Yellowjackets : critique Sa Majesté des Guêpes sur Canal+

Lino Cassinat | 3 mars 2022
Lino Cassinat | 3 mars 2022

Même si Dexter : New Blood a apporté un succès d'audience historique à la chaîne Showtime, il ne reste plus grand chose dans l'écurie de la chaîne. Shameless est désormais terminée, et les programmes actuels passent largement sous les radars. Mais Yellowjackets, carton historique pour Showtime lors de sa diffusion outre-Atlantique, et débarquant sur Canal+, pourrait bien changer la donne, remettre sur le devant de la scène Christina RicciJuliette Lewis et Melanie Lynskey et révéler les talents de ses auteurs Ashley Lyle et Bart Nickerson, mais aussi celui de ses nouvelles actrices Sophie Nélisse, Jasmin Savoy Brown, Sophie ThatcherSammi Hanratty.

LE TRAIN AURAIT ÉTÉ PLUS ÉCOLO

Dans les années 90, une équipe lycéenne de football féminin se rendant à un match de championnat national s'écrase en avion au beau milieu de la nature. Pour celles et ceux qui parviennent à s'extirper de l'appareil, le plus traumatique est à venir : il faut maintenant survivre au beau milieu de nulle part, et le groupe ne tarde pas à devoir prendre des décisions extrêmes pour sa sauvegarde. Des choix qui auront un impact jusqu'en 2021, alors qu'une nouvelle menace vient pourchasser les rares personnes ayant pu rentrer à la maison.

Yellowjackets a beau sortir de quasi nulle part et avoir été créée par deux inconnus - Ashley Lyle et Bart Nickerson, dont le fait d'armes le plus notable jusque là est d'avoir participé à l'écriture de l'excellente Narcos -, cette nouvelle série originale de Showtime impressionne par la multiplicité et la complémentarité de ses sources d'inspiration.

 

Yellowjackets : photoQue des numéros 10 dans ma team

 

Au-delà du mélange improbable de Souviens-toi... l'été dernier, Sa Majesté des Mouches, du fameux crash d'avion de l'équipe de rugby d'Uruguay dans la cordillère des Andes et de l'habillage 90s charmeur avec une BO d'enfer, on retrouve des traces et des procédés de mise en scène issus de nombreux autres matériaux.

Un rappel de Misery parci, un rebondissement à la The Descent par-là, un peu de Midsommar, une multiplicité de timelines comme dans The Haunting of Hill House... les inspirations sont nombreuses et se mélangent harmonieusement. De quoi créer un récit qui, s'il n'a rien de révolutionnaire, a au moins le mérite de clairement se démarquer de la concurrence, et d'accrocher l'oeil et l'esprit dès le premier épisode, notamment par sa variété et sa diversité. Yellowjackets est avant tout un survival bien sale (on pense à Until Dawn), mais on y trouve aussi une enquête poisseuse, un teenage drama, quelques moments de délire ésotérico-mystique et même un peu de comédie noire.

 

Yellowjackets : Photo, Christina RicciMisty, infirmière infernale

 

Alors, c'est bien beau d'agiter des totems cinéphiles, mais évidemment là où Yellowjackets impressionne, c'est d'une part dans la maîtrise des nombreux codes utilisés par la série, mais aussi dans l'équilibre avec laquelle tout cela se mélange, se complète sans se marcher dessus ou se complaire dans une violence ou dans des références gratuites. Tout cela aboutit à un univers aussi ludique qu'effrayant, mâtiné d'images gores réjouissantes pour les affamés de l'estomac et de nombreuses finesses d'écriture pertinentes pour les affamés du cerveau.

Car, comme tout bon survival, Yellowjackets n'est pas qu'un combat contre une menace extérieure, et comme tout bon survival, cette série raconte aussi des rapports entre individus, mettant en exergue des dynamiques sociales et des valeurs morales. Comme un certain Dernier train pour Busan ou La Nuit des morts vivants par exemple, Yellowjackets s'attaque à nos préjugés sociaux, s'en prend à nos archétypes, et le fait d'assez belle manière, bien qu'avec moins de virulence que ses deux aînés. La timeline de 2021 notamment va chercher des profils peu représentés de femmes d'âge mûr et les éclaire sous un jour assez rafraîchissant, bien qu'assez sombre et désespéré.

 

Yellowjackets : photoNatalie, devenue une femme brisée

 

OUBLIE PAS TON GILET JAUNE

Le reste de la galerie de personnages n'est évidemment pas en reste, et qu'il s'agisse des chronologies de 1996 ou de 2021, chacune est habitée par une galerie de portraits prenants, incarnés par un casting absolument parfait. On reste notamment assez stupéfait par la cohérence de jeux entre jeunes et moins jeunes incarnant le même personnage. Les duos Melanie Lynskey-Sophie Nélisse et Christina Ricci-Sammi Hanratty notamment font des étincelles.

Mais Yellowjackets ne s'arrête évidemment pas en si bon chemin, sa maîtrise formelle va plus loin encore qu'une direction de casting réussie. On l'a dit et répété, la série est avant tout un survival, et en tant que telle, elle repose énormément sur sa tension à l'écran et son travail de réalisation. Et là encore, Yellowjackets excelle, alors même qu'elle compte dans ses rangs des cinéastes alternant entre les vétérans (Karyn Kusama, Eduardo Sánchez) et d'absolus inconnus (Eva Sørhaug, qui a réalisé trois épisodes).

 

Yellowjackets : photoJackie, capitaine en toutes circonstances

 

Grâce à une construction de la tension prenante et efficace,  les nombreux pièges de Yellowjackets tiennent en haleine, surprennent, émeuvent, révulsent, intriguent, et livrent bon nombre de scènes assez jouissives, déjouant souvent les attentes du spectateur. D'un entraînement de football à un entraînement de tir au pistolet, le gore dégoûtant n'est pas toujours là où on l'attend.

Cerise sur le gâteau : le montage. Les récits à tiroir rythmés par des allers-retours temporels peuvent parfois fatiguer, voire utiliser leur dispositif de mise en scène à de pures fins de rebondissements ou d'exposition pachydermique (coucou Lost, les disparus), mais Yellowjackets en fait une vraie arme narrative. Comme dans The Haunting of Hill House ou True Detective, chaque timeline s'éclaire l'une l'autre, crée des effets de rimes et de sens qui rythment le récit et apportent un sentiment de hantise, d'inéluctabilité funeste... mais aussi une petite pointe de frustration.

 

Yellowjackets : photoLe scoutisme a bien changé

 

SA MAJESTÉ SE TOUCHE

Car Yellowjackets a tout de même des défauts, et le principal d'entre eux est sa longueur. Même si l'ensemble reste très satisfaisant et qu'on recommande globalement de se pencher sur Yellowjackets, la série a comme un petit problème de carburant narratif, et témoigne déjà d'une légère tendance à tourner en rond et à se répéter dans son dernier tiers. Assez visiblement, dix épisodes étaient de trop, et on aurait peut-être préféré une durée plus courte pour un contenu plus dense.

C'est notamment la chronologie du présent qui en souffre le plus, puisque pour ne pas gâcher le scénario de la chronologie du passé, elle est obligée d'avancer à petits pas. Ce qui est en soi sympathique de sa part, mais la rend moins passionnante à suivre et surtout la pousse mécaniquement à faire du surplace en plus d'étirer son mystère plus que de raison.

 

Yellowjackets : photoSa Majesté des Mouches, une inspiration claire

 

Au fur et à mesure, chaque coupe nous ramenant au temps présent est accueillie avec un petit soupçon de tristesse, tant le temps passé a pour lui les scènes les plus marquantes, tant d'un point de vue émotionnel que d'un point de vue sensoriel. Si le temps présent recèle évidemment quelques pépites, il verse aussi dans la redite et offre à voir beaucoup de personnages qui parlent, mais se traînent et ne font pas grand-chose à part se vautrer dans une surenchère de révélations et retournements.

On pourrait se contenter d'en faire un simple et excusable problème de rythme, mais en réalité ce défaut nourrit une certaine inquiétude en notre for intérieur : Yellowjackets ayant déjà été renouvelée pour une saison 2 et affichant plutôt l'intention de se déployer, on se demande ce qu'elle va bien avoir à raconter pour la suite. Malgré la fin non conclusive de la saison 1, toute la substantifique moelle de l'histoire semble avoir déjà été racontée, et on regretterait que Yellowjackets se vautre dans une avalanche de péripéties inutiles et artificielles pour retarder inutilement sa conclusion. Ce n’est pas comme si Showtime avait déjà fait le coup avec Dexter...

Yellowjackets est disponible en intégralité sur MyCanal depuis le 3 mars 2022

 

Yellowjackets : Affiche française

Résumé

Pot-pourri d'influences ludique et effrayant, Yellowjackets impressionne par sa maîtrise formelle, son jeu sur les codes narratifs et sa qualité d'écriture. Mais sa tendance à délayer la sauce inquiète légèrement pour le futur et fait craindre un essoufflement pour la saison 2. On verra bien, mais on espère que les auteurs ont un plan précis pour le futur, sinon une mini-série aurait suffi.

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Lecteurs

(3.1)

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commentaires
Professor D.P.
04/05/2023 à 10:21

Fuck ! Je ne la regarde que maintenant '
Peut être un casting trop féminin m'avait l'an passé rebouté'.
Mais je suis pas mal satisfait de ce que je vois'
Très bon casting,ça c'est sur'.Certaines actrices on les connait depuis l'enfance (la famille Adams ou Casper)

Mais franchement what a fuck thoses bitches are doing ??!
Incroyable comment elles sont complètement folles '' et font importe nawak'
Même si très frustrant de ne pas pouvoir 'les remettre à leur place lol' cette série est prenante et le timeline est casi parfait.
Je ne la comparerai pas aux séries Boss' tel True Detectiv ' Lost' ou autres , n'arrivant pas bien sûr à la hauteur mais s'il n'y a plus rien à regarder (à part la S2 de From) je la conseille volontiers.
Dès que j'ai vu une 3saison' je supposais que ça aller tourner un peu' en rond mais ya trop souvent où je suis déçu de séries trop trop courtes(6 ou 8ep).
En tt cas si Kate' était là elle aurait pu sûrement mieux les aider qu'elles mêmes,car ttes pr moi sont des nulles..
Avis perso .
Bon visionnage de cette série showtime '

Elles ont même trouvé le temps de se maquiller
21/03/2022 à 16:02

Dommage que tout sonne faux dans cette forêt ... L'impression de voir un film d'aventure des années 50.

Lord Sinclair
15/03/2022 à 10:33

J'ai bingé en 2 jours, grâce à ce merveilleux COVID qui m'a cloué tout le weekend end.
J'ai beaucoup aimé le début : toutes les références sont digérées, le déroulé est malin, et les actrices sont absolument parfaites. Et je pensais qu'il n'y avait qu’une saison...
Et j'ai bien eu l'impression de m'être fait enflé à la fin.
ATTENTION SPOILERS !!
Car la seule référence pas digérée c'est Lost. Ca pue le lost à plein nez, avec une une historie qui ne saura pas au final ou elle va, avec des nouveaux personnages et un autre rebondissement pété à la fin de chaque saison. Dans la 2 on en saura un peu plus sur la secte. D'autres membres du groupes apparaitront. A la fin on découvrira que l'avion ne s'est pas écrasé là par hasard.
Dans la trois on soupçonnera un mystère encore plus grand. Et à la fin de la saison on comprendra que l'on s'achemine vers l'apocalypse et que les filles sont la clefs.
Et ainsi de suite jusqu'à écœurement....
Après avoir trouvé ça super et voulu la conseiller à mes amis, finalement, j'en suis dégouté et ne la conseillerai pas... J'en ai marre de cette industrie qui ne sait plus finir une histoire...

Z3r0
09/03/2022 à 10:18

Série palpitante, on à hâte de découvrir ce qui s'est réellement passé durant ces 19 mois. Qui a survécu ? Qui est la jeune fille qui meurt dans le pilote même si son collier laissait supposer qu'il s'agissait de Jackie finalement morte de froid lors de l'ultime épisode...à moins que.
Du coup on est forcément déçu de devoir attendre 1 an pour voir la suite. L'intrigue qui se passe au présent est quand à elle assez molle et tirée par les cheveux. S'ils prévoient 5 saisons cela risque de faire long. Mais j'espère être surpris.

JR
03/03/2022 à 20:15

Ça aurait pu faire une superbe mini série en une saison. Intro vraiment sauvage. Ambiance tenace...
J'ai beaucoup aimé... Mais.

Crakers
03/03/2022 à 19:53

Tu attends toute la saison qu'il ce passe quelque chose et au final et bien ça fait pshitt ... A regarder pour Juliette Lewis et surtout Christina Ricci qui est incroyable sinon c'est vraiment pas foufou

Hank Hulé
03/03/2022 à 18:16

En phase avec cette critique. Ça dilue pas mal mais c'est très efficace.
Ricci est top.
On dirait du Lost et on espère que ça va pas se vautrer sur la suite.

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