Black Bird : critique qui traque le serial killer sur Apple TV+

Clément Costa | 8 juillet 2022 - MAJ : 08/07/2022 10:26
Clément Costa | 8 juillet 2022 - MAJ : 08/07/2022 10:26

Adapté d'un fait vécu, Black Bird tente de revisiter la figure tant explorée du tueur en série. Scénarisée par le talentueux Dennis Lehane, la série dispose d'un casting colossal notamment composé de Taron EgertonPaul Walter Hauser et feu Ray Liotta. Essai réussi ou tentative ratée de créer un Mindhunter bis pour Apple TV+ ?

Le silence du bourreau

Il y a des passions nationales contre lesquelles nul ne peut lutter. L’Inde et les films musicaux, l’Angleterre et les comédies noires ou encore les États-Unis et les tueurs en série. Cette fascination aussi malsaine que jubilatoire constitue la base même de Black Bird. Inspiré d’un roman autobiographique de James Keen, la nouvelle mini-série Apple TV+ raconte l’histoire d’un prisonnier à qui l’on propose un étrange marché. Il peut voir sa peine de 10 ans de prison totalement annulée à condition d’obtenir les aveux de Larry Hall, présumé tueur en série.

Démarre alors une excursion classique dans l’univers carcéral américain et la psyché d’un potentiel psychopathe. On voyage en terrain connu, à la croisée des chemins entre la reconstitution réaliste de Mindhunter ou Zodiac et la manipulation stimulante façon Le silence des agneaux. Peut-être est-ce là que Black Bird trouve sa limite. De par son simple postulat, la série se doit d’aller chercher des personnages types et des structures narratives que l’on connaît déjà (trop) bien.

 

Black Bird : photoComment ça, David Fincher a déjà tout dit sur le sujet ?

 

Parmi les stéréotypes, on a notamment droit à une énième relecture du redneck confédéré qui va de victime en victime au volant de sa camionnette. Ces clichés reposent évidemment sur le fait divers de James Keen. Reste qu'on finit par se demander s’il n’est pas temps d’aller chercher les démons de l’Amérique chez d’autres classes sociales plutôt que de tourner en boucle autour des mêmes populations.

Il manque également à Black Bird une touche de folie. On pourra saluer quelques explosions de violence, notamment une bataille entre prisonniers aussi crue qu’inattendue au cours de l’épisode 4. Mais dans l’ensemble, tout reste un peu trop lisse et propre pour que le récit vienne réellement nous déranger autant qu’il semble le souhaiter.

 

Black Bird : photoRegarde-moi dans les yeux, tu es un meurtrier

 

DENNIS : PORTRAIT D’UN AUTEUR EN SÉRIE

Malgré les limites imposées par la nature même de l’exercice, il y a un homme qui fait toute la différence sur ce projet : Dennis Lehane. Auteur à succès à qui l’on doit notamment les triomphes Shutter Island et Mystic River, il n’en est pas à son coup d’essai en tant que scénariste puisqu’il a déjà travaillé sur des épisodes de The Wire et Baordwalk Empire. Rien que ça.

Il confirme à nouveau son talent avec une écriture rigoureuse, qui vient alléger bon nombre des lourdeurs présentes dans le livre de Keen. En éliminant une bonne partie de l’aspect purement théorique et psychiatrique de l’autobiographie, Lehane évite de trop expliquer son tueur. Non seulement il contourne ainsi le risque de verser dans la psychologie de comptoir, mais en plus il donne au personnage une aura mystérieuse très efficace.

 

Black Bird : photoL'art raffiné de la rouflaquette

 

Mais l’auteur va encore plus loin dans sa réappropriation du projet. Il parvient à connecter ce fait divers aux thématiques qui habitent toutes ses œuvres depuis des décennies. Plus particulièrement sa fascination pour les psychologies déviantes et son angoisse de l’enfermement.

En effet, si Black Bird est un récit d’enquête, c’est avant tout un excellent thriller carcéral. La détresse anxiogène est terriblement efficace, au point de devenir le moteur même de notre personnage principal en quête de liberté. Et même si les séquences d’investigation en dehors de la prison nuisent au rythme de la narration, dès que l’on retourne derrière les barreaux, la série nous captive.

 

Black Bird : photoPrison Breaking Bad

 

L’ANTRE DE LA FOLIE

L’autre force évidente de Black Bird, c’est sa réussite technique totale. Tout d’abord sur le plan de la mise en scène. Parmi les trois réalisateurs aux commandes, on retrouve le plus souvent Michaël R. Roskam à qui l’on doit l’excellent Bullhead, mais aussi le sympathique Quand vient la nuit – déjà scénarisé par Dennis Lehane. En résulte une série remplie d’idées de mise en scène, qui parvient constamment à nous surprendre par sa maîtrise visuelle. L'image est à la fois travaillée et organique, servie par un montage à la précision chirurgicale.

De plus, Black Bird nous offre un casting absolument démentiel. Loin de la violence élégante de Kingsman ou de la folie pétillante de Rocketman, Taron Egerton livre une performance qui force le respect. Un jeu bourru, physique, au service d’un personnage toujours ambigu. Face à lui, Paul Walter Hauser est terrifiant de justesse. Loin de la sobriété touchante dont il faisait preuve dans Le Cas Richard Jewell, il incarne ici un Mal absolu dont la simple voix trop aiguë suffit à créer du malaise.

 

Black Bird : photoUn rôle posthume en finesse et en dignité

 

Au cœur de ce casting cinq étoiles, on retiendra particulièrement le regretté Ray Liotta dans une de ses toutes dernières apparitions à l’écran. Il y a quelque chose de profondément émouvant dans sa façon d’interpréter un père brisé, rongé par la culpabilité et la maladie. Les scènes de parloir avec son fils feront craquer même les plus insensibles des spectateurs.

Pour compléter cette rencontre stimulante de talents, les Mogwai signent une bande-originale passionnante. On retrouve les synthés magnétiques, les boucles fascinantes et les légères distorsions troublantes qui font la renommée du groupe écossais. Leur musique offre une tout autre dimension aux images, en jouant régulièrement sur le contraste. Une comptine pour accompagner la violence, un synthé à la Carpenter lors des rares séquences paisibles. À l’image de Black Bird, la composition est faussement familière, mais surtout joliment envoûtante.

Les deux premiers épisodes de Black Bird sont disponibles sur Apple TV+ depuis le 8 juillet 2022. Les autres épisodes seront diffusés à un rythme hebdomadaire jusqu'au 5 août 2022.

 

Black Bird : photo

Résumé

Malgré des bases trop attendues, voire bancales, Black Bird parvient à captiver grâce à un Dennis Lehane toujours très inspiré. D'autant que la série est une très belle réussite technique, portée par des performances mémorables. Un pur plaisir en perspective pour tous les amateurs du genre.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(3.9)

Votre note ?

commentaires
holybtn
17/08/2022 à 20:12

des favoris qui forcent le respect

beyond
11/08/2022 à 15:30

En cours de visionnage, j'avoue avoir du mal à cerner le personnage de James Keen. J'ignore si cette froideur est volontaire ou si elle résulte d'une écriture qui manque de profondeur. Pour le reste, en étant habitué au caviar de Mindhunter, les dialogues de Black Bird paraissent bien fades et superficiels en comparaison. En espérant que la suite me convainc davatange.

boxoffice story
18/07/2022 à 14:42

Pour le moment cela passe crème pourvu que cela dure.
Casting phénoménal. Taron Egerton en James Bond sinon rien, c'est tellement évident que 007 est fait pour lui.

Zarbiland
10/07/2022 à 09:55

J'ai adoré les deux premiers épisodes. Je suis vert de voir que les suivants sortent plus tard, chaque semaine, visiblement. C'est vraiment extra, grosse ambiance, super casting, belle photographie.

Euh
08/07/2022 à 19:08

Dennis Lehane, Ray Liotta, Mogwai à la BO, ok vendu !

Spidy
08/07/2022 à 11:53

Hâte de pouvoir y jeter un œil :)

votre commentaire