The Devil's Hour : critique du changement d'heure diabolique sur Amazon

Ange Beuque | 28 octobre 2022 - MAJ : 28/10/2022 15:51
Ange Beuque | 28 octobre 2022 - MAJ : 28/10/2022 15:51

Pour sa première création, Tom Moran prend Jessica Raine (Call the Midwife) au piège d'insomnies démoniaques, plonge Peter Capaldi (The Thick of It) en pleine ambiguïté temporelle et confronte Nikesh Patel (Indian Summers) à un écho mollasson de La Malédiction. Si vous ne craignez ni les enfants lobotomisés ni les castings anglais, soyez au rendez-vous de la série The Devil's Hour sur Amazon Prime Video.

Le diable s'habille en nada

Une femme se réveille chaque nuit à 3h33 du matin. Pas de chance : il s'agirait de l'heure du diable, certainement parce que 6h66 n'existe pas. Sa mère déraille, son fils est aussi doué pour l'extériorisation de ses émotions qu'un sociopathe de haut niveau, et elle se retrouve reliée à des meurtres brutaux.

N'entretenant aucun rapport avec le film homonyme de 2019, The Devil's Hour bénéficie d'un pitch intrigant avec ce concept d'heure satanique. La problématique de l'enfant laissait augurer d'un détournement de l'innocence dans la veine de La Malédiction de Richard Donner.

Sauf que la série met trop de temps à en tirer une singularité : ce n'est que dans ses derniers segments qu'elle explicite sa mythologie, trop tard pour en exploiter vraiment le potentiel. Pas une tare en soi, cette révélation aurait pu couronner un échafaudage de mystères savamment entretenus.

 

The Devil's Hour : Jessica RaineLe snooze de l'angoisse

 

Malheureusement, les clichés fantastiques à base de visions fugaces et le symbolisme biblique rudimentaire (Isaac, M. Shepherd...) ne génèrent pas un effet d'attente particulièrement prononcé. L'anomalie du réveil nocturne pourrait presque être remplacée par une démangeaison à l'entrejambe sans métamorphoser les grands axes du récit.

Reste Peter Capaldi, dont la délicieuse ambiguïté constitue un atout certain. Ses traits durs et sa faculté à camper une folie plus ou moins douce (voir son interprétation lunaire dans The Suicide Squad) lui permettent d'assumer l'ambivalence de son personnage. Mais pour marquer vraiment les esprits, ou faire fonctionner sa confrontation avec Jessica Raine en mode mastermind psychologique type Le Silence des agneaux, il aurait fallu un scénario plus subtil.

 

The Devil's Hour : Peter CapaldiAm I a good man ?

 

L'épouvantable thriller

The Devil's Hour ose un mélange des genres entre thriller, épouvante, fantastique et drame qui, bien géré, aurait pu offrir une expérience singulière. Premier problème : en dépit du temps d'écran qui lui est consacré, l'angoisse suit des sentiers si balisés, à base d'hallucinations ultra-redondantes et de jumpscares d'une grande pauvreté (le vibreur du téléphone...), que la série échoue à éveiller le moindre frisson. N'est pas James Wan ou Mike Flanagan qui veut.

Le scénario pâtit de son versant fantastique sous-exploité, ne pouvant proposer guère mieux que quelques scènes de prescience ou des discussions avec des interlocuteurs invisibles pour susciter le trouble. Les échanges attendus chez le praticien interprété par Meera Syal ne déconcerteront pas davantage les amateurs du genre.

 

The Devil's Hour : Jessica RaineMur, mon cher mur, dis-moi si l'avortement, c'est encore possible à huit ans

 

Le bilan n'est guère plus reluisant côté thriller, tant le jeu de piste manque de peps. Lestée par des scènes inutiles, l'enquête progresse lentement, à coups de ficelles convenues ou de facilités indignes : extraire un détail d'une bande sonore, trouver le code d'un coffre grâce à l'énorme indice placé juste à côté... Même l'exploration de souterrains « à la Saw » laisse de marbre : la photographie soignée tire plus l'univers du côté du conte pastel esthétisé que de l'expérience craspec.

Si la greffe peine à prendre, l'émotion finit par poindre quand le destin de la famille se noue. Sur les derniers épisodes, c'est étrangement dans l'action que le réalisateur marque des points, offrant quelques séquences bien emballées lorsque la confrontation devient frontale.

 

The Devil's Hour : Peter CapaldiThe sick of it

 

Ghost protagonists

Tom Moran peut compter sur un casting d'origine anglaise contrôlée, dont la majorité a fait un tour du côté de Doctor Who, jusqu'aux producteurs Steven Moffat et sa femme Sue Vertue. Ce n'est sans doute pas par hasard si au détour d'un interrogatoire, le policier demande à Peter Capaldi s'il est "un voyageur du temps"...

En dépit d'un feeling british pas déplaisant (en cas d'ennui, vous pouvez oser le shot de whisky chaque fois qu'un personnage boit un thé ou en parle), les interactions sont cruellement dépourvues de vie et d'authenticité. La dynamique reliant les deux héros est clichée au possible et totalement désincarnée, et on peine à justifier l'importance prise à l'écran par le petit ami initial. Comment y croire avec des dialogues manquant à ce point de relief et de vivacité, à l'image de cet échange téléphonique au sujet du surnaturel aussi enlevé qu'une rédaction de CE2 ?

 

The Devil's Hour : Nikesh PatelL'origine du mal jouer

 

Victimes de leur écriture générique, les personnages ont bien du mal à prendre de l'épaisseur. Que la sympathie du détective soit assénée avec un gros billet offert à un SDF donne une juste idée de la finesse de l'ensemble. D'autant que son seul autre trait caractéristique, c'est d'écouter de la musique sur les scènes de crime...

La dimension générationnelle induite par le scénario aurait pu permettre d'approfondir les liens au sein de la famille de l'héroïne, sauf que chacun de ses membres est enfermé dans sa bulle : elle est désorientée, sa mère sénile et son fils si apathique qu'il n'offre aucune accroche... sans parvenir à basculer suffisamment du côté du malaise brut.

Par conséquent, certains passages sonnent affreusement creux, dont une scène de harcèlement scolaire inauthentique au possible. Au point que lorsque Jessica Raine donne de sa personne pour surjouer la joie dans une tentative désespérée de toucher son rejeton, on frôle l'aveu méta d'une fiction qui assemble les ingrédients attendus sans réussir à les incarner.

The Devil's Hour est disponible sur Amazon Prime Video depuis le 28 octobre 2022 en France

 

The Devil's Hour : Affiche, Peter Capaldi

Résumé

On sait désormais que le diable n'est pas du matin : plus pâteux et pataud qu'épatant, il passe The Devil's Hour à tenter tour à tour de nous faire peur, nous tenir en haleine ou nous émouvoir sans y parvenir vraiment. Pas si simple de se synchroniser au public !

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Lecteurs

(3.4)

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commentaires
Titigrominet
21/11/2022 à 15:25

J voulais voir du Devil mais non.
Une histoire sans queue ni tête.
Vide intersidéral, à regarder en apnée...

Ange Beuque - Rédaction
10/11/2022 à 12:34

@Witch-Cyrsee
L’amicale des vendeurs de patates sur le marché s’offusque d’avoir été associé à ce torchon numérique qui, en plus de n’être même pas bon à emballer les légumes, a l’outrecuidance de développer un avis différent du vôtre.

Witch-Cyrsee
10/11/2022 à 05:00

Le critique qui a ecrit ce torchon pourrai presque se torcher le C.. avec
La serie est tres bien elle ressemble beaucoup a Dark en juste un peu moins bien
Les acteurs la ligne du scenario tout est bien et dernier mot au critique qui a chier cette critique

REGARDE UN PEU MOINS DE MARVEL OU JURASSICK PARK ET TU VERRAS THE DEVIL S HOUR D UN AUTRE OEIL SINON
VA VENDRE DES PATATES SUR LE MARCHE TU SERA MEILLEUR QU'EN CRITIQUE JE TE PROMET

Crai
04/11/2022 à 09:32

Ok c'était trop longué comme série et l'enquête n'est finalement pas intéressante car tu sais qu'ils vont l'attraper... Mais n'en demeure pas moins quelque qualité et quelque moment bien malaisant grâce au gamin sans âme. L'histoire est bonne mais mal raconté finalement et c'est bien dommage et puis ce titre qui te fait croire que tu va regarder un truc flippant avec le diable et bien non titre mensonger qui induit en erreur d'où peut être l'impression d'être dessus pendant le visionnage car on s'est auto-programmer a voir autre chose.

Bubble Ghost
28/10/2022 à 21:36

" Plus pâteux et pataud qu'épatant " magnifique ^^

Tonto
28/10/2022 à 12:53

Alors du coup, rien à voir, mais je profite de cet article pour vous dire que, d'une, la page du film The Devil's Hour ne fonctionne pas. Quand je clique dessus dans la barre de recherche, il me dit texto "cette page n'existe pas".
De deux, je ne sais pas trop à quelle occasion vous pourriez faire une critique de ce film (celui de 2019 de Damien LeVeck, donc), étant donné que je ne sais pas s'il passe à la télé de temps en temps et qu'il est sorti il y a un petit peu longtemps, mais je ne peux que vous recommander de le voir, EcranLarge.
J'ai été extrêmement surpris par la qualité de cette série B horrifique, dont l'intérêt principal ne repose pas dans ses effets, mais dans le sous-texte, extrêmement intelligent, et qui a le mérite d'avoir compris que l'horreur ne se résumait pas à "faire peur", mais était bonne quand on l'utilise comme support à un discours. Et ici, le discours est particulièrement radical et efficace... De la bonne horreur, qui n'utilise les clichés que pour en dire quelque chose et les laisser derrière elle. Franchement excellente surprise pour ma part, à voir.

Voilà, voilà, n'hésitez pas à rendre accessible la page du film, que je puisse aller le noter ! ^^

Et du coup, merci quand même pour la critique, qui m'a permis de faire la promo d'un film qui n'avait rien à voir. XD

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