See saison 3 : critique circulez, il n'y a rien à voir sur AppleTV+

Simon Riaux | 14 octobre 2022
Simon Riaux | 14 octobre 2022

Alors que House of the Dragon et Les Anneaux de pouvoir se tirent la bourre, See, la proposition épico-bourrine d'Apple TV+, tire sa révérence, avec une troisième et dernière saison aux airs de catharacte glaireuse. Attention les yeux, tous nos héros sont concernés (surtout notre Jason Momoa) car un vilain vraiment pas beau a mis la main sur un armement redoutable et menace de faire devenir mort les gentils. ATTENTION SPOILERS.

LE DÉBUT DE LA FIN 

Étrange objet que See. Écartelée, deux saisons durant, entre un univers riche au possible et une âme bourrine, la série aura alterné entre fresque post-apocalyptique zen et petit traité du démembrement. Un grand écart insoluble, déséquilibre permanent entre des traversées contemplatives d’une nature glorieuse, des tentatives de rendre crédibles les habitus d’une civilisation passablement invraisemblable et des envolées d’une brutalité démentielle, qui a d’abord fait le charme du blockbuster proposé par Apple TV+. 

L’aridité d’une première saison qui se déroulait presque intégralement dans une nature aussi féconde que glacée fut balayée par une orgie de bastons dispensées par des boulets de démolition humains déguisés en métalo-samouraïs. Il n’en fallait pas plus pour susciter la curiosité, mais ce ne fut manifestement pas assez pour fédérer un vaste public, indispensable à la survie d’une production aussi onéreuse et pourvoyeuse de spectacle. 

 

See : photo, Jason MomoaL’ours, de Jean-Jacques Arnaud

 

Mais l’hémorragie a assez duré, et la plateforme d’ouvrir les yeux, commandant à Steven Knight, créateur de la chose, une ultime saison de 8 épisodes. Soit un peu plus de huit heures de narration, ce qui est à la fois bien trop long pour terminer sur un coup de boule, mais très insuffisant pour clore les vastes arcs narratifs en jachère.

De carrefour d’ambitions contradictoires, mais sympathiques, la dernière fournée de See se transforme en zèderie inconsistante, dont plus personne ne semble tenir sérieusement les commandes. C’est d’abord visuellement que le bât blesse. Un constat d’autant plus terrible qu’il s’agit là d’un domaine où la série n’avait jamais été prise en défaut. 

 

See : photo, Michael Raymond-JamesLa dure vie de goûteur de 8.6

 

LA FIN DU DÉBUT  

Oubliez les somptueuses forêts enneigées des premiers chapitres, regrettez les ruines industrielles qui leur ont succédé et leurs visions anxiogènes, l’essentiel du récit fera du surplace dans une jolie petite bourgade, toute de chaumière et de petits chemins proprets. Bardé de machines à fumée au rendement industriel, saucé à coups de filtres jaunâtres qu’on jurerait chipés dans une réserve de curry, non seulement le rendu de ce décor oscille entre laideur et banalité, mais plus encore que d’habitude, il piétine le concept de base de son univers. 

Tout ici est trop régulier, maîtrisé, et surtout trop porté sur l’harmonie visuelle pour être le fruit d’une population aveuglée. Le constat est d’autant plus navrant que, pour absurdes qu’aient souvent été les divers ingrédients de la saga (rien de tel qu’une charge de cavaliers non-voyants pour vous redonner foi en l’humanité), quantité d’idées malines venaient néanmoins renforcer la suspension d’incrédulité. Au premier rang de celles-ci, on trouvait notamment quantité de parures bruyantes, permettant aux protagonistes de faire connaître non seulement leur position, mais aussi leur rang. Le concept n’est pas à proprement parler abandonné, mais il n’en demeure plus que des traces. 

 

See : photo, Jason MomoaLe célèbre Festival d'Aurillac

 

Les personnages se baladent désormais tranquillement en ligne droite dans ce qui ressemble à un village vacances à l’attention d’une population urbaine chic et dépressive. Et comment leur en vouloir ? Il faut dire que pour la première fois, ils n’ont pas grand monde à égorger ou éviscérer. En effet, le scénario se perd en circonvolutions stériles, de cercles de négociations en tensions politiques plus ou moins abstraites, tandis que l’absence de Jason Momoa se fait criante durant la première moitié de la saison.

Que le comédien ait revu son investissement à la baisse ou ait dû jongler avec un agenda bouché importe peu, le résultat est sans équivoque. Baba Voss, le pater familias aussi doué pour les calinous que l’excavation de boyaux, est souvent éjecté du récit. Qu’il aille vadrouiller en forêt, se retrouve embastillé par sa propre compagne ou prépare quelque fumeuse contre-attaque, la narration fait son possible pour l’écarter fréquemment du récit, et avec lui, toute perspective de morts violentes filmées avec la joie sobre d’une cueillette de champignons enthousiaste.

 

See : photo, Jason MomoaÉloge du punk à chien

 

JEU DE NAINS 

Que See ne se repose pas exclusivement sur les kilos de tripes entassés à l’image, c’est un choix respectable, quand bien même les joutes gorasses ont constitué une des rares réussites de l’entreprise. Mais l’histoire, ou plutôt les personnages qui la peuplent, sont-ils vecteurs d’émotions dignes de ce nom ? 

Pour les méchants, on repassera, puisqu’il faudra encore supporter le surjeu cosmique de Sylvia Hoeks, dont on ne croit toujours pas qu’elle ait pu régner sur un empire sans que le premier garde venu n’ait été sévèrement tenté d’accorder le divorce entre sa tête et ses épaules. Les motivations du personnage sont le plus souvent risibles, et si on nous répète à l’envi que la reine Kane est d’une intelligence aussi redoutable que son charisme, en l’état, voilà qui fait simplement douter des capacités cognitives des autres personnages. 

 

See : photo, Hera Hilmar, Tom Mison"Et après, je te montrerai mon camion"

 

Source supplémentaire d’énervement, la machiavélique vilaine est plus souvent qu’à son tour menacée par divers retournements de situation, que jamais l’intrigue n’assume, préférant la sauver à coups de rebondissements, ou à la faveur de dialogues écrits par des caïds de bac à sable. Mais cette antagoniste serait presque supportable, si elle n’était secondée par un nouveau venu, dont chaque apparition nous rappelle que la violence est une forme de communication parfois désirable.

Tout en mimiques et en menaces obséquieuses, il fait se déporter l’histoire sur le terrain d’une vague menace technologique, laquelle sera agitée n’importe comment, selon qu’elle permet aux scénaristes d’accélérer ou de précipiter l’intrigue. Et ce, jusqu’à un final à la fois dilaté et précipité, dont les enjeux demeurent très artificiels, et la pyrotechnie accessoire.

 

See : photo, Jason MomoaSamouraï champotes

 

LA PRUNELLE DE MES VIEUX 

Au moins les deux derniers épisodes proposent-ils, enfin, quelques évènements et idées marquantes. Jason Momoa peut emmener Voss jusqu’au bout de sa logique meurtrière, mais meurtrie, lui offrant lors du final un massacre Conanien, saupoudré d’une bonne dose de sacrifice. Mais toute cette énergie s’abat bien trop tard dans la saison, qui a eu des heures pour plonger son spectateur dans le coma.

De même, après avoir supporté pendant trois saisons les atermoiements d’Archie Madekwe et Nesta Cooper, l’un des deux aura droit à un semblant d’arc dramatique. Cela fait un moment déjà que la série joue entre frère et sœur une division profonde quant à la perception de leur don. Par conséquent, incarner cette opposition à travers une décision irrémédiable, une mutilation organique et symbolique était une excellente idée... dont on ne comprend pas qu’elle surgisse à quelques minutes de la fin de la série et soit renvoyée hors-champ.

 

Jason Momoa : photo, SeeÀ quoi bon, man ?

 

Quant à l’épilogue, sorte de repompe d’un des tropes de science-fiction les plus usés, à savoir la découverte par hasard d’une communauté éclairée travaillant à la perpétuation du savoir et de la civilisation, c’est là aussi un ajout idiot, vain, tardif, et par conséquent complètement désincarné. 

Même dans ses segments les plus faibles See avait su ménager la chèvre et le chou, veillant à ce qu’un épisode de surplace soit toujours au moins traversé par un décor spectaculaire, ou un affrontement chorégraphié à la perfection. On ne perçoit presque plus rien de cet équilibre dans la dernière saison de la série, qui donne progressivement l’illusion de pourrir sur pied, ou l’envie de se crever les yeux. 

La saison 3 de See est disponible en intégralité sur Apple TV+ depuis le 14 octobre 2022

 

See : photo, Jason Momoa

Résumé

Tout s'écroule dans cette ultime volée d'épisodes à la narration tantôt alanguie, tantôt précipitée, qui vaporise jusqu'aux réjouissantes bourrinades qui firent la petite gloire de See.

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Lecteurs

(2.7)

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commentaires
44 ans
01/09/2023 à 19:54

Analyse pertinente, mais l’article aurait gagné à être plus court comme le dernier épisode. Pour ma part, c’est devenu lourdingue à partir de la fin de la saison 2. Il est clair que la production a cherché à consentir aux désidératas de la ménagère. Pour preuve, les personnes ont été édulcorés, voir castrés aussi bien les hommes que les femmes dans cette saison 3.
Les barbes bien taillés, coupes de cheveux impeccables et colorés pour faire paraître le taciturne « Tamacti Jun » plus avenant (beurk). Sans parler, de ces dégueulies scènes de romance qui entrecoupais et surchargeais inutilement la trame principale et tout ça pour plaire à la ménagère.

Zorgman
04/12/2022 à 21:55

Vous avez oublié de parler du bébé poupé/3d dégueux dans l’episode 3 qui se fait jeter par terre tellement il donne envie de vomir à tout le monde et des conseils inter-minables du papy Voss qui annoncent la fin du respect dans le traitement des personnages

Tim.D
15/11/2022 à 23:55

La série, tout en se réinventant sur de nombreux points, tient ses promesses. La critique de @Simon Riaux, bien que témoignant d’un avis éclairé et averti, ne semble pas avoir saisi la substance de la narration et la teneur de la direction artistique.

La série avait dores et déjà pris le parti dès la première saison d’orienter le spectateur vers une suspension volontaire de l’incrédulité maitrisée. À rebours du retour acerbe que nous offre la critique en question, la saison 3 ne se trouve, à juste titre, pas faire le choix de sombrer dans les ridicules et vaines justifications d’une prétendue « vraisemblance ». Tel n’est en effet pas le fond ni la valeur de l’œuvre. Bien au contraire, See nous offre dans le sillage des saisons précédentes, une esthétique remarquable et multiplie les prouesses techniques et artistiques en matière de photographie. Chaque plan, à l’image des plus grands cinéastes du genre, sont pensés comme des tableaux. L’image revêt une profondeur à la fois matérielle et substantielle que peut de séries sont à ce jour capables de mettre en oeuvre.

Sans s’attarder sur les innombrables critiques de @Simon Riaux sur les questions relatives au genre, narration, et choix artistiques ; critique qui se trouve manifestement traduire un manque de compréhension et de sensibilité dans l’appréciation de l’œuvre, il apparaît néanmoins opportun d’aborder un dernier point.

Le récit présente parmi ses nombreux avantages celui d’être animé par un casting dont le bon sens oblige à reconnaitre le talent.

Le ton sardonique employé par la critique ci-dessus ne rend pas justice aux performances d’acteur, remarquablement justes et en accord avec le registre promis par la série. En particulier, l’incroyable interprétation de Sylvia Hoeks dans le rôle de la reine Kane se révèle être une fois de plus une véritable prouesse sur le plan artistique, mais aussi sur celui du genre. Loin de céder à la facilité d’un quelconque « surjeu cosmique », l’actrice parvient, en particulier dans cette saison, à transmettre à travers son jeu la complexité des sentiments lorsque ceux-ci se cristallisent autour de la névrose. Une névrose qui, par choix, se veut être exprimée par la passion et l’expressivité, à l’image du contrepoint émotionnel qui sous tend l’arc narratif de la reine.

Sylvia Hoeks réussit ainsi dans cette saison à dévoiler sa propre définition de l’amour, et à faire transparaître la poésie s’échappant d’une névrose cruelle et pathologique.

À tous les lecteurs qui découvrez cet article de critique, manifestement en discordance avec la réalité, passez votre chemin !

Noud
25/10/2022 à 23:34

Ce n'est pas "par hasard" que la communauté éclairée est découverte. La demi-soeur prisonnière avait dit à Haniwa que ce n'était pas grave quand Baba Voss a brûlé leur bibliothèque, car il y en avait d'autres. Dans le dernier épisode elle lui fait passer une carte, on comprend aisément que les autres bibliothèques y sont indiquées.

Vous êtes dur avec les antagonistes, mais sinon plutôt d'accord avec la note.

Jef ukulélé
17/10/2022 à 15:14

Euhhhhh, votre commentaire est d'une méchanceté... et vous n'exposez que votre avis sans être objectif.
3 saisons valent mieux que 5 ou 6 car ici au moins tout est condensé.

Simon Riaux
17/10/2022 à 10:30

@Nano

Divertissant comme vous êtes, vous n'avez en effet pas perdu votre temps.

Nano
16/10/2022 à 10:13

Vraiment de la branlette intellectuelle ce texte ridicule d'un type qui essaie de se faire mousser, tellement malaisant que je n'ai pas perdu mon temps à le lire en entier...

Vaivai
16/10/2022 à 00:32

@simonriaux je vous trouve un peu sévère 1.5* comme note c'est quand même très peu ... La saison 3 est clairement la moins bonne et bien que je sois d'accord avec vos arguments je l'aurais noté 2*5 au moins pour l'effort fourni par les acteurs car ça doit être difficile d'interpréter et de jouer un scénario aussi bancale et bâclé. Et puis cette fin de baba Voss complètement bidon fallait oser ils l'ont fait juste pour l'effort ça mérite une étoile de plus


15/10/2022 à 20:53

J'ai pas compris le lien entre être aveugle et vivre comme des clodos en bidonville.
Ok ils voient rien, mais à quel moment ils savent pas construire des murs et des toits et des maisons, qui sont pas juste un tas de taules, des bâches et de panneaux de circulations. Je comprend pas les principes de ce monde. Ils ont des roulottes avec des chevaux, ils ont la roue donc, mais pas de techniques pour faire des murs, réparer un plafond qui fuit, passer un coup de ballet, ou même, je sais pas, des canalisation, des égouts, genre comme les Romains..? Je comprend pas non plus comment être aveugle ça veut dire être tout crado et vivre dans son caca. Les mecs sont dégueulasse, ok c’est stylé à l’image, mais a quel moment être dans un futur postapo ça veut dire forcement que tu pues?! Surtout si t’es dans un monde du futur d’aveugles depuis des générations et que tes autres sens sont développés, tu te laves au moins les chicots sinon ta ville c’est le chaos.

Gâche de fou. Ils ont même plus leur petits chemin de câbles dans les rues pour se balader, tous le monde voit pas, mais ça cours dans tous les sens.
La déco est perdue, t'as même des plans où tu voient les tuyaux de machines à fumée. Et quand tu les voies pas au premier plan, c’est l’arrière qui est blindé de murs de fumées pour pas s’embêter à construire trop de trucs inutiles en déco. C’est grossier d’utiliser encore de tels procédés et ça veut rien dire. Pourquoi qu’y a tout qui fume tous les temps ? Ils vivent dans un cratère de souffre ? Elle marche pas du tout leur ville, on n'y crois pas une seconde, et c'est con, toute la saison s'y déroule.

Et puis merci les personnages qui fonction comme la nana qui a la ouïs pour entendre des types marcher à des kilomètres dans les sous sol du parking de carrefour, mais qu’entend pas les mecs à 10m qui coupe des têtes.

Plus personne crois au principe. Exemple dans le final les deux soeurs se font un câlin et parlent de soirée à se faire pestacles de marionnettes.. euh, z'étaient pas aveugle enfant ? Et tout le trucs est comme ça, y a pas une personne pour essayer de faire semblant de maintenir la moindre suspension d’incrédulité. Tu sent que tout le truc est là pour parler de la différence entre les humains, et la métaphore de la tolérance et tout, et c’est cool, j’suis chaud, mais faut pas oublié ton principe qui fait qu’on y adhère.

Sibette, perso insuportable, génance ultime. Autant avec la saison 2, la bromance des catcheurs dans la boue c'était rigolo. Là c'est malaise total. C'est la roue libre. Même Jason il passe juste une tête de temps en temps.
Fallait finir sur la fin de la 2, c’était bien, il repartait avec son petit sac sur le dos et on pouvait tout imaginer.
Je comprend pas comment on peut faire un final aussi mauvais.

Y a pas un plan où tu ne trouves pas un truc gênant. Le pire c’est leur étalonnage tout tristounet qui, sur les plans extérieur soleil, marche plus du tout. Dans la nuit c'est jolie, mais la LUT marche plus du tout quand il fait soleil. Tous les plans qui sont pas dans la dépression d'un fond d'écran pour skyblog de 2002, c’est éclairé dans tous les sens, on dirait une pub pour une assurance vie (les scènes câlin de baba et margra et la scène de kofun avec son fils, c'est l'enfer).

Désolé pour ce long commentaires, j'ai plus personne autour de moi qui suivait cette série et je suis trop vener d'avoir perdu mon temps la dessus, j'avais besoin de me défouler.

Enfin, merci Ecran Large, merci beaucoup et profond respect pour Monsieur Riaux, c’était douloureux de regarder ça en entier, vous avez tout mon respect.

caco
15/10/2022 à 19:24

il n y a pas de son dans la serie see 3 eme saison episode 8 pq?

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