The Boys : Diabolical - critique d'un malin plaisir sur Amazon

Arnold Petit | 7 mars 2022 - MAJ : 08/03/2022 00:25
Arnold Petit | 7 mars 2022 - MAJ : 08/03/2022 00:25

Après la déception de Love, Death & Robots sur Netflix, puis le calvaire de What If...? contrebalancé par la sympathique Star Wars : Visions sur Disney+, Amazon se lance à son tour dans la série d'animation anthologique avec The Boys : Diabolical, disponible depuis le 4 mars sur Prime Video. Et ce spin-off animé produit (et en partie écrit) par les créateurs de la série originale et de l'incroyable Invincible est une belle façon d'attendre la saison 3 de The Boys.

BLOODY TUNES

À l'heure où presque chaque saga, licence et franchise donne lieu à des spin-offs et séries dérivées plus ou moins oubliables qui permettent surtout aux studios d'exploiter une oeuvre à travers des déclinaisons aseptisées (en particulier dans le monde des super-héros), The Boys : Diabolical, comme le comics et son adaptation à leur époque, apparaît comme une anomalie dans le système, un objet à part. Et le contraste brutal entre les explosions d'hémoglobine et le ton enfantin du scénario et des dessins inspirés des Looney Tunes et des Animaniacs illustre parfaitement la folie visuelle et narrative par laquelle la série se distingue dès le premier épisode, intitulé La Balade de Bébé Laser.

Cette première saison de huit courts-métrages d'animation d'environ 12 minutes chacun raconte comment différents personnages, nouveaux ou familiers, ont vu leur existence bouleversée par les dérives de la toute-puissante société Vought, ses héros déséquilibrés ou son Composé V, qui permet d'acquérir des super-pouvoirs, mais surtout des emmerdes. Hormis quelques références et Un plus un égale deux, qui vient enrichir la mythologie en révélant les origines du Protecteur, les épisodes n'ont pas forcément de lien avec la série originale (seuls les trois derniers y sont rattachés selon Eric Kripke).

 

The Boys : Diabolical : photoIls sont presque mignons quand ils ne découpent pas les gens

 

Au lieu de présenter une version animée de ce qui a déjà été réalisé en chair et en effets spéciaux comme d'autres ont pu le faire, ces histoires inédites reprennent tout l'esprit irrévérencieux de la série-mère pour dévoiler une partie de son potentiel artistique grâce au pouvoir de l'animation. Une promenade entre plusieurs styles et genres qui permet de visiter des recoins de l'univers de The Boys restés inexplorés, en allant encore plus loin dans le drame, la violence et la méchanceté.

Et même s'il n'est peut-être lui aussi qu'un moyen pour Amazon de profiter du succès de son programme phare avant que Billy Butcher et sa bande retournent casser du super-héros, The Boys : Diabolical renferme tellement de passion, de sincérité et d'audace que son hypothétique opportunisme latent n'est plus qu'un détail à côté de tout ce qu'elle a à offrir : un peu de merde, mais plein de bonnes choses.

 

The Boys : Diabolical : photoNé dans le sang

 

HANNA-BARBARE

Comme dans la plupart des anthologies, la qualité entre chaque épisode varie et chacun continue de livrer une satire du capitalisme et des super-héros à sa manière, certains plus finement ou laborieusement que d'autres. Ce spin-off n'a pas la profondeur ou la pertinence de l'oeuvre dont il est issu et n'a pas vocation à jouer dans la même catégorie ou à réinventer quoi que ce soit.

S'il surprend et dépasse son statut de petit supplément forcé, c'est d'abord pour sa diversité et l'expérience fascinante qu'il propose. Chaque court-métrage, avec ses propres ambitions, s'empare d'un type spécifique d'animation, de ses codes graphiques, puis développe son récit et son atmosphère dans une liberté presque totale pour livrer des histoires toutes plus variées dans l'univers de The Boys.

Par facilité, certains versent avec complaisance dans le trash et la surenchère quitte à perdre en efficacité. Cependant, ces incursions animées dans le Vought Cinematic Universe (s'il fallait le nommer) servent aussi à aborder la parentalité, le divorce, la solitude, l'addiction, l'influence des réseaux sociaux et encore tout un tas de sujets moins légers qui restent bien présents derrière les organes qui volent et les malheureux avec des seins à la place des yeux.

 

The Boys : Diabolical : photoThe Host

 

John et Sunhee, le segment écrit par Andy Samberg et réalisé par Steve Ahn, est peut-être celui qui profite le plus de cette indépendance pour se détacher de The Boys Il pioche dans l'horreur asiatique et l'animation des studios Ghibli pour une histoire aussi touchante qu'inattendue autour du cancer, de la mort et du deuil. Même Les Meilleures Amies du Monde écrit par Awkwafina, le seul court-métrage qui peut être considéré comme raté, déborde d'idées visuelles, sauf quand il s'agit de manier l'humour scato aussi habilement que South Park. Heureusement, le format, parfois trop court, empêche les épisodes les moins réussis de s'éterniser.

Tour à tour, les designs, les décors et récits se succèdent, balaient les palettes de couleurs et le spectre des émotions en allant de la bande dessinée française à la plus traditionnelle adaptation de comics en passant par l'anime pour former un concentré de techniques et de styles qui peut être absurde et déroutant ou sérieux et poignant, mais toujours porté par une créativité et un respect qui transpire à chaque instant.

Plus qu'un simple spin-off, The Boys : Diabolical est aussi un bel hommage à l'animation, aux productions de Warner Bros. Animation, Scooby-Doo, Les Pierrafeu, Les Maîtres de l'Univers, La Ligue des justiciers, les films des studios et toutes ses oeuvres qui ont bercé les gamins d'hier et qui réconfortent les adultes d'aujourd'hui.

 

The Boys : Diabolical : photoMy Little Étron

 

CARTON NETWORK

Pour concocter cette lettre d'amour pleine de nostalgie, Seth Rogen, Evan Goldberg et Eric Kripke se sont entourés de Simon Racioppa, showrunner de la série d'animation Invincible, et d'une bande "d'esprits dérangés confus et tordus, qui par miracle, opèrent toujours dans l'industrie du divertissement aujourd'hui", comme le présente assez bien Amazon sur sa plateforme.

Des noms connus et reconnus, chacun dans un ou différents domaines, comme Eliot Glazer et l'actrice et scénariste Ilana Glazer, l'animateur et réalisateur Giancarlo Volpe, Christian Slater, Don Cheadle, Kevin Smith, Aisha Tyler, Kumail Nanjiani, Jason Isaacs, Kenan Thompson, Ben Schwartz, Youn Yuh Jung et des membres du casting de The Boys avec Antony Starr, Dominique McElligott, Chace Crawford, Giancarlo Esposito ou encore Elisabeth Shue.

 

The Boys : Diabolical : photoX-Nul

 

Afin que chaque style d'animation colle au mieux avec chaque histoire, ils ont également fait appel à différents studios à travers le monde tels que Titmouse Inc. (derrière We the People, le reboot des Animaniacs ou les passages animés de WandaVision et Loki, entre autres) ou encore les Français de Folivari pour concevoir l'épisode Boyd en 3D (qui ont travaillé sur les adaptations de Ernerst & Célestine ou le superbe Sommet des Dieux).

Cette impressionnante pluralité de talents contribue indéniablement à la richesse de la série, que ce soit au niveau des histoires, de l'esthétique ou encore du doublage. Un Court Métrage Animé dans Lequel des Super Bien Vénères Tuent Leurs Parents co-écrit par Justin Roiland est le résultat de la rencontre entre l'univers déjanté de The Boys et la folie douce-amère qui caractérise Rick & Morty.

Dans un autre genre, Je suis ton dealer adapte le comics de Garth Ennis et de Darick Robertson le plus fidèlement possible dans un épisode écrit par le scénariste lui-même, avec un Hughie qui a les traits et la voix de Simon Pegg, Jack de Jupiter et un niveau de violence, de cruauté et d'humour noir qu'aucune série de super-héros ne pourrait imaginer (ou simplement cautionner).

 

The Boys : Diabolical : photoRetour aux sources

 

Autant d'inspirations, de sensibilités et de personnes différentes réunies sur un même projet entraînent irrémédiablement un manque de cohérence flagrant qui peut être pointé comme un défaut, mais qui permet aussi à chaque court-métrage d'avoir sa propre identité, avec tout ce que ça implique de meilleur et de pire.

En attendant, dans l'ensemble, à côté de ce que les autres séries dérivées produites à la chaîne proposent, The Boys : Diabolical est une agréable surprise et un petit plaisir aussi régressif que réjouissant qui prouve, après Invincible, que l'animation n'est vraiment pas faite que pour les enfants. Et c'est tant mieux.

La saison 1 de The Boys : Diabolical est disponible en intégralité depuis le 4 mars sur Amazon Prime Video en France

 

 

The Boys : Diabolical : Affiche US

Résumé

Entre hommage sincère à l'animation et parenthèse jubilatoire pleine de sang et d'amour, The Boys : Diabolical fait tellement de bien aux séries animées et aux histoires de super-héros qu'elle dépasse ses quelques maladresses et facilités.

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Lecteurs

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commentaires
Numberz
07/03/2022 à 19:11

Personnellement a part le 3 et le 8 que j'ai beaucoup aimé et trouvé le 1,2 et 7, les 3 autres étaient complètement nazes. Assez déçu je mets 2,5/5 généreusement.

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