Je s'appelle Groot : critique d’un Marvel sorti à la chêne sur Disney+

Cyprès du but

À l’annonce du projet Je s’appelle Groot, James Gunn n’a pas manqué d’expliquer sur Twitter que la série n’était pas essentielle à la compréhension globale du MCU, voire qu’elle n’appartenait pas au canon de la franchise. Manière de moyennement assumer une production gadget pensée pour alimenter le fond de catalogue de Disney+ ? Ou promesse d’une pastille fun, capable d’exister en dehors du teasing permanent et lénifiant de Marvel ?

Malheureusement, on est obligés de pencher pour la première option. Pourtant, il est important de préciser qu’en s’embarquant dans Je s’appelle Groot, on ne s’attendait pas à un monument de science-fiction comique. Tout au plus à un spin-off frais et amusant sur l’une des créatures les plus mignonnes de l’univers Marvel.

Après tout, si Disney+ commence à dépendre de séries dérivées dignes de l’héritage de Disney Channel, celles-ci peuvent très bien échapper à leur dimension purement mercantile pour raconter quelque chose de beau et touchant (cf. notre critique de Baymax). Tout ça pour dire qu’on partait sur les aventures de Baby Groot sans a priori, et même avec une certaine ouverture d’esprit.

Être mignon ne suffit pas

Mais au bout d’un moment, il faut arrêter de se moquer du monde. Avec ses cinq épisodes de trois à quatre minutes, Je s’appelle Groot n’a pas d’autres ambitions que d’être consommée comme une petite suite de sketchs qu’on materait à la chaîne sur YouTube en temps normal. La réalisatrice et showrunneuse Kirsten Lepore (surtout connue pour ses courts-métrages en stop-motion acclamés) est sans doute consciente des limites de ce format (l’ensemble se regarde en à peine vingt minutes), mais ne cherche jamais à en transcender le postulat.

Au contraire même, la courte série semble ne jamais espérer d’enjeux narratifs ou de crescendo émotionnel à la hauteur de son concept. Néanmoins, ce n’est pas comme si Pixar ne réussit pas depuis plus de vingt ans à façonner des courts-métrages qui investissent en un rien de temps le spectateur, que ce soit du côté des rires ou des larmes.

Une bonne analogie de la qualité de la série

Gueule de bois

Ici, Je s’appelle Groot se contente du minimum syndical, et profite même de son format pour ne jamais exploiter les possibilités de son monde, qu’on sent particulièrement étriqué par ses rares plans larges. Mis à part un dernier épisode où Groot fait face à une sorte de civilisation miniature tendance Voyages de Gulliver, tout est poussif et paresseux, planqué derrière l’excuse d’une animation photo-réaliste qui montre bien vite ses limites (surtout lorsqu’un autre personnage de la saga apparaît).

D’ailleurs, qu’importe que la série n’ait pas l’envie de jouer avec la folie créative de James Gunn et sa SF décalée. Au final, Groot est en soi une attraction suffisante, surtout au vu de son corps changeant et malléable. Mais là encore, le pouvoir burlesque du personnage est réduit à quelques gags maladroitement saupoudrés dans l’ensemble, et la plupart du temps platement filmés. On ne demandait peut-être pas à Je s’appelle Groot de reprendre les chefs-d’œuvre d’Harold Lloyd ou de Buster Keaton, mais un peu d’exigence dans la structure humoristique des épisodes n’aurait pas fait de mal.

Marvel sur une pente glissante

À vrai dire, à la rédaction de cette critique, on ne peut que se désoler de la baisse de nos standards. On avait beau savoir que Je s’appelle Groot n’aurait pas beaucoup d’ambition, il n’y a même plus de vague tentative de la part de Marvel pour nous faire croire que le studio en a encore quelque chose à faire.

La secte est grande, les fanatiques appâtés depuis bien longtemps, alors pourquoi simuler le moindre effort. Autant dire que cette déception rassure moyennement pour le Holiday Special des Gardiens de la galaxie.

Je s'appelle Groot est disponible sur Disney+ depuis le 10 août 2022