DMZ : critique post-apocalyptique qui rend les armes sur Amazon

Matthias Mertz | 30 décembre 2022
Matthias Mertz | 30 décembre 2022

DMZ est beaucoup plus que ce que l'on pourrait croire. La mini-série de quatre épisodes, réalisée par Ava DuVernay et Ernest R. Dickerson, est une adaptation de la bande-dessinée à succès éponyme de Brian Wood et Riccardo Burchielli. C'est aussi le fruit d'un accord entre Warner Bros et Amazon Prime Video pour gonfler la grille de programmation de ce dernier en France. Aux côtés, entre autres, de Peacemaker ou Pretty Little LiarsRosario Dawson débarque ainsi, flingue à la main, pour ce drame de science-fiction nerveux.

MAKE MANHATTAN GREAT AGAIN

Si on peut présenter la série DMZ (acronyme de zone démilitarisée dans la langue de Shakespeare) comme une adaptation de la bande-dessinée à succès éponyme, ce n'est que partiellement vrai, puisque l'oeuvre de Brian Wood et Riccardo Burchielli comporte plus d'une dizaine de tomes, impossibles à compresser dans les quatre heures de la série.

Il conviendrait en fait, plutôt que de lister les différences entre les deux itérations, de lister ce qu'elles ont en commun, c'est-à-dire pas grand-chose. La série de Roberto Patino hérite du postulat de sa grande soeur : Manhattan est devenu un ghetto démilitarisé et une zone de non-droit à la suite d'une guerre civile au sein des États-Unis d'Amérique.

 

DMZ : photo, Rosario Dawson, Mamie GummerC'est pas parce que le monde s'écroule qu'on peut pas sourire

 

Toute l'intrigue et la narration sont différentes. En premier lieu, la présence de Rosario Dawson dans le rôle de Zee, une médecin à la recherche de son fils disparu dans la zone démilitarisée, est une conséquence nette de ce changement de format. Puisque ce dernier est plus resserré, il faut des enjeux plus immédiats (au contraire du narrateur de la bande-dessinée, Matthew, reporter en herbe, trainant la patte en rendant compte du quotidien des habitants de la DMZ).

L'intrigue n'est pas la seule victime, puisque le ton gris, vulgaire, cynique et poussiéreux de l'oeuvre a succès s'efface pour laisser apparaître quelque chose de beaucoup plus lisse. La série s'offre un squelette résolument plus politique, plus verbeux, moins contemplatif, en sacrifiant au passage de nombreux et excellents designs qu'il eut été facile de restituer, ainsi que la psychologie complexe de certains personnages devenus bidimensionnels (et aussi minces et beaux que s'ils sortaient de Riverdale).

 

DMZ : Photo Rosario DawsonNous aussi, on aurait le seum de sortir en même temps que Peacemaker

 

Je ne suis pas trop une légende

En termes de construction du monde, DMZ se révèle à nouveau expéditive. On aurait aimé voir Rosario Dawson jouer au golf sur un porte-avion ou piquer dans les magasins d'une île de Manhattan transformée en terrain de jeu au sein d'un drame presque documentaire (toute ressemblance avec la bande-annonce d'un film post-apocalyptique avec Will Smith étant évidemment fortuite).

Pourtant, la seule visite de son Chinatown, de son dispensaire et de son quartier latino se révèle une bien vide expérience touristique, comme si ces dizaines de milliers de réfugiés vivaient dans un seul pâté de maisons. Où sont les gratte-ciels, les rives de l'Hudson, la Statue de la Liberté ou le Madison Square Garden ?

 

DMZ : photo, Freddy MiyaresSkel, probablement le plus gros manqué de la saison

 

Ce sentiment d'étroitesse se confirme quant à la façon dont la série lie ses personnages. Au sein de la DMZ, quelques leaders ont émergé, parmi lesquels Wilson, la force tranquille de Chinatown et Parco, le bruyant maître de cérémonie électrisant le quartier latino. Ils sont désormais de véritables gourous, défendus par leurs groupes respectifs.

Interagir avec ces hommes quasi-providentiels pour les habitants de la DMZ devrait être un challenge. Malheureusement, ils se révèlent rapidement être des connaissances de Zee, une facilité scénaristique évidente. Au milieu des larbins armés jusqu'aux dents et prêts à en découdre pour prendre le contrôle de la DMZ, Zee fait son petit marché en allant discuter avec ces parrains intouchables comme si elle allait voir le gérant du Mistral dans un épisode de Plus Belle la Vie (repose en paix, ils ne te méritaient pas).

 

DMZ : photo, Hoon LeeUn choix capillaire très différent de celui de la bande dessinée

 

parrain, mets-nous des coups de rein

Heureusement, nous ne nous plaindrons pas d'avoir beaucoup de moments à l'écran pour Wilson ou Parco. On peut d'ailleurs étendre cette réflexion à une grosse partie du casting, apparaissant comme presque irréprochable. Outre le très émo (et pas franchement intéressant) Skel, campé par Freddy Miyares, la série fait un sans-faute.

Rosario Dawson parvient à donner de la substance à ce drame familial et résolument politique. Elle est assistée dans ce dessein par un Hoon Lee très justement paternaliste et une Oona (sous les traits de Nora Dunn) qui nous rappellerait presque les guérillas féministes du Kurdistan tant elle mène poigne de fer et sagesse de matriarche.

 

DMZ : photo, Benjamin PrattMerci de vous référer à nous sous le nom de Benjamin Bratt fan account désormais

 

Mais s'il fallait ne retenir qu'un visage, il s'agirait à n'en point douter de Benjamin Bratt, absolument habité dans son rôle de Parco Delgado. Tout droit sorti d'un film de Brian De Palma, ce voyou bourré de charisme, impossible à détester, malgré un rôle cliché de baron en veste en cuir et au tempérament explosif, est l'étincelle nécessaire pour que le feu prenne.

Enfin, le très jeune Jordan Preston Carter offre un aperçu d'Odi tout en sensibilité et en espièglerie, qui aurait mérité un arc narratif plus approfondi. Il demeure comme une respiration enfantine et l'expression d'un regard innocent au milieu des pérégrinations politiques et coups de couteau à la jugulaire.

 

DMZ : photo, Rosario Dawson, Benjamin BrattSi votre crush vous regarde comme ça, vous avez tout gagné (ou tout perdu ?)

 

La qualité indéniable de la production ne s'arrête pas au casting, puisque les décors et la bande-son ont bénéficié d'un travail pointilleux pour faciliter notre immersion, une prouesse dans un récit de science-fiction de seulement quatre heures.

Du Chinatown souterrain éclairé à la seule lumière des néons en passant par la végétation luxuriante ayant élu domicile sous les nombreux ponts de Manhattan jusqu'aux barbecues en musique du quartier latino, DMZ parvient à habiller son récit et à convaincre de la vitalité de ses habitants. De quoi nous donner envie d'en voir plus, beaucoup plus, ce qui devrait sans doute se produire tant la série hurle son envie de nous proposer une nouvelle saison.

DMZ est disponible en intégralité sur Amazon Prime Video depuis le 30 décembre 2022.

 

DMZ : Affiche officielle

Résumé

En ne retirant que la prémisse, rapidement diluée, de son matériau de base, DMZ se prend les pieds dans le tapis. Heureusement, la série jouit d'une qualité de production indéniable et d'un Benjamin Bratt habité. De quoi nous laisser imaginer ce qu'un format plus large aurait pu permettre.

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commentaires
Constantine
30/12/2022 à 21:30

Série toute pourrie a des années lumières du classique de chez Vertigo/ DC comics. Mais bon vu le manque de respect envers Brian Wood dès le début de la production, on pouvaient s’y attendre…

Madolic
30/12/2022 à 13:34

Il a vieilli depuis Miss Congeniality Benjamin Bratt ^^

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