Chaos d'anthologie : Woodstock 99 - critique du pire festival de tous les temps sur Netflix

Lino Cassinat | 8 août 2022
Lino Cassinat | 8 août 2022

En 2019, le monde découvrait effaré dans Fyre : The Greatest Party That Never Happened l'ampleur véritable du fameux fiasco du Fyre Festival. Un carambolage, mais pourtant peu de choses à côté de la légendaire édition 1999 du festival de Woodstock. Et il suffit de jeter un oeil à Chaos d'anthologie : Woodstock 99, le dernier docu-série de Netflix pour s'en convaincre. Grâce au travail de réalisation de Jamie Crawford, la plate-forme dresse un impressionnant compte-rendu des dégâts et explique avec précision comment le festival le plus peace and love du monde est devenu trente ans plus tard le pire festival de tous les temps. Un récit atterrant.

"SHOW US YOUR "

En 1969 eut lieu le festival Woodstock. Pas la peine de vous faire un dessin, tout le monde connaît cet évènement, qui restera probablement dans les mémoires comme le plus grand évènement musical du XXe siècle, le point culminant de la contre-culture de la jeune génération flower power des années 60. Trente plus tard, en 1999, Michael Lang, organisateur de l'édition de 1969, tente de ressusciter le passé et de donner à cette nouvelle jeunesse son propre mythe musical fondateur.

 

Chaos d'anthologie : Woodstock 99 : photoWoodstock 99, du rêve au cauchemar

 

Mais plusieurs erreurs graves sont commises, et si l'édition de 1999 à Rome dans l'état de New York devient mythique, c'est moins grâce à son programme – pourtant rempli des plus gros noms de la musique de l'époque, de Korn à Limp Bizkit en passant par les Red Hot Chili Peppers – qu'à cause du désastre qu'elle a causé. En 1999, les quelques restes du rêve hippie partent définitivement en fumée, littéralement : exaspérés par une expérience décevante qui leur a coûté un bras, et bouffie par les angoisses de l'époque, la génération grunge / SIDA / héroïne / Columbine met le feu aux infrastructures du festival après trois jours en enfer.

Ce n'est pas Néron qui met le feu à Rome, mais la comparaison est tentante. Comment expliquer que les festivaliers aient eux-mêmes provoqué le départ de feu de Rome, N.Y., leur propre lieu de loisir ? Michael Lang et son acolyte, le promoteur John Scher, avancent une explication toute "néronesque" : le monde a changé, les jeunes ont changé, et l'amour et la paix les intéressent moins que la violence et l'auto-destruction. Ce sont plus les seins de Sheryl Crow qui les intéressent que sa musique. OK boomer.

 

Chaos d'anthologie : Woodstock 99 : photoMichael Lang, de soixante-huitard à dix trains de retard

 

"WE'RE NOT TAKING GOOD CARE OF THOSE KIDS"

Bien plus fin que cela, Chaos d'anthologie : Woodstock 99 avance une réponse infiniment plus intéressante à travers son montage, qui propose de passionnants aller-retour entre l'édition bénie de 69 et la maudite de 99. Le documentaire dresse un rappel cinglant : certes le monde a changé et les festivaliers aussi, mais les seconds sont les produits du premier, et le monde des festivaliers de 1999 est celui laissé en héritage par leurs parents de 1969. On trouve des abrutis dans tous les groupes humains, a fortiori quand ce groupe humain compte 250 000 individus – et d'ailleurs, on en trouvait en 1969 aussi, devant les Rolling Stones à Altamont par exemple.

Par contre, tous les abrutis ne se valent pas, et surtout tous les cadres ne se valent pas, et le cadre de 1999 est on ne peut plus défaillant. Michael Lang organisait un festival pour les gens de son âge en 1969, mais il est en profond décalage avec le public de 1999, beaucoup plus paumé et blasé que celui post-mai 68, plein d'idéaux et de rêves. Plus que la question d'un festival qui part en vrille, en filigrane du documentaire se pose la question de la considération et de l'héritage des aînés à leurs enfants.

 

Chaos d'anthologie : Woodstock 99 : photoBrûler le monde si on n'arrive pas à le changer

 

L'héritage, c'est énormément de rage face à un monde consumériste dévoré par la cupidité, où la musique est devenue une valeur marchande. Moins de dix minutes dans l'épisode 1, la formule est lâchée quasiment verbatim par le promoteur : Woodstock 1969 servait à faire une révolution culturelle, Woodstock 1999 sert à faire de l'argent. Arrive bien vite la question de la considération : si le but est de faire de l'argent, chaque budget doit être raboté le plus possible sur tout ce qui est superflu. Quitte à voler les festivaliers de leur grand moment, de grande expérience.

 

Chaos d'anthologie : Woodstock 99 : photoRegarde, c'est notre dignité qui se fait la malle

 

"MORE WOOD FOR THEIR FIRES"

Contrairement à Woodstock 1969, les enfants de Woodstock 1999 devront donc se débrouiller avec des bouteilles d'eau à 12 dollars en pleine canicule, un terrain couvert d'asphalte jonché de détritus et des canalisations qui mélangent les excréments et l'eau potable. Et surtout, avec une sécurité non formée et bien trop peu nombreuse face aux destructions, aux viols et aux émeutes. Mais l'organisation a réussi à économiser cent balles et un Mars, donc cela en valait sûrement la peine.

S'il ne s'agit nullement d'exonérer les individus – expliquer n'est pas excuser –, les épisodes récents du concert de Travis Scott ou du Stade de France l'ont bien montré : la potentialité des dérapages et le niveau de violences de ceux-ci sont toujours fixés par le degré d'éthique et de compétence du personnel encadrant. Quand bien même on s'adresse à un groupe d'individus qui dresse au rang d'icône générationnelle le roi des idiots (Fred Durst) contenant une proportion anormalement élevée de frat-boys misogynes, si le cadre impose aux gens de se laver les dents avec leurs déjections, comment s'étonner, que les gens cherchent à faire exploser le cadre ?

 

Chaos d'anthologie : Woodstock 99 : photoOui oui, ce sont bien les eaux usées

 

On pourra reprocher à Netflix de faire de nouveau appel à une forme (une formule ?) très classique et très "reportage", de ne faire qu'enchaîner les entretiens et les images d'archives. Mais si la forme ne transcende pas, Chaos d'anthologie : Woodstock 99 organise une confrontation dialectique bien plus perturbante que le récent L'Homme le plus détesté d'Internet n'a réussi à le faire avec un sujet pourtant encore plus dérangeant.

L'effort remarquable de contextualisation et les nombreux effets de sens que celle-ci produit font de ce documentaire un objet de réflexion rigoureux et troublant, qui produit un constat aussi clair qu'alarmant : l'odeur de la weed a laissé place à l'odeur de l'essence.

Chaos d'anthologie : Woodstock 99 est disponible sur Netflix depuis le 3 août 2022

 

Chaos d'anthologie : Woodstock 99 : Affiche officielle

Résumé

Malgré une forme trop plate, Chaos d'anthologie : Woodstock 99 est un petit précis dévastateur sur comment (ne pas) conduire un large groupe d'humains, comment (ne pas) répondre à la frustration et à la colère. Sans en avoir l'air, Netflix accouche d'un objet politiquement dévastateur.

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Lecteurs

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commentaires
totodu36
15/08/2022 à 12:29

@ Houyo
ouai ouai ouai... ya de l'édulcoré tarte...
J'ai posté ici quelques liens des concerts, et vous remarquerez que c'est aussi édulcoré. De là à penser que les "artistes" sont complaisants sur le 'coup de communication' et que, bon élève, Netflix fait un docu basé sur les images d'archives les plus propres... Nonnn, mais NOnnnn ^^
Mais on y voit un sexe assez imposant sans pixel dessus pour censurer, alors que dans le live du groupe c'est bien censuré...
bref... un doc, encore un, qui n'a pas vraiment à convaincre.

Houyo
15/08/2022 à 10:19

Après le Destruction Porn à la Roland Emmerich, nous avons droit au Document Porn à la Netflix...

Tout, dans ce documentaire, est scénarisé pour accentuer l'aspect catastrophique de ce festival. Jamais on n'y montre une Alanis Morissette tentant de calmer le jeu, un Jamiroquai bon enfant,... Non, Netflix préfère faire dans le sensationnalisme en comparant un Woodstock 69 "idyllique" (on en parle des câbles électriques qui sortaient de terre suite aux orages, exposant ainsi ces hippies à une électrocution massive et dont les organisateurs n'avaient que faire? On en parle de l'organisation préve pour 50000 personnes attendues alors qu'il y en a eu 400000? On en parle du concert de Jimy Hendricks à la fin du festival devant seulement 40000 personnes car les gens en on eu plein le fion d'une organisation en dilettante ? On en parle du potentiel économique de ce premier festival "peace and love" grâce à la vente de disques?...) à un 99 post Columbine capitaliste!

Pour accentuer ce Very Bad Trip, on repasse en boucle les mêmes images sensationnelles (j'aurais dû compter le nombre de fois où l'on nous montre LA voiture blanche retournée) mais jamais on ne creuse le fond du problème. On ne nous parle que d'une meute de stupides blancs testostéronés, violeurs, drogués, imbibés d'alcool (à défaut d'eau) et du présentateur vedette d'MTV se ramassant 4 bouteilles d'eau sur la tronche!

Le malheureux mort (contre trois décès en 69) d'hyperthermie ne semble pas important aux yeux de Netflix. Je suis sûr que s'il en avait eu au moins une dizaine, ils l'auraient mentionné (voir en auraient fait un épisode complet) mais un seul décès, çà discréditait l'ampleur des dégâts...

Bref, c'est cadenassé, lisse et dirigiste au possible.

Very Bad ... Buzz!

totodu36
11/08/2022 à 18:16

bon mais là, quand on vois l'interview de Josépha...
https://www.youtube.com/watch?v=99zpEKI5x9w
Là...
vraiment..
c'est INTANGIBLE !!!

totodu36
11/08/2022 à 17:55

Jami...///§§§§MMM%%%
https://www.youtube.com/watch?v=6cszCm5FrSM
trop bien !
cosmic !!

totodu36
11/08/2022 à 17:51

James BROWN woodstok 99
https://www.youtube.com/watch?v=QcwhS3VgHpI

totodu36
11/08/2022 à 16:08

Limp mescouillles blizkit
https://www.youtube.com/watch?v=hcWGZ7egfnU&list=RDhcWGZ7egfnU&index=1

Bon ben.. comment dire.. c'est pas mieux.. ya pas de zizi à l'air mais une certaine idée de profiter du bordel ambiant pour faire un peu le buzz, non ?
(ya pas eu Nirvana... c'est une chance !! là ça aurai vraiment mal tourné)
à ce stade, je me demande pourquoi les pompiers n'ont pas arrosé la foule avec de la brume pour les rafraîchir.. j'ai déjà vu ça...

totodu36
11/08/2022 à 15:47

enfin bon la prod du groupe à intégré les images du feu dans la capture du concert..
bon là j'ai une pub pour les ampoules "compid"... je re

totodu36
11/08/2022 à 15:29

ben oui, idiot, sont gros zizi est censuré !!
c'est youtube..

toto du 36
11/08/2022 à 13:58

ah oui et ça à voir pour le complément
https://www.youtube.com/watch?v=pJZyNAucUYI
héhé ^^ bande d'enfoirés ^^

Toto du 36
11/08/2022 à 10:31

Bonjours à tous.
Oui il y a des "trous" dans ce doc... malheureusement.
Peut être parce que les images d'archives était inexistantes ?
Que les protagonistes se sont terrés dans leur honte...
Mine de rien, voir un guitariste le zizi à l'ait (et quel gros zizi ! Tien ben rien que pour ça, c'est assez funny, mais jamais déterminant.
(oui c'est ce qui m'a marqué dans ce doc..., un bon gros zizi...)

Pour info, la page WIKI est plutôt bien faite, et plus détaillée que le doc. Ce doc est encore une fois super édulcoré, malgré quelques qualités et mille défauts :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Festival_de_Woodstock_1999
bonne lecture !!

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