Archive 81 : critique de la dernière VHS de Netflix

Mathieu Jaborska | 19 janvier 2022 - MAJ : 19/01/2022 22:47
Mathieu Jaborska | 19 janvier 2022 - MAJ : 19/01/2022 22:47

En toute discrétion (jusqu'à ce qu'elle s'immisce dans le top 10 de la plateforme), une production de James Wan vient de débarquer sur NetflixArchive 81, série en 8 épisodes, supervisée par Rebecca Thomas (The Boys, Vampire Diaries) et Paul Harris Boardman (Urban Legend 2, Hellraiser V, L'exorcisme d'Emily Rose, Délivre-nous du mal, bref, que des classiques), interprétée par Mamoudou AthieDina Shihabi et même Martin Donovan. Un récit qui se voudrait inquiétant, mais qui pâtit d'un manque d'ambition visuelle flagrant.

Found footage

Archive 81 est tirée d'un podcast créé par Daniel Powell et Marc Sollinger en 2016, podcast habile, puisqu'il met en scène un archiviste chargé de classer et numériser de vielles cassettes audio, nous laissant écouter l'objet de son travail et la manière dont il s'insinue dans sa propre réalité. L'exercice d'adaptation est fascinant : la série ajoute l'image au son. Dan, ici incarné par un Mamadou Athie plus enclin à jouer la perplexité des débuts que l'émotion de la fin, devient un défricheur de VHS fan de Tarkovski et d'Harryhausen, engagé pour restaurer les images tournées au caméscope par une femme nommée Melody Pendras (Dina Shihabi) dans les années 1990.

Les premières minutes de la série insistent timidement sur ce changement de médium. Fort d'un rythme assez lent, le pilote donne à voir le travail de restauration, qu'il cadre en gros plan avec une attention inattendue. En queue de comète d'une obsession générale du cinéma d'horreur pour le pouvoir des tournages amateur, s'étalant de Ring à la mode du found footage, Archive 81 parviendrait-il à capter l'inquiétude qui peut émaner du processus de résurrection de l'image, de la manière dont la vidéo domestique peut nous perturber (une bonne partie de la série consiste à montrer Dan s'infliger le visionnage des rushs de Melody) ? Pas du tout.

 

Archive 81 : photo, Mamoudou AthieC'est facile, en fait

 

Certes, ces 8 épisodes s'amusent à progressivement mêler les deux réalités, celle de Dan et celle de Melody, en faisant un peu déborder les flashbacks en dehors des moments où celle-ci filme, mais ils ne se préoccupent très vite plus du tout de l'aspect visuel du récit. Un comble, pour une série qui prétend justement nous montrer ce que le podcast diffusait ! Dès que Dan entre dans le bâtiment où il va passer la majeure partie de son temps, les quelques bonnes idées de réalisation esquissées sont évacuées pour mieux suivre aveuglément les rails de l'intrigue.

L'implication du processus de restauration, pourtant aussi passionnant que potentiellement flippant, disparait complètement. Notre héros, collé à sa chaise, lit automatiquement les enregistrements pour faire avancer l'histoire, et même quand le scénario fait référence à des codes esthétiques très précis, il n'en fait rien. La mention du snuff movie, légende urbaine qui recoupe directement ses thématiques, n'est par exemple qu'un bête ressort narratif, de même que l'évocation d'une série à sketch (La Quatrième Dimension et son inquiétante étrangeté sont explicitement citées) qui obsède Dan n'apporte rien à l'atmosphère générale. Et ce ne sont pas les courtes introductions d'épisode qui convaincront du contraire.

 

Archive 81 : photo, Dina ShihabiEt cette manie de filmer en toutes circonstances...

 

SOYEZ SYMPA, REMBOBINEZ

Forcément, le cinéma d'épouvante étant un art visuel, l'ambiance inquiétante revendiquée peine à inspirer le moindre frisson. Cette maladie qui empoisonne le fond de tiroir des services de SVoD, la peste du tout narratif, témoigne surtout d'un mépris profond pour leurs spectateurs et pour les genres traités. Les rares scènes de tension tombent systématiquement à l'eau, ne reposant dans la première moitié que sur un jumpscare sonore prévisible, dans la deuxième sur un effet spécial hideux et un design tristement générique.

Tout ce qui devait être dévoilé par l'aspect visuel de cette adaptation semble traité par-dessus la jambe, à commencer par la description du double huis clos dans lequel se déroule la majorité de la saison. Le fameux Visser en particulier, presque un personnage à part entière, déçoit largement. Non seulement il manque cruellement d'identité, y compris dans ses parties les plus secrètes, mais jamais la mise en scène ne tente de le rendre un minimum cohérent (la gestion de l'espace est aux abonnés absents), ou même un tant soit peu inquiétant.

 

Archive 81 : photoUne idée intéressante sans réel développement

 

Il ne reste donc plus que l'histoire originale, racontée avec conviction, sur un rythme métronomique et sans surprise, si ce n'est au détour de quelques cliffhangers efficaces, contredits parfois l'épisode d'après. Même en faisant l'impasse sur quelques approximations (l'excuse des cassettes à manipuler sur place ne tient pas plus de quelques secondes à partir du moment où Dan les utilise à sa guise) et quelques idées prétentieuses (les références à Dante), elle n'est même pas assez palpitante pour justifier de reposer à ce point la rétine, tant elle pioche ici et là des concepts fantastiques sans trop ménager leur apparition ou même les convoquer avec originalité. 

Le peu de mystère est lentement et progressivement éclairci (certains flashbacks sont très longs), comme pour respecter le contrat d'adaptation. Sur la fin, le développement est si laborieux qu'un des personnages secondaires-fonction est forcé de tout récapituler au ralenti. Un bel aveu d'échec pour une série qui avait tout pour se démarquer (le dernier plan composé prouve qu'il y avait du potentiel), mais qui restera finalement quelconque.

Archive 81 est disponible sur Netflix en France depuis le 14 janvier 2022

 

Archive 81 : Affiche officielle

Résumé

Archive 81, comme nombre de ses congèneres, échoue à dépasser l'exercice narratif, alors qu'elle avait justement pour mission de se créer une identité visuelle.

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Lecteurs

(3.9)

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commentaires
quarta di copertina
29/07/2022 à 10:42

.. je ne trouve pas la série aussi mauvaise.. je suis d'accord avec vous.. le chapitre pilot c'est ça qu'on espérait.. ce travaille sur la découverte.. récupération de perles perdues.. en tout cas.. je vois un hommage au cinéma indépendant école de new york.. on cite cassavettes.. ce maniérisme visuel de certains films freaks.. l'étrangeté au goût cinéphile.. delicatessen pour beatniks nostalgiques.. merci pour l'analyse et vos commentaires..

Boldboi
30/03/2022 à 15:44

Je vous trouve un peu dur pour le coup!
En effet tout ce que vous dites est vrai à mon sens. Reste que malgré tout, c'est efficace, c'est mystérieux et on ne voit pas toujours vers quoi on se dirige. Certes c'est grand public mais ça se bingewatch! La preuve en est, les critiques sur IMDB (pas une référence nous sommes d'accord) sont bonnes.

Mazam
23/03/2022 à 21:33

Est ce que le traducteur a changé en cours de route ? A partir du milieu de la série, les "putain" s'enchainent non stop. J'ai fini par décrocher à cause de ça. Fucking traductor !

toojee
18/02/2022 à 10:48

Juste une correction : c'est Mamoudou pas Mamadou (dans le texte)...

Miss M
02/02/2022 à 13:42

@Laurent SFN : idem, j'ai besoins d'éclairages sur cette séquence de l'épisode 3 !

Quel ennui cette série...C'est souvent mal joué (la monoexpression de Dan devant son écran chaque fois que quelque chose le "scotche", la bouille de Princesse-Sarah-fragile-sourcils-accent-circonflexe de Melody,... ), c'est parfois excessif (un "snuff movie" cette vidéo dégueu d'un bout de cérémonie occulte avec "juste" une gorge tranchée, really ???) et ça ne fait pas du tout peur.
Je crois que ça m'a même arraché un rire en voyant la créature sortir de l'écran. Bon sang... on aurait dit un vieil épisode d'Au-delà du réel !
Par contre l'ambiance sonore est plutôt très bien réussie.
Mais si saison 2 il y a, ça sera sans moi.

Neji
23/01/2022 à 17:59

C'est d'un ennui, un puits sans fond un tunnel sans fin, après 3épisodes j'ai fait un coma.
Ok il y a des références mais le but d'un cinéaste c'est souvent de les transcender, les réinventer , les sublimer .
Et ça sent la fin à la con total.
Je pense avoir gagner des points de vie en arrêtant au 3e épisodes c'est tout pour moi.

Draca
23/01/2022 à 01:14

La fin n'a aucun sens.... Je pensais être surpris à la fin... Et rien... Et loin d'être une série d'horreur !

Laurent SFN
22/01/2022 à 01:36

Critique sévère mais néanmoins juste sur certains points. Cependant, j'écris ce commentaire car il y a quelque chose que je suis visiblement le seul à ne avoir compris.

SPOILER

Dans l'épisode 3, Mark, le pote podcaster de Dan retrouve Melody. Celle-ci, gravement brûlée, lu explique que c'est bien elle sur les cassettes, mais que tout est mythonné, à la manière de Blair Witch. Elle feint l'amnésie quand Mark tente de lui tirer les vers du nez à propos du Visser. Cependant, lorsque Mark est au téléphone avec Dan, il lui rétorque que Melody est bien morte, et que la femme qu'il a vu a extorqué son identité. Mais ce n'est pas très clair, on pourrait plutôt croire que Mark a inventé cette histoire d'identité volée pour ne pas dire à son ami que Melody est bien vivante et vit "cachée". si quelqu'un pouvait m'aider à interpréter cette séquence...

Night
21/01/2022 à 21:31

Je suis le seul que ça choque le caméscope qu'elle a depuis deux ans... Donc en 92 car le film se passe en 94 pour melody.. Un super 8 lcd de la marque sony...?

Alfred
21/01/2022 à 16:01

Le seul point "positif" de cette série, c'est qu'on enchaine les épisode – qu'on peut regarder d'un œil distrait –juste "pour savoir".
Pour le reste, rien ne fait sens, mais surtout rien ne fait peur Un comble pour une série d'horreur.

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