The Watcher : critique claustrophobe sur Netflix

Matthias Mertz | 18 octobre 2022 - MAJ : 19/10/2022 15:56
Matthias Mertz | 18 octobre 2022 - MAJ : 19/10/2022 15:56

Il y a plus de quatre ans, le producteur et créateur star Ryan Murphy signait au sein de l'écurie Netflix pour les cinq années à venir. De leur collaboration, dont le coût a été estimé entre 250 et 300 millions de dollars pour la plateforme, est née quelques séries discrètes à l'instar de Ratched ou The Politician. Il a finalement trouvé un succès majeur avec Dahmer : Monstre, une performance qu'il entend bien réitérer avec The Watcher, installation anxiogène avec Bobby Cannavale et Naomi Watts inspirée d'un fait réel.

Bonne f(r)acture

En novembre 2018, New York Magazine publiait l'histoire des Broaddus, une famille ayant posé ses valises au numéro 657 dans la bourgade de Westfield, New Jersey. À la suite de son installation, le couple a commencé à recevoir d'étranges lettres d'un inconnu se présentant comme "The Watcher", dont le devoir était de veiller sur leur demeure.

Dans ces lettres écrites à la machine, "The Watcher" notifiait à la famille qu'il observait chacun de ses gestes. Lorsque cette dernière a entrepris de rénover le fétiche du corbeau, les lettres se sont teintées d'une énergie décrite comme satanique. Rapidement, les soupçons se sont portés sur le voisinage du couple. L'investigation n'est pas parvenu à déterminer qui était le corbeau, et le couple a fini par quitter la luxueuse demeure sans avoir su qui l'avait tourmenté, vendant au passage les droits de son histoire, jusqu'à aboutir à la série éponyme, The Watcher.

 

The Watcher : Bobby CannavaleC'était l'avis de passage Colissimo de trop pour Bobby Cannavale

 

Pour donner vie à ce gigantesque whodunit paranoïaque et banlieusard, Ryan Murphy s'est entouré des meilleurs. Naomi Watts (Mulholland Drive, The Ring) incarne ainsi Nora Brannock, la mère de famille flippée, pertinente dans ses colères comme ses incrédulités lorsque le ciel lui tombe sur la tête. Bobby Cannavale (Will & Grace, Les Winners) est quant à lui Dean, son mari protecteur dont l'impuissance à protéger sa famille tourne à l'obsession.

The Watcher se devait de redoubler de seconds rôles hauts en couleur. C'est presque réussi. Quelques personnages apparaissent comme plats (Henry Hunter Hall et Terry Kinney écopent ainsi des pires tropes à représenter), mais la plupart des présumés coupables ne manquent pas de mordant. On citera Margo Martindale comme retraitée explosive ou Mia Farrow, capable d'incarner à la perfection le glauque sorti d'American Gothic.

 

The Watcher : photo, Michael NouriMichael Nouri n'est d'ailleurs pas en reste

 

L'autre atout dans la manche de The Watcher réside dans la combinaison de ses décors et de sa bande-son. Les grandes baraques néo-gothiques bourgeoises sont de véritables labyrinthes qui pourraient autant renfermer d'intrus que de secrets. La banlieue du New Jersey est aussi un terrain de jeu idéal pour une fiction étouffant le spectateur dans un voisinage adepte du voyeurisme. Qu'il s'agisse de la loi ou de la coutume, le couple Brannock et leurs enfants sont en terrain inconnu et hostile.

La musique minimaliste de David Klotz et Morgan Kibby parvient quant à elle à rendre l'atmosphère d'autant plus suffocante. Enfin, la voie distordue du corbeau qui accompagne la lecture de ses lettres est la cerise sur le gâteau.

 

The Watcher : Richard Kind, Margo MartindaleMargo Martindale, notre chouchou

 

Fantôme de l'apéro

Pour adapter l'histoire des Broaddus, Ryan Murphy s'est associé à Ian Brennan afin d'épaissir le mystère et de le livrer en sept épisodes de près de 45 minutes. Il ajoute au matériau source de nombreuses intrigues et fausses pistes, afin de donner du corps à un whodunit qui n'a jamais trouvé sa conclusion dans notre réalité. Pour combler l'absence de résolution, ils ont malheureusement pioché dans tous les tropes, parfois les plus surprenants ou au contraire éculés. Certains sont d'ailleurs stupidement divertissants, mais ne parviennent pas à tenir sur la durée.

Conscient qu'il est baladé dans des impasses pour (peut-être ?) l'amener vers un dénouement gonflé aux nombreux twists, le spectateur ne parvient pas à suspendre son incrédulité. Il est alors le prisonnier d'un train qui déraille et enchaîne les pistes sans parfois les explorer proprement. Il attend alors sagement, en compagnie d'un casting qui soutient pourtant bien l'exercice, de voir les limites du style Murphien.

 

The Watcher : photo, Henry Hunter HallOui, Henry Hunter Hall, tu écopes de l'un des pires personnages

 

Le personnage du détective Theodora Birch incarne parfaitement les limites de la dialectique de Ryan Murphy. Si Noma Dumezweni parvient sans difficulté à revêtir l'imperméable du détective, son personnage est le moteur d'une intrigue malade. Son rôle se résume à nous apporter des réponses à intervalles réguliers pour faire avancer l'intrigue.

Le caractère de polar de The Watcher la force à mener une enquête à dormir debout pour déterminer l'identité du corbeau. Le problème de ces sessions brainstorming loupe à la main est la cassure dans l'atmosphère claustrophobe qu'elles impliquent. Quitte à nous prendre par la main et à nous livrer les éléments crescendo, le récit aurait pu verser dans quelque chose de plus proche d'un Paranormal Activity, s'articulant autour de moments de calme et de réflexion avant la tempête.

 

The Watcher : photo, Jennifer CoolidgeLa série gâche presque le talent burlesque de Jennifer Coolidge

 

American Random Story

Difficile de décrire The Watcher autrement que comme anecdotique, à fortiori après le succès de Dahmer, et avant le retour d'American Horror Story. Jamais ennuyeuse grâce à ses allures de polar dans un train fantôme, jamais mémorable, la série s'inscrit comme un ventre mou absolu. 

Le premier présumé coupable est sans doute son format, qui n'est pas adapté à son matériau de base et à ce que la série souhaite raconter. La cassure est alors frappante. L'atmosphère est saturée dans les premiers épisodes, très psychologiques, où les lettres du corbeau frappent comme un gong étourdissant qui rappelle que le danger est omniprésent. Cette simplicité se perd très rapidement dans les épisodes suivants qui tournent presque au pastiche.

 

The Watcher : photo, Bobby Cannavale, Naomi WattsL'enquête est mollassonne, mais permet au moins quelques blagues sur le New Jersey

 

Deux raisons ajoutent à notre déception après le visionnage de The Watcher. D'une part, Ryan Murphy aurait pu en faire de grandes choses, en combinant sa passion pour l'horreur psychologique avec son habitude de traiter des "true crimes".

D'autre part, il est impossible de ne pas comparer The Watcher à la première saison d'American Horror Story, Murder House, beaucoup plus inspirée et avec un matériau de base similaire (qui n'avait, lui, pas le mérite de partir d'un fait divers qui a passionné les badauds). Souhaitons à la série Netflix d'avoir le même héritage que l'anthologie d'horreur, mais gageons également que ça ne sera pas le cas, et qu'elle restera un projet destiné à rentabiliser un coûteux partenariat.

La série The Watcher est disponible en intégralité sur Netflix en France depuis le 13 octobre 2022

 

The Watcher : Affiche officielle

Résumé

The Watcher est une anecdote, que son excellent casting n'est pas parvenu à sauver de Ryan Murphy. Ce dernier parvient à s'éloigner de son excellent matériau de base pour concocter un train fantôme sans queue ni tête dont la conclusion ne parvient pas à assumer ses facéties. L'ensemble demeure plutôt divertissant, pas toujours pour les bonnes raisons.

Autre avis Alexandre Janowiak
En jouant des codes du thriller et de l'horreur tout en se moquant des conspirationnistes contemporains, Ryan Murphy livre un petit plaisir régressif sur la folie américaine avec The Watcher.
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commentaires
Liojen
29/10/2022 à 16:48

Un peu longuet par moment, mais dans l’ensemble c’était sympa, même si la fin m’a laissé sur ma faim.

Aphro
23/10/2022 à 14:03

Surtout à ne pas voir!!! Quelle connerie grrrr

pc
20/10/2022 à 00:30

Excellente série, formidable casting, ai personnellement beaucoup aimé.

Nesse
18/10/2022 à 23:03

J'ai eu du mal à finir la série. Avec Ryan Murphy on passe du meilleur au pire

Jessy
18/10/2022 à 23:02

Rien à voir avec DAMHER . Celà commence très bien et on de perd tout au long du film .Du coup on ne sait plus si c'est la maison qui a rendu fous les personnages ou !!!!!!!!!

Morgane Lafée
18/10/2022 à 22:26

Moi j'ai vraiment bien aimé mais je ne me suis pas arrêtée à la simple enquête, j'y ai vu un autre sens.
Il y a un thème de fond intéressant dans cette série autour de la notion de chef de famille à l'américaine, cet homme tout puissant et protecteur qui doit subvenir aux besoins de sa famille. Toute la série parle de la destruction de ce modèle à travers les histoires de plusieurs personnages, en plus du personnage principal. D'ailleurs, c'est pourquoi je pense que le Watcher est une femme. Dans la série, du moins, avec le sens que Ryan Murphy a voulu lui donner.

Gregdevil
18/10/2022 à 20:19

Je ne connaissais pas ce fait reel avent de voir la série, et si c'est assez prenant cela devient vite répétitif.
SPOIL
Mais j'ai envie de dire tout ça pour ça ?! Aucune résolution du problème de base, on laisse le spectateur dans l'impasse. Perso j'ai horreur de genre de conclusion.

Raoul
18/10/2022 à 18:15

Vous êtes sévère. Le problème est l'absence de résolution plus qu'autre chose. 7 épisodes c'était peut-être trop long, au final il y a rien à démêler . La confession de ........ apparait d'autant plus comme une ficelle scénaristique (et qui pourrait y croire?). Par contre je suis plus ennuyé par d'énormes arcs non résolus (qui est donc le mec qui se faisait un sandwich?). Mais sinon c'était une belle intrigue à suivre et on aimerait voir davantage de productions Netflix de ce niveau. Bobby Cannavale est parfait j'ai trouvé. Watts par contre, en tout cas son personnage, traverse cette histoire en fantôme (qui fout rien de ces journées , soyons honnêtes) avant de se réveiller dans les 2/3 derniers épisodes.

Solidor
18/10/2022 à 17:34

Vous êtes un peu dur avec cette série.

Honnêtement pour moi c est 3,5/5.

Les points positifs:
- L ambiance et l'atmosphere de la serie très réussies
- Un découpage qui donne toujours envie de voir l'episode suivant
- Un scénario qui capte par son intrigue et son panels de personnages et de potentiels coupables
- Le genre de série qu'on aime regarder à plusieurs pour émettre des hypothèses et débattre en direct (j'adore trouver ce genre de serie).
- Les acteurs qui font très bien Le job

Bref, cette série de seulement 7 épisode se regarde extrêmement facilement et avec plaisir. Les épisodes coulent très vite et personnellement je ne me suis pas ennuyé un seul instant...

Le point vraiment négatif pour moi c'est la betise parfois exagérée de certains personnages. Heureusement ce point là n'est pas omniprésent.

Juste à noter que cette série courte est à mon avis plus écrite pour ouvrir sur d'autres saisons que pour vraiment coller au fait divers d'origine.

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