Les Sept Vies de Léa : critique du Retour vers le Futur raté de Netflix

Lucas Jacqui | 5 mai 2022
Lucas Jacqui | 5 mai 2022

Les Sept Vies de Léa de Charlotte Sanson partait bien pour être un Retour vers le Futur croisé à Un jour sans fin avec un peu de Sense8 dans le sud de la France. La série de Netflix prenant place dans un village reculé, le cadre est idéal pour jouer avec les mécaniques d’une enquête à travers le temps dans un sac de nœuds où la moindre modification a un impact énorme. Malheureusement, devant la série, on ne cherche pas vraiment le coupable, mais plutôt où se trouve l’intérêt.

teen timecop

Tout commence par Léa (Raïka Hazanavicius) qui durant une rave party dans un lit de rivière trouve un squelette d'un type assassiné il y a 30 ans. Après une bonne nuit de sommeil, elle se réveille dans le corps de la victime, Ismaël, une semaine avant sa mort. La jeune fille décide d'empêcher son meurtre en découvrant le responsable. Si elle s'implique autant dans cette enquête, c'est pour une raison affligeante de nullité : elle est tombée amoureuse de Ismaël. Concrètement, si elle parvient à le sauver, il aura plus de 40 ans quand ils se rencontreront en 2022. À partir de là, Les sept vies de Léa annonce la couleur, ce sera une série plus teenage et cucul qu'un thriller fantastique.

Avec une histoire qui mêle une petite dizaine de personnages tous étroitement liés que l'héroïne va posséder à tour de rôle dans le passé, on peut s'attendre à un casse-tête temporel tordu. Mais non ! La série préfère faire un grand feu de joie avec la logique. L'intrigue s'en retrouve asphyxiée d'incohérences et de facilités qui vous feront passer pour un véritable Louis Armstrong du soufflement de nez d'exaspération. Le personnage principal n'a rien d'un Columbo, accusant à tort et à travers tout le monde sans preuve, mais avec des caisses de préjugés, quand elle s'intéresse à l'enquête (c'est à dire cinq minutes par épisode).

 

Les Sept Vies de Léa : photo, Raïka HazanaviciusJ'accuse

 

L'héroïne se foutant allègrement de l'histoire et des répercussions de ses choix lorsqu'elle est dans le corps d'un autre, la série n'a donc aucun enjeu. On s'interroge plus sur les conséquences du bordel que met Léa qu'elle-même. Ainsi, avec une détective en carton, l’enquête est forcément prévisible au possible, reposant son avancement sur des indices livrés à grands coups de pied. L'histoire déroule donc le background de ses personnages et leurs secrets sans mystère ni suspense, donnant la sensation d'attendre que l'information tombe machinalement sans travail du personnage principal.

Dans ce sable mouvant d'un scénario qui avale toute excitation, le climax arrive à surprendre et est même réussi. C'est la moindre des choses après sept épisodes à se farcir une enquête inexistante censée révéler le nom du meurtrier. La conclusion s'en sort bien, et c'est presque un tour de force après le sabordage que s'infligeait la série. Léa se retrouve face à un dilemme fort qui aurait gagné à être posé beaucoup plus tôt dans l’histoire pour ajouter une tension absente de Les Sept Vies de Léa.

 

Les Sept Vies de Léa : photo, KHALIL BEN GHARBIAEnquête d'action

 

un téléfilm sans fin

Si la série est aussi irritante, c'est aussi pour ses personnages tous plus têtes à claques les uns que les autres. À commencer par Léa qui nous est très peu introduite, et que l'on découvre principalement dans une voix off insupportable, ou dans la peau d'un/d'une autre. Et difficile de se rattraper sur les personnages secondaires qui gravitent autour d'elle, ou qu'elle incarne. Tous sont des clichés ultra-représentés (le gros dur fils à papa, la reine du lycée à la famille de beaufs) quand ils ne sont pas des crétins des Alpes ne se posant jamais de questions malgré la montagne de choses étranges que traîne Léa avec elle.

Chaque absurdité est bien mise en avant par des dialogues neuneus qui, s'ils ne sont pas assez énervants tout seuls, sont accentués par les commentaires en voix off de Léa. Une mécanique pratique pour la série qui l'utilise pour dire ce qu'elle n’arrive pas à nous faire comprendre. Constater cela est assez décevant quand on sait que Charlotte Sanson, créatrice de la série, a écrit Comment je suis devenu super-héros, un film qui avait réussi à faire du super-héroïque à la sauce française.

 

Les Sept Vies de Léa : photo, Rebecca WilliamsLe groupe des têtes à claques N°1

 

Dans cette chute perpétuelle que fait empirer chaque nouvel épisode, on ne peut même pas s'accrocher aux branches de la réalisation qui préfère nous baffer. Ennuyeuse au possible, la mise en scène tente de faire un bel emballage à ce produit Netflix en ayant des images colorées et chaleureuses, certes plaisantes, mais qui ne racontent rien. C'est quand la caméra doit filmer les scènes de discussion à coeur ouvert qu'elle s'en sort le mieux, réussissant à capter l'énergie entre les comédiens. Le reste du temps, Les Sept Vies de Léa nous assomme avec des séquences d’actions plates, ou nous étrangle avec des plans niais de romance.

Le malaise ambiant de la série n'est pas aidé par l'actrice principale, en peine avec ce qu'on lui donne pour incarner une héroïne gonflante. Malgré tout, quelques acteurs et actrices parviennent à se démarquer avec un jeu naturel, créant une alchimie avec les autres comédiens. Les scènes de camaraderie entre les jeunes acteurs sont les plus authentiques, jusqu'à ce que l'intrigue revienne pour tout écraser.

 

Les Sept Vies de Léa : photo, Théo Fernandez, Marguerite ThiamMartin OrdinateurVoler

 

loopé

Au milieu de ce téléfilm au N rouge, on arrive quand même à remuer les hanches grâce à la très bonne bande-son aux influences nineties et moderne. Au même titre, les costumes reprenant la mode vestimentaire des années 90 tout en couleurs rejoignent les rares bons points de la série.

Les Sept Vies de Léa fait même preuve de bonne volonté en abordant l'évolution de la place des femmes, le racisme, et même la grossophobie ou l'homosexualité. Mais les sujets sont soit complètement survolés au travers de quelques secondes, soit traités avec la finesse d'une peinture faite avec des gants de boxe. Encore une occasion manquée d'exploiter un concept qui ouvrait énormément de portes pour comparer deux époques sur des sujets de société.

 

Les Sept Vies de Léa : photo, KHALIL BEN GHARBIAConsternation du spectateur

 

Il ne faut pas non plus compter sur la vibe nostalgique qui est un Kinder surprise sans surprise ni chocolat. Les Sept Vies de Léa se déroulant dans une petite ville paumée, la différence entre les deux temporalités est quasiment invisible, n'accentuant pas suffisamment le changement d'ambiance que vit l'héroïne. D'autant que la série joue à peine sur l'écart technologique que connaît (subit) une millenial rencontrant ses parents encore adolescents. Pourtant, il y avait de quoi créer des clins d'oeil et références pour en tirer de l'humour comme des péripéties. Ici, la seule différence est que Léa se balade à mobylette ou à vélo en fonction de l'année.

Enfin, et surtout, Les Sept Vies de Léa n'a de fantastique que sa niaiserie. Tous les dangers et paradoxes des voyages dans le temps maintes fois abordés au cinéma avec Retour vers le Futur, Looper, L'Effet Papillon ou Terminator sont amenés sans conviction ni suspense. Par exemple, Léa fait mumuse avec les vies de tout le monde dans le passé, ce qui a pour conséquence de ne faire disparaître qu'un figurant. Rien de palpitant donc, à l'image de la série qui n'a aucune raison de rester dans les esprits.

Les Sept Vies de Léa est disponible en intégralité depuis le 28 avril 2022 sur Netflix

 

Les Sept Vies de Léa : Affiche officielle

Résumé

Quand Les Sept Vies de Léa ne passe pas à côté de son concept prometteur, elle se vautre dans une écriture à l'eau de rose lourde qui tire vers le bas les acteurs. L'ambiance années 90 ne suffit pas à faire passer le dernier produit fade de Netflix.

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Lecteurs

(3.4)

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commentaires
James75
25/03/2024 à 18:15

L'une des rares séries que j'ai pu regarder en entier, je ne comprends pas cette longue chronique de démolission, qui plus est méprisante et injurieuse. On peut ne pas aimer et rester bien élevé.

Almaraca
04/10/2023 à 21:40

Pas encore fini de regarder mais cette série me plaît et je trouve en effet les jeunes acteurs assez justes.
Par contre, ayant été ado dans les années 90, je trouve les tenues des acteurs (sensés vivre en milieu rural) un brin trop stylées !!

Mow
20/06/2023 à 18:58

C'est quoi cette critique ? La série est franchement pas mal
C'est peut être pas LA série de l'année mais perso j'ai beaucoup aimé, Léa c'est juste une ado paumé, pas un flic. J'ai beaucoup aimé la fin
Et faut pas aller trop loin non plus, les différences technologiques des années 90 c'est pas non plus si loin
On était pas dans les années 30 faut pas abuser.
Perso je recommande la série

Elmo
22/01/2023 à 23:17

Je viens de terminer cette série et je ne comprends absolument pas l'avis négatif de Lucas Jacqui du site ecranlarge.com...

Les acteurs sont justes, plus que justes et fins (en plus d'être beaux). Mention spéciale à Khalil Ben Gharbia que j'ai eu le plaisir d'admirer déjà chez François Ozon. L'héroïne, Léa, n'a pas pour mission d'être Columbo mais c'est une lycéenne paumée qui ne comprend pas trop ce qui lui arrive... Elle est plutôt spectatrice et observe ceux qui pourraient être coupables... Le puzzle se reconstitue devant elle et malgré elle. Ce n'est pas un remake du film "Un jour sans fin" puisque, tout simplement, ce n'est pas le même jour qu'elle vit et qu'elle ne tente pas de le rendre parfait... Le cadre est fort bien choisi et on ne sait plus si nous sommes aux USA ou dans le sud de la France. Merci tout de même d'avoir relevé la bande-originale (avec pas mal de reprises) qui n'est pas trop nineties comme vous dites mais plutôt eighties (la série se passe en 1991). Et vous vous plantez complètement quand vous parlez de technologie... De nombreuses références y y sont faites comme par exemple à l'absence de téléphone portable et à son utilité...

Votre critique est fort alambiquée et j'ai l'impression que vous avez survolé la série... Ou, manifestement, le fait qu'elle soit efficace et pas du tout chiante vous dérange. J'ai quelques noms de cinéastes qui intellectualisent trop le monde adolescent et qui pourront vous faire ronfler :)

Les 7 avis de Léa est une belle surprise qui m'a fait passer un excellent moment.

Luc
07/07/2022 à 07:22

Tout à fais d accord, série sans intérêt !! Complètement à ch....

Lulu
04/06/2022 à 23:41

Pour ma part j'ai adoré !

Bips
03/06/2022 à 20:59

Peut-on aussi parler de la culture du v*ol? Léa se retrouve dans le corps d'autre personne, a des relations sex*elles avec des personnes qui croient en avoir avec leur petit copain (mais bien sur Léa ne leur dit pas! Et pour celui qui a le corps, pareil, il n'aura que des blackout...) et ce n'est absolument pas dit que ce n'est pas OKAY!
Horriblement mal écrit, alors que le perso de Léa connait les bases du féminisme.

celine
01/06/2022 à 14:07

Ok avec les commentaires précedents... Nous nous attachons aux personnages, le casting est tres réussit, l'intrigue haletante, nous n'avons pas envie de quitter l'univers de la série.

J'ai apprécié la série...
01/06/2022 à 00:06

Je comprends en tout point la critique qui est faite et je la trouve fondée. Mais elle est trop dure au niveau des attentes. A aucun moment la promesse de la série n'est de rivaliser avec retour vers le futur. Mais effectivement, au niveau du respect des actions du personnage principal sur la temporalité, c'est très grossier. Mais ça ne m'a pas empéché de prendre plaisir à regarder la série que j'ai trouvé distrayante et qui m'a tenu en haleine. Le dénouement était également intéressante. Bref, je n'ai pas été deçu. Tout depend donc des attentes du spectateur...

Beton bertho
29/05/2022 à 23:05

Série prenante et tres bien réalisé. Nous avons adoré ma femme et moi (42 ans chacun)
Cette critique assassine montre encore à quel point il faut se faire sa propre opinion !!!

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