Respirer : critique qui survit avec des caribous d'ficelle sur Netflix

Ange Beuque | 2 août 2022
Ange Beuque | 2 août 2022

Révélation du dernier Scream, Melissa Barrera doit se dépêtrer seule des étendues sauvages canadiennes et de ses traumas existentiels dans Respirer, un survival écrit par Martin Gero et Brendan Gall, produit par Warner Bros et désormais disponible sur Netflix.

Into the wild, wild north

Survivre à un crash, c'est bien. Survivre à un crash en pleine forêt, sans réseau ni espoir d'être secouru, ça l'est moins. Et puisque Liv, avocate new-yorkaise qui a dû sécher les colonies de vacances Bear Grylls, est pauvrement pourvue en cadavres à becqueter – coucou les rugbymen de Montevideo – elle va devoir s'en sortir par elle-même... et se délester par la même occasion des traumatismes existentiels qu'elle se coltine.

Tout l'attrait paradoxal d'un tel pitch, c'est de faire à la fois de la nature la promesse et l'obstacle. De même que le spectateur se délectait des sublimes plans de l'espace qui s'apprêtait à engloutir Sandra Bullock dans Gravity, il est tout enclin à apprécier en esthète la magnificence sauvage du Canada... quand bien même celle-ci est précisément ce qu'essaie de fuir l'héroïne.

 

Respirer : photo Austin Stowell, Melissa BarreraVous savez les mecs, une nuit sur Flight Simulator, c'est pas suffisant hein

 

Hélas, la promesse d'évasion, toujours tentante après ces années de confinement intermittent, est exaucée d'une manière moins spectaculaire qu'espérée. Certes, le tournage s'est réellement déroulé dans un cadre aussi authentique que possible, engendrant son lot de difficultés pour le transport du matériel dans la montagne.

Mais les plans somptueux du vol inaugural et autres panoramas grandioses lorsque Liv prend un peu de hauteur apparaissent essentiellement dans le premier épisode (en plus d'être largement éventés par la bande-annonce) si bien que l'effet de saisissement s'estompe au profit d'arrière-plans verdoyants moins mémorables.

D'autant que les showrunners Martin Gero et Brendan Gall, qui ont déjà collaboré sur Blindspot, cantonnent dans un premier temps leur héroïne aux abords du lac dans lequel son avion a sombré. À aucun moment la réalisation ne parvient à se renouveler pour mettre en valeur ce prodigieux écrin.

 

Respirer : photoTabarnak ! C'est beau mais c'est grand !

 

Un capitaine à la Barrera

C'est donc sur l'héroïne esseulée que le regard se reporte. Après avoir écumé les télénovelas mexicaines, Melissa Barrera a percé à l'international en tenant le rôle principal du cinquième Scream aux côtés de Neve Campbell et Courteney Cox. Ici, en devant de fait porter le poids de la série sur ses épaules, elle trouve dans Respirer un nouveau tremplin prometteur.

L'actrice donne de sa personne dans le rôle de la citadine commuée par la force des choses en survivaliste résiliente, troquant le tailleur contre le débardeur de Lara Croft et le bandeau de Rambo. Elle a appris quelques rudiments d'escalade et décroché un diplôme de plongée sous-marine pour relever le défi physique du tournage, et sa prestation compte assurément parmi les atouts majeurs de la série. Bien sûr, pas de survie en milieu hostile sans donner de son sang, de sa sueur et de ses larmes, la réussite d'un survival étant généralement corrélée à l'exigence des épreuves qu'il dresse sur le chemin de son protagoniste.

Rendre l'eau potable, trouver des baies comestibles, empêcher un ours de manger vos barres de céréales, convaincre des poissons de se suicider sur votre canne à pêche low cost... Dans un genre qui compte de nombreux représentants en raison de son potentiel narratif évident, y compris dans sa version hardcore en solitaire, Respirer ne prétend concurrencer ni The Revenant d'Alejandro Iñárritu ni Into the wild de Sean Penn, lesquels tiraient du contexte nord-américain des expériences autrement plus viscérales.

 

Respirer : photo Melissa Barrera, Austin StowellTu vas pas mourir de rire, et c'est pas rien de le dire

 

Mais le cycle d'essai-erreur-apprentissage est suffisamment rapide, à défaut d'être particulièrement créatif, pour distraire. Scindée en six épisodes d'une trentaine de minutes, la série n'excède guère la durée d'un (long) long-métrage et trompe l'ennui en renouvelant ses situations, entre retour forcé dans la carlingue et parenthèse en mode 127 Heures.

Chaque nouvel obstacle éprouve logiquement l'ingéniosité de l'héroïne, qui se transforme en padawan de MacGyver et improvise un garrot et une boussole entre deux dissections d'excréments d'ours. Que Liv soit dépourvue de compétences extraordinaires pour la survie renforce l'identification, même si le scénario ne nous épargne pas quelques facilités, comme lorsqu'elle se découvre une appétence pour l'apnée qui ferait bleuir Jacques Mayol.

 

Respirer : photo Austin StowellMaman t'a jamais dit de pas monter dans les avions des inconnus ?

 

Bear Grylls sur le divan

Le cœur attendu de la série, c'est de faire de chacune de ces épreuves un pas de son cheminement initiatique. L'héroïne débarque dans le no man's land canadien avec un solide bagage d'insécurités héritées d'une mère dysfonctionnelle. L'isolement doit logiquement lui profiter pour mener une introspection décisive, fixer ses démons et trouver sa place dans la lignée familiale.

Sur ce point non plus, Respirer ne réinvente pas le dioxygène. Adosser le calvaire physique de l'héroïne à sa renaissance spirituelle est un cliché du genre qu'aucun parti-pris ne vient rafraîchir. Sa trajectoire est archi-convenue et les ficelles mélodramatiques, qui manquent cruellement de finesse, sont étalées au gré de flash-back sirupeux.

 

Respirer : photo Melissa BarreraGhost(face) of the past

 

Ceux-ci étouffent par ailleurs le potentiel anxiogène de son isolement : les apparitions de Jeff Wilbusch (Unorthodox) en petit ami, Florencia Lozano et Juan Pablo Espinosa dans le rôle de ses parents sont trop fréquentes pour laisser s'installer le sentiment de solitude. Et les tentatives de faire résonner les épreuves passées et présentes, à l'image de cette asphyxie parallèle par l'eau et le feu, sont sympathiquement convenues.

De la même manière, l'artifice commode des hallucinations ajoute une surcouche de didactisme franchement dispensable. Si le pilote de l'avion, définitivement moins doué que Chesley Sullenberger, quitte rapidement l'écran, son comparse (Austin Stowell) revient ponctuellement tailler le bout de gras. Son faux air de Jack Shephard dans Lost aurait d'ailleurs dû lui mettre la puce à l'oreille sur ses chances d'arriver à bon port...

Enfin, difficile d'adhérer pleinement à la trajectoire autodestructrice d'une héroïne qui, en dépit des efforts du scénario pour nous le faire croire, manque cruellement d'aspérités. Au moins aura-t-elle appris au cours de son périple que, oui, la famille c'est important et, oui, les déjections des caribous terminent dans les cours d'eau.

Respirer est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 28 juillet 2022

 

Respirer : Melissa Barrera

Résumé

Porté par la fraîcheur et l'investissement de Melissa Barrera, Respirer respecte fidèlement son plan de vol de survival light dans la forêt canadienne, bien que ses turbulences trop contrôlées l'empêchent de générer un véritable frisson.

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Lecteurs

(1.5)

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commentaires
Cometelo
14/07/2023 à 21:08

Contrairement aux autres critiques, cette mini série Ma tenue en haleine. J ai adorée les paysages, et j ai adorée quand l actrice se réjouissait de pouvoir allumer un feu, ou pêcher, ou faire bouillir de l eau.. J ai juste trouver qu elle enchainer les catastrophes, et honnêtement, je sais pas comment elle a tenue le coup, c etait trop. Par contre, pour le final... Dubitative...

Emmmaw
07/08/2022 à 22:38

À chierr !!

Goville
04/08/2022 à 22:38

Dès les premières minutes, on a envie qu’elle se noie tellement cette nana est horripilante.

PEB
04/08/2022 à 14:23

D'accord avec les commentaires précédents, c'est mortel...
Et quand elle est seule, le texte se limite à des petits cris de joie (quand çà marche) et à des "fuck, fuck, fuck" (quand çà rate)...
Episode 3, je décroche!

PEB
04/08/2022 à 14:15

D'accord avec les commentaires précédents. Très poussif et ennuyeux...
Et quand elle est seule, le texte se limite à des cris de joie (quand elle réussit) alternés avec des "fuck, fuck, fuck" (quand elle rate)!
Episode 3, je décroche!

Wooster
03/08/2022 à 13:25

Tres mauvais. Trop de flashbacks qui alourdissent le récit. Vu 2 épisodes et passé la suite en accéléré.

JR
03/08/2022 à 10:36

Pas dépassé l'épisode 2, malgré le format 30min, très (trop) lent

Maxibestof
03/08/2022 à 08:39

Ça me fait penser au film À Couteaux tirés (The Edge) avec Anthony Hopkins (pas le A Couteau Tiré avec Daniel Craig!). J'avais bien aimé à l'époque (mais ça date !!).
J'imagine que là c'est moins passionnant...

Fitou
02/08/2022 à 18:21

J'ai accepté par erreur ton invitation, j'ai dû me gourer dans l'heure j'ai dû me planter dans la saison

Fredooo
02/08/2022 à 17:43

D’un ennui mortel j’ai stop après 2 épisodes

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