Le Cuphead Show ! : critique dont c'est la tasse de thé sur Netflix

Rétrofriandise

Techniquement, Le Cuphead Show ! est superbe. Animation fluide, character design fonctionnel et fidèle à la série, il est très difficile de ne pas retrouver dans cette adaptation l'étoile qui brillait dans nos yeux en découvrant le jeu. Pour rappel, le jeu Cuphead raconte l'histoire de deux frères, Cuphead et Mugman, qui sont des enfants espiègles à la tête en forme de tasse.

Lorsqu'ils échappent à la surveillance d'Elder Keetle (une vieille bouilloire au caractère bien trempé qui les inonde de corvées auxquelles ils essayent par tous les moyens de se soustraire), Cuphead perd son âme en jouant au casino tenu par le Diable. Ils acceptent donc d'aller chasser les âmes d'autres victimes du Maléfique (qui seront les fameux boss du jeu) à l'aide de leurs doigts qui tirent des lasers, grâce à l'ingestion d'une potion donnée par Elder Keetle.

LE meilleur épisode de la série, qui va susciter des vocations en animation

On suppose que la présence des frères Chad et Jared Moldenhauer (fondateurs du studio MDHR à l'origine du jeu) en tant que producteurs exécutifs a permis de mobiliser pour les besoins de la série les influences immédiates du jeu. Concrètement, il s'agit d'une animation semblable à ce qu'on trouve dans le cartoon des années 30, particulièrement chez Walt Disney ou Max Fleischer.

En outre, la colorimétrie un peu plus criarde que le cartoon traditionnel permet de donner cette saveur rétro, mais également éclatante à l'ensemble des personnages de la série. On appréciera aussi de voir le retour de l'animation stéréoscopique qui permet par exemple à l'épisode 6 de faire évoluer les deux frères et leur modèle 2D sur un décor en 3D.

Il y a de très bons épisodes dans la série à l'instar de celui dans le cimetière

Video killed the radio stars

Autre très bonne surprise de ce Le Cuphead Show ! : les acteurs, ou en tout cas, les doubleurs. Cuphead, c'est ce genre de cartoon loufoque où une théière peut se battre contre un bouledogue en jurant comme un charretier des années 30. Et quand il faut interpréter des personnages très caricaturaux, il ne faut pas hésiter à donner de la voix pour être "over the top".

Si Tru Valentino et Frank Todaro fonctionnent bien dans le duo de tête, impossible de ne pas mentionner Joe Hanna en Elder Keetle, Luke Millington-Drake dans le rôle du Diable ou encore l'excellent Wayne Brady en King Dice. Ces trois personnages parviennent à servir les moments de comédie musicale comme les gags avec légèreté.

Personnage secondaire le plus sexy, King Dice, sans l'ombre d'un doute

On aurait pu craindre que la série ne parvienne pas à capter la singularité du jeu. Logique quand on passe d'un run and gun nerveux mais jazzy à une série d'animation cartoonesque. La musique était un élément essentiel de l'ambiance cartoon des années 30 avec ce jazz entraînant et rétro. Cet aspect est encore une fois très bien capté par Le Cuphead Show ! qui mélange des pistes issues du jeu et des créations originales.

On observe aussi certaines fulgurances comiques qui fonctionnent bien lorsqu'elles sont servies par des pistes comme la Chevauchée des Walkyries de Wagner. Voir une vieille théière se gaufrer dans un piège à ours qu'elle a elle-même posé en pensant que ses petits-enfants allaient la tuer sur l'une des pistes classiques les plus puissantes de l'histoire du compositeur allemand, ça n'a pas de prix.

Les décors jouissent aussi d'un côté terne qui rappelle les meilleurs cartoons de Fleischer

Histoire sans lendemain 

Ce qui a un prix, par contre, c'est apparemment d'avoir une intrigue cohérente, ou plutôt une intrigue tout court. Le Cuphead Show ! propose une douzaine d'épisodes, dont la durée dépasse rarement les 11 minutes. Une bonne partie de ces épisodes sont des standalone (comprendre des épisodes qui n'ont pas ou peu de rapport avec la trame et qui peuvent se regarder de manière autonome), dont le seul fil rouge est d'échapper au Diable, qui a gagné l'âme de Cuphead dans un jeu de forain.

Sauf que dans le jeu, les pérégrinations de Cuphead et Mugman ont un sens. Avant de laisser le choix ultime au joueur de se rebeller contre le Diable ou de le rejoindre, les deux personnages voyagent et affrontent des boss pour récupérer leur âme et l'offrir en pâture au seigneur des ténèbres. Ici, le Diable est un personnage plutôt secondaire, même si très drôle et affublé de quelques moments de comédie musicale plaisante.

En ressort ainsi le sentiment de regarder pour le meilleur et pour le pire un cartoon, ni plus ni moins. Sauf que Le Cuphead Show ! n'est pas, malgré toute sa beauté plastique, au niveau des standards du genre.

Quand on a vu le cliffhanger de fin de saison

Pire, la série commet l'erreur d'injecter le début d'une trame dans son épisode final en nous laissant sur un grossier cliffhanger pouvant annoncer une suite, ou servir la sortie future du DLC de Cuphead, The Delicious Last Course, qui introduira un personnage présent dans la série. C'est un effet d'annonce plutôt malvenu dans une série trop légère en trame et trop lourde en épisodes standalone.

Attention, nous n'avons rien contre les épisodes autonomes, c'est une excellente façon de rendre épais un univers ou de permettre aux spectateurs de se poser tout en découvrant des personnages ou des situations, et il est possible, à l'instar d'un Cowboy Bebop ou d'un Steven Universe de raconter beaucoup de choses sans être un feuilleton. Le Cuphead Show !, par contre, tend à ne rien raconter.

Le character design est par contre au sommet

Jeux d'enfants

Un reproche à propos duquel on a envie de doubler la mise, puisqu'une part intégrante de l'inspiration du cartoon des années 30 du jeu original tenait dans des allusions nombreuses aux jeux, à l'alcool ou encore à la sexualité. Par exemple, si Cuphead est un enfant espiègle, il perd dans le jeu original son âme en allant parier au casino. De King Dice au Diable lui-même, Cuphead simulait le caractère moral du cartoon traditionnel qui entendait apprendre aux enfants les bonnes manières en leur montrant de méchants démons ou parieurs.

Et si les deux frères sont complices comme cochons, ils sont aussi irrémédiablement cupides, gourmands ou encore paresseux. Des vices qui les amènent souvent à se faire chahuter par quelques visages connus de la franchise Cuphead pour notre plus grand plaisir. Plaisir qu'on aurait aimé, en définitive, voir s'articuler autour d'une vraie trame et donner envie d'en savoir plus.

Par contre, les voir tremper un cookie dans leur propre lait est un gag inépuisable

En l'état, l'absence d'enjeux condamne la série à être une crème glacée. Agréable en quantité raisonnable, il ne faudra pas en abuser, et réserver cela aux plus grands amateurs du genre, qui ne seront ni les enfants, qui iront probablement vers des cartoons plus classiques et mieux calibrés, ni les adultes, qui lui préfèreront Hilda, La Forêt de l'Étrange ou encore Steven Universe. Reste donc les fans des jeux dont la série sera définitivement la tasse de thé.

Le Cuphead Show est disponible depuis le 18 février 2022 sur Netflix