Ozark saison 4 partie 2 : critique en état d'arrestation sur Netflix

Simon Riaux | 6 mai 2022 - MAJ : 06/05/2022 17:43
Simon Riaux | 6 mai 2022 - MAJ : 06/05/2022 17:43

Il paraît que le crime ne paie pas. Mais manifestement, personne n'a songé à en informer la famille Byrde, qui pourrait bien connaître un sort funeste. À moins que le clan réuni depuis plusieurs saisons par Jason Bateman ne trouve une ultime parade pour échapper au châtiment qui se profile dans la partie 2 de cette saison 4 disponible sur NetflixOzark citoyens et attention SPOILERS !

AMERICAN CRIME

Nous avions laissé la petite famille au beau milieu d'une périlleuse acrobatie, opérant un grand écart entre une crédible issue à son mode de vie criminel, et l'intervention probable d'un ange exterminateur au beau milieu de ce qui ressemblait déjà à un chaos indescriptible. En effet, Marty et Wendy ont réussi à négocier in extremis un accord entre le FBI et le clan Navarro, qui leur permette de quitter leur poste de blanchisseurs en chefs sans s'attirer les foudres des uns ou des autres. Mais l'intransigeance de Javi l'a poussé à exécuter froidement Darlene et son jeune époux Wyatt. Un double-meurtre qui fait de son auteur une cible vivante pour Ruth.

On était un peu sceptiques à l'annonce de la partition de cette ultime saison en deux segments, tant les différentes intrigues et sous-intrigues semblaient parvenues à un point de non-retour, et les personnages face à des situations qui ne nécessitaient peut-être pas d'être développées plus de 10 heures durant. La première moitié nous aura fait mentir, en mettant au centre du jeu mortel l'aspirant maître du cartel, Javi, et ses ambitions souvent traduites dans le sang. Contre toute attente, plutôt que de l'installer comme dernier adversaire des Byrde, avant leur consécration ou leur malédiction, la série prend une nouvelle fois le risque de rebattre ses cartes.


Ozark : photo, Jason Bateman, Laura LinneyLe visage du bonheur

 

Alors que sa trajectoire croise, bien plus rapidement, simplement et brutalement qu'attendu celle de Ruth, c'est toute la structure annoncée qui s'écroule, et pousse notre cauchemardesque famille à changer ses fusils d'assauts d'épaule. Depuis l'ouverture de son récit, Ozark est la chronique d'une impossible fuite en avant, celle d'un homme, puis un couple et finalement un clan, s'atomisant au fur et à mesure de ses échappées vers la respectabilité, ou à l'abri des canons.

Alors que les innombrables pièges, pour la plupart posés par les protagonistes eux-mêmes, s'apprêtent à se refermer sur eux, nos salopards préférés font donc un choix radical, mais cohérent.

 
Ozark : photo, Julia GarnerUne Ruth semée d'embûches

 

LES DEFFRANCHIS

Plutôt que de se diriger vers un grand sacrifice, une apocalypse régénératrice qui verrait l'intégralité de cette spectaculaire brochette de salopards punie, le showrunner Chris Mundy a choisi une issue plus favorable en apparence, mais pas moins ravageuse. La nouvelle herse qui se dresse sur le chemin de Wendy et Marty a pour conséquence de provoquer enfin la coalescence familiale. Tandis que l'irruption d'un ex-flic moraliste, qui plane sur toute la saison à la manière d'un Jiminy Crocket retors, confronte le couple à ses choix les plus radicaux, un père longtemps laissé de côté entreprend de leur arracher leurs enfants, déjà sévèrement remontés contre les auteurs de leurs jours.

C'est dans cette tension que gît la clef des derniers chapitres. Wendy aussi bien que Marty ont appris à déjouer les soubresauts mafieux qui rythment leur quotidien, les esquivant ou en épousant les lignes de crêtes. Mais face à une adversité désormais totale, et totalement vouée à leur destruction, les Byrde opèrent une boucle. Nous les avions découverts dans le pilote de la série, confits de haine les uns pour les autres, enfants en crise, parents au bord du divorce. La proximité de l'abîme provoque chez tous les membres de la tribu un désir sauvage de se retrouver, de se rassembler.

 

Ozark : photo, Jason BatemanCiel,mon Marty

 

Et c'est ce que réussissent très bien à nous montrer ces derniers chapitres, dont plusieurs sont mis en scène par les comédiens Laura Linney et Jason Bateman. Un investissement loin d'être anodins de la part de deux interprètes brillants, et finalement les mieux placés pour accompagner leurs personnages dans les remous d'un récit qui aura toujours fait la part plus belle aux états d'âme plus qu'aux déferlements de balles perdues. C'est d'ailleurs en grande partie grâce à l'acuité avec laquelle ils capturent les inflexions des protagonistes, que le spectateur accepte quelques twists précipités, ou raisonnements tarabiscotés.

De même, si l'articulation de leur décision est, à plusieurs reprises, trop soudaine ou mécanique, le grand soin apporté aux dialogues aide considérablement la médecine à couler. Marty et Wendy nous sont apparus, quatre saisons plus tôt, secrets et mutiques. Au cours des derniers épisodes, leurs langues se délient tout à fait. C'est que l'heure est à l'union sacrée, et pour cause, les Byrde veulent redevenir une famille. Mais pas n'importe quelle famille.


Ozark : photo, Jason BatemanCartel par intérim

 

POKER MENTEUR

L'histoire américaine est celle de dynasties de criminels en col blanc, de corrompus blanchis et de fortunes aux origines pour le moins discutables. Une partie de cette histoire a fondé une forme de légende noire qui s'étend du clan Tammany jusqu'au mythe du patriarche Kennedy servant de comptable occulte pour la mafia (qu'exploita James Ellroy) du côté des démocrates, et jusqu'au statut de mauvais génies "républicains" que devinrent les Koch ou Ailes. C'est dans son dernier mouvement qu'Ozark dévoile ce qui était sa véritable ambition : narrer depuis ses débuts maladroits jusqu'à sa prise de pouvoir, l'avènement d'une tribu criminelle, aussi éminemment respectable que résolument toxique.

C'est ce à quoi aboutit finalement l'histoire de la série, qui préfère placer sa mécanique tragique dans une forme de compromission transgénérationnelle, synthétisée dans le gros plan sur le visage d'un adolescent résolu à abattre un innocent, et le contrechamp de son père lui souriant avec une pointe de fierté. Tout aura donc mené, non pas à la chute des Byrde, mais au contraire à leur triomphe.


Ozark : photo, Jason Bateman, Laura Linney, Julia GarnerL'heure de faire tapis

 

Ce triomphe, évidemment, se fera au détriment de tous les autres. C'est dans cette ironie que gît la réussite de l'ensemble, qui permet, grâce à sa puissance symbolique et émotionnelle, d'en oublier en partie les limites évidentes. Qualités et défauts de la série seront demeurés pratiquement inchangés depuis ses débuts. Pour élégants que soient la mise en scène et le montage, ils se heurtent plus d'une fois au systématisme de la photo. Son intention de transformer le paradis touristique du lac Ozark en gourbis anthracite et anxiogène faits toujours sens, mais alors que tout ce petit monde se précipité vers de fatales confrontations, on eût aimé que la patte visuelle et stylistique prenne mieux en compte cette progression.

Efficace et maîtrisée, la narration montre les mêmes limites. Tout est huilé, jusque dans les approximations ou raccourcis, on sent combien l'équipe, parfaitement rodée, sait avec la même prestance accompagner ses belles trouvailles ou maquiller ses petites foirades. On accepte donc, une dernière fois, que la série ne soit jamais grande, mais demeure toujours bonne. Au moins réussit-elle lors de sa conclusion, à épouser la noirceur que ses anti-héros eux-mêmes s'étaient toujours refusés à assumer.

 

Ozark : photo, Julia GarnerRuth El Grief

 

Petit tour de force éminemment cruel, le sort parfois abominable des personnages les plus humains, à commencer par Ruth, apparaît presque comme une forme de soulagement, quand le regard du spectateur s'aligne totalement avec celui de Marty, et qu'il peut de concert, aspirer au devenir monstrueux de sa tribu.

Oui, la malheureuse interprétée par Julia Garner était le dernier coeur palpitant de cette galerie d'affreux, oui, ses motivations étaient bien les seules à être motivées par une quelconque forme de justice. Mais le sacre des monstres appelait son sacrifice, et nous donner un aperçu de l'inhumanité des puissants les plus avides n'est pas la moindre des réussites d'Ozark.

Ozark est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 29 avril 2022

 

Ozark : Affiche US

Résumé

Malgré quelques lignes narratives dispersées ou un peu déséquilibrées, la série policière qui fit les beaux jours de Netflix réussit sa sortie en faisant un choix audacieux, celui de s'extraire du canevas moral propre à beaucoup de fictions de genre, pour questionner la nature même du rapport américain à la criminalité. Amoral, cruel, et divertissant.

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Lecteurs

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commentaires
Picass sensei
19/07/2022 à 23:12

Fin inattendue et sans reel enseignement moral pour la jeunesse qui se délecte de cette série ...quoi que cette dernière saison transmet un message clair, le monde est fondé sur du surfait et la.vie n'a pas plus de sens que chercher le pouvoir jusqu'à mourir dans l'anonymat d'une ancienne gloire. Une belle leçon de vie mine de rien. J'ai apprécié, les byrde vont me manquer.

The insider38
14/05/2022 à 00:17

Poulpix: ah non v est pas surcote, sa mérite totalement la hype,

Évidemment, si l’argument : tout es invraisemblable, est le seule alors 90% le sont

The insider38
14/05/2022 à 00:13

Keeds: cette fin est génial au contraire, je suis soulagé que la famille s’en sorte justement, car depuis le début, on évolue avec eux , et ils en deviennent attachants.

Faut pas être sensible comme ça petit

Ded
07/05/2022 à 11:29

Bien résumé : amoral (la famille Byrde s'en tire... pour l'instant !), cruel (l'exécution de Ruth en particulier) et divertissant (le cahier des charges du genre est respecté). Et quelles fins alternatives ? Le massacre de tous les protagonistes ? Un peu extrême. Que Ruth soit épargnée ? Pas très vraisemblable. Que le FBI mette tout le monde sous les verrous et desserve ainsi ses (gros !) intérêts ? Pas très logique. Focus sur la psychologie profonde des personnages, cette fin confirme les véritables natures en dissipant certains doutes nés des revirements décisionnels des enfants. Oui, cette famille infernale est bien pourrie jusqu'à la deuxième génération. Jonah, tire. Charlotte, instigatrice potentielle (?!) de l'acte criminel, l'épaule. Marty, au sourire bouffi d'orgueil paternel, adoube ainsi sa progéniture. On aurait pu penser qu'il fut le seul de ce couple vénéneux capable d'une sincère empathie. Il remet là les pendules à l'heure. Wendy reste impénétrable, stoïque même si semble poindre dans son regard un soupçon de désarroi...
Mais pour ne fâcher personne (du moins ceux qui m'auront lu), je rappelle que tout cela reste très subjectif.
Seul point de désaccord avec l'article ci-dessus : la petite voix de la conscience est symbolisée par Jiminy Cricket, comme la bestiole du même nom ;)

Poulpix
07/05/2022 à 11:08

Cette série surcoté! Les événements dépeints dans cette série n'on ni queue ni tête, c'est une accumulation de clichés pathétiques, je n'ai vraiment pas compris l’énorme hype autour...

TELLEMENT DÉÇU
07/05/2022 à 01:28

TEllement déçu de cette fin... Les 2 premières saisons étaient du génie. Les 2 dernières sont devenues predque lambda

Snake
06/05/2022 à 17:22

Mon prédécesseur a tout dit. Une seconde partie de saison à la fois grotesque et très mal conclue. Une fois de plus Netflix gâche une bonne série par une fin ratée, on a l'habitude !

Keedz
06/05/2022 à 15:29

Incroyablement déçu par cette fin une excellente série qui est gâchée par une fin grotesque entre autres l’accident de voiture teasé dès la première partie de cette saison finale ou encore les incohérences d’écriture des enfants bryde qui passent de se soustraire du destin de leurs parents à devenir comme eux en une seconde les enfants bryde sont certainement les personnages les plus mal écrits . Heureusement Julia garner est là le meilleur perso est une actrice parfaite durant toute les saisons . Bien sûr c’est louable de vouloir faire une série non moralisatrice ou les gentils ne gagnent pas forcément et les méchants ne perdent pas à chaque fois,n’empêche que voir la famille bryde s’en sortir indemne ça me dégoûte et invraisemblable dans la vraie vie il n’aurait pas tous survécu. Ma seule consolation c’est de me dire que cette fin n’est qu’un répit pour eux et qu’ils finiront tous pas se faire masacrer d’une façon ou d’une autre

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