formelles. Dommage que son écriture soit un naufrage complet.

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commentaires
Skanda
10/09/2023 à 23:55

@Picass Sensei
Euh, le blanc est sensé être le final donc il faut terminer et non commencer par celui-là hein… (c’est bien précisé dans l’intro)

@Franck 2 Dijon
Et donc, quel est le problème ? C’est le fait que l’actrice soit coréo-afro-américaine et non sino-afro-americaine qui te dérange ?

Franck 2 Dijon
24/01/2023 à 22:42

Dans un certain sens de vision des épisodes, ça ressemble à du AB Production.
Nous n'avons pas eu autant de plaisir de visionnage depuis la serie Lupin sur Netflix.
ps: La fille du protagonniste n'était pas sensé être "sino afro américaine"?

Picass Sensei
14/01/2023 à 19:24

Quand tu regardes l'épisode blanc en premier, tu as regardé 80% de la série. Si tu rajoutes le Rouge tout de suite après, 90%.
j'ai essayé de regarder de manière aléatoire et je suis malheureusement tombé en premier dessus.
Le concept novateur de regarder dans l'ordre qu'on veut était ambitieux, et pour ma part, avec 4 des 9 épisodes, ça marche bien. Mais alors, il faut bien se rassurer de la teneur équitable de chaque épisode pour éviter que certains recèlent bien plus d'intrigues et d'éléments de dénouement que d'autres.
Et malheureusement c'est ce dont à souffert Kaleidoscope.
Mais j'ai bien aimé le braquage en lui-même, original par endroits, et le dénouement final assez inattendu, et finalement apprécié.

BlackAdaube
13/01/2023 à 11:05

De la m*rde en boite, comme tout ce qui vient de chez Netlifx. Et l'autre zozo qui trouve Memento révolutionnaire, faudrait penser à avoir de la culture g avant de raconter n'imp comme ça.

Zouzoulive
12/01/2023 à 20:57

Je suis étonnée que personne n'ait mentionné le film Memento, parce qu'en matière de chronologie totalement chamboulée, il reste pour moi une référence absolue. Un choix autant radical, ça ne s'était jamais vu (à l'époque, du moins ; je suis nulle en histoire du cinéma).
En même temps, je vous parle d'un temps...
Quant à la critique en elle-même de Kaléidoscope, je suis surprise. L'épisode Blanc apporte énormément de révélations. Si, c'est est un épisode absolument pivot dans la narration, même si, comme moi, on a regardé bêtement les épisodes dans l'ordre proposé. On a beau avoir vu dans l'épisode précédent le devenir après-casse de chaque personnage, j'ai trouvé l'épisode Blanc d'autant plus efficace, parce qu'on se dit "Ben oui, mais j'ai vu la suite avant, donc wesh". Oui, mais non. Ça fonctionne grave.
Je n'ai pas compris dans la critique le côté "ouais, tu vois la fin avant le cœur du sujet, c'est trop nul, sa mère !" En fait, la série est bien plus subtile à mon sens. Il faut la regarder pour se faire son propre avis, et c'est très rare pour une série.
Ceci dit, des fois, on regarde un truc parce qu'on est obligé par le boulot, et on cartonne ce qu'on a été obligé de regarder. Genre, si j'veux ! Mais en fait, on s'est bêtement braqué, parce que, ce jour-là, on était tout chonchon...
C'est pas grave, ça nous arrive à tous ;-)

Yy100X
12/01/2023 à 10:26

Ce fût un bon divertissement...regardé dans l'ordre suggéré par Netflix, je découvre après coup qu'il y avait un ordre aléatoire. Je ne lis jamais les avis avant...et là je confirme c'est mieux ainsi. Questions /réponses, réponses avant la question ce puzzle était captivant. Certes il ya toujours mieux, mais l'intrigue est desservie par un casting 5 étoiles et a l'excellente idée d'une narration innovante sur un sujet mainte fois scenarisé.

Trashyboy2
04/01/2023 à 08:43

@Geoffrey Crété: du coup, vous aimez les Schtroumpfs?!!? J'ai beau chercher, je ne trouve aucun article... :-(

Morcar
03/01/2023 à 17:12

Autant ce n'est pas aussi révolutionnaire qu'on pourrait le penser, et l'intrigue reste une intrigue classique de film de braquage, mais ce n'est pas mauvais pour autant. Ca met surtout en lumière le fait qu'un scénario racontant la même histoire peut être construit de manière différente en plaçant les faits différemment chronologiquement.
Il est vrai que certains épisodes racontent des faits qui n'auraient pas mérité 40 minutes de développement si la série n'avait pas été pensée de cette manière, mais malgré tout je trouve que c'est habilement écrit. Chaque épisode apporte ses révélations importantes pour comprendre toute l'histoire, sans qu'on n'ai jamais l'impression qu'il nous manque quelque chose.
A mon avis, un spectateur qui ne sera même pas au courant du principe de la série la regarder sans se rendre compte qu'il aurait pu regarder les épisodes dans un autre ordre. Donc à ce niveau là, c'est plutôt réussi.

C'est expérimental, on va dire, et je trouve que l'expérience est réussie. Mais en dehors de ça, l'intrigue est très classique, c'est certain. Mais combien de gens se pignolent sur "Ocean's Eleven" qui n'est pas meilleur à ce niveau ?

Geoffrey Crété - Rédaction
03/01/2023 à 14:17

@Xmar

Merci, on a bien rigolé.

Xmar
03/01/2023 à 13:07

Ha Écran Large ... Rien qui ne comporte des personnages bleus n'a de valeur à vos yeux

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