Son vrai visage : critique qui s'ennuie sur Netflix

Déborah Lechner | 15 mars 2022 - MAJ : 15/03/2022 11:52
Déborah Lechner | 15 mars 2022 - MAJ : 15/03/2022 11:52

Après les thrillers tirés des écrits d'Harlan Coben, le géant du streaming s'est penché sur une autre adaptation de polar, Son vrai visage, une série créée par Charlotte Stoudt, scénariste et productrice passée par Homeland, à partir de l'oeuvre éponyme de Karin Slaughter. Mais en dépit de son casting attirant, en particulier Toni Collette dans le rôle principal, ce nouveau thriller estampillé Netflix s'avère bien plus ennuyeux qu'haletant.

WHO'S BAD ?

Comme le titre le suggère, Son vrai visage cherche à démasquer Laura Oliver (Toni Collette), une quinquagénaire en apparence tranquille qui met fin à une fusillade dans un restaurant en égorgeant le tireur avec trop d'aisance pour que ce soit un simple réflexe providentiel. Le fait divers ne tarde d'ailleurs pas à attirer l'attention des médias, qui louent son héroïsme, mais aussi de plusieurs personnes qui en ont personnellement après elle.

Serait-elle une criminelle en cavale ? Une femme menacée en fuite ? Un agent secret de la CIA ? Une tueuse à gages professionnelle ? Une nouvelle Sarah Connor ? En tout cas, elle n'est certainement pas l'orthophoniste sans histoires qu'elle prétend être et que sa fille Andy veut percer à jour. Le point de départ, convenu mais a priori efficace, est donc très similaire à celui de A History of Violence de David Cronenberg. La comparaison s'arrête cependant là, l'un étant un film mémorable, l'autre une série oubliable.

 

Son vrai visage : photo, Toni ColletteToni Collette 
 

Même si les prémisses de l'intrigue en dessinent les contours, Son vrai visage n'est pas le thriller palpitant - ou a minima distrayant - auquel on peut s'attendrePlus proche du pastiche insipide, voire de la caricature involontaire du genre, le scénario calque les codes classiques du polar : enquête, substitut de détective, jeu de pistes, filatures et faux-semblants. Pour fausser les pistes, il puise également dans l'imaginaire plus cliché du film de gangsters ou d'espionnage, comme avec le coup typique des cartes d'identité à différents noms planquées dans une mallette pleine d'argent liquide.  

Mais vainement, puisque l'intrigue dénoue ses plus gros noeuds au bout de quelques épisodes seulement. Elle dévoile ensuite paresseusement le passé pas si intéressant de Laura à travers de longs flashbacks (en plus de quelques images d'archives utilisées plus habilement) qui prennent le pas sur l'enquête d'Andy plus qu'ils ne l'illustrent. 

 

Son vrai visage : photo, Joe Dempsie, Jessica BardenLe passé en question que fuit Laura
 

Une fois que les premiers épisodes ont dévoilé les principales pièces du puzzle et pointé du doigt les zones d'ombre qui entourent Laura, la série perd donc rapidement en vitalité. Elle peine à maintenir le suspense et la perplexité indispensables pour assurer un rythme cadencé et garantir l'implication du public. Les rebondissements et révélations deviennent alors de plus en plus prévisibles et donc de moins en moins ludiques ou amusants.

La mise au placard des scènes d'action, les plans à rallonge et les silences interminables entre les répliques accentuent un peu plus l'hypotension et l'anémie du scénario, plus amorphe que mélancolique. Même constat pour la réalisation de Minkie Spiro, certes sans bavure outrancière, mais sans éclat ou parti-pris assez fort pour soutenir les quelques moments de tension, de confusion ou de malaise. Reste le dénouement, le dernier grand twist obligatoire et cousu de fil blanc, qui permet au moins à la série d'aller au bout de son chemin balisé et de donner un fin mot à l'histoire, nous épargnant ainsi la nécessité d'une saison 2 (bien que la fin reste ouverte à une suite). 

 

Son vrai visage : photo, Bella Heathcote, Toni Collette"Tout ça pour ça, donc" 

 

WHO'S YOUR MOMMY ?

En dévoilant la véritable identité de Laura aussi tôt, la série tente de se rapprocher du drama familial transgénérationnel et de se recentrer sur la relation tumultueuse de ses deux personnages principaux. Sauf que l'émotion a du mal à décoller, Andy n'étant qu'une coquille vide qui se contente de tordre ses trois pauvres traits de personnalité pour répondre aux besoins momentanés du scénario, que ce soit en jouant la biche apeurée, l'éternelle ado en crise ou la tête brûlée en manque d'adrénaline.

Andy est un outil scénaristique pratique pour faire avancer l'histoire, ce qui s'applique à l'ensemble des personnages secondaires que les acteurs Joe DempsieTerry O'QuinnOmari HardwickDavid Wenham ou Gil Birmingham peuvent difficilement dévier de leur fonction type malgré toute leur bonne volonté. Comme les autres, Andy se contente donc d'une caractérisation sommaire, et si l'actrice Bella Heathcote se dépatouille avec le peu de matière qu'elle a pour lui donner un minimum de consistance et de relief, celle-ci ne convoque aucune sympathie ou empathie de l'autre côté de l'écran. Et sa tendance à prendre les décisions les plus stupides et illogiques possibles n'aide pas tellement à créer un lien avec le public.

 

Son vrai visage : photo, Bella HeathcoteBella Heathcote

 

De son côté, aussi formidable qu'elle soit, Toni Collette parvient tout juste à sauver les meubles. Étant au coeur de l'histoire, son personnage est forcément le moins lisse et donc par défaut le plus intéressant, même s'il n'échappe pas aux figures imposées sur l'emprise et la domination masculine. Celle qui est d'abord dépeinte comme une mère louve puis une marâtre distante doit conserver sa nature insondable jusqu'au dénouement, pour rester aussi une étrangère à nos yeux (ça foire, mais c'est l'idée). 

La  série évite donc de faire état de ses véritables angoisses ou de justifier ses décisions les plus illogiques, ce qui crée une barrière infranchissable entre la protagoniste et son public. Et si Laura est la seule qui porte des enjeux émotionnels, c'est bien grâce à la performance de son interprète, et non l'écriture du personnage. Laura Oliver est une femme éteinte et écrasée par le poids de ses mensonges, auquel Toni Collette donne une réelle intensité malgré sa façade de marbre, en particulier à travers ses regards pensifs et son air grave qu'elle fait brillamment voler en éclats au détour de quelques scènes plus démonstratives. 

Avec son visage poupon, Jessica Barden, qui joue la jeune Laura, réussit elle aussi transmettre par son seul regard toute la rage et le désespoir qui anime et bride le personnage. Ce qui n'est malheureusement pas suffisant pour faire de Son vrai visage une bonne surprise, ou ne serait-ce qu'un bon divertissement pour passer le week-end.

Son vrai visage est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 4 mars 2022

 

Pieces Of Her : Affiche officielle

Résumé

Le pitch de départ laisse penser que Son vrai visage a tout d'un thriller certes banal, mais suffisamment prenant pour enchaîner frénétiquement les épisodes en lecture automatique. La série est pourtant trop traînante et prévisible pour offrir le peu qu'on vient y chercher. Reste Toni Collette, qui prouve un peu plus qu'elle peut briller où qu'on la mette.

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Lecteurs

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commentaires
Ced53
09/11/2022 à 12:00

C'est comme le "COVID Long" on y crois pas.

Stella
16/03/2022 à 23:29

Eh bien personnellement j'ai beaucoup aimé cette série...

Demosthene
16/03/2022 à 17:32

Je me suis endormie 3 fois devant. Ça veut tout dire. C'est vraiment du déjà vu. Dommage.

Ded
16/03/2022 à 13:43

Le véritable tour de force de cette série est d'avoir substitué à une montée en tension que justifierai une intrigue aussi "touffue" jusqu'à son climax final, l'énergie d'un marathon couru à reculons. Et qui culmine in fine au paroxysme d'un ennui à hurler. 45 minutes, depuis qu'il ont passé les cadènes au gros vilain méchant Nick (le spectateur !), d'auto-flagellation morale, de jérémiades lacrymales et d'échanges de regards de cocker, dépité qu'on lui ait changé ses croquettes préférées. 45 mn de scénario en état de mort cérébrale dans l'attente d'un hypothétique rebondissement, histoire de compenser un peu mes trois soirées perdues ! Las ! ça m'apprendra à me laisser encore tenter, à mon âge, par une proposition filmique sur le seul nom d'un(e) artiste...

Birdy en noir
16/03/2022 à 11:54

@ Kimfist : je peux passer 45min à chercher un truc à regarder et baisser les bras. Et c'est la même sur Amazon. Affligeant.

Pi
16/03/2022 à 05:04

Une série que j'ai lâché au second épisode tellement le personnage de la fille est stupide et les situations qu'elle provoque par son comportement sont téléphonées.

kimfist
15/03/2022 à 22:00

même avec un iPhone il y a plus de réglage pour l'étalonnage que dans toute cette série... je ne me laisserai plus avoir par les bandes annonce de Netflix...

Elles sont ou les séries comme "le jeu de la dame" ou "the haunting" ???

Le dernier bon programme que j'ai vue c'est "Sermont de minuit" et de l'eau à coulé sous les ponts depuis.

Et pourtant toute les semaines on à 5 tv nouvelas, 3 téléfilm érotico-policier, 1 Arlan Coben, et des truc coréen produit ou racheté pel mel...

Netflix avant c'était le nouveau HBO, maintenant c'est just une chaine de la TNT !

Vincent (the goat)
15/03/2022 à 15:43

J'adore Toni Collette!
Une actrice qui traverse les décennies en enchaînant films indépendants et de studios, tout genre confondu, avec brio.

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