Plan Cœur Saison 3 : critique du miraculeux massage cardiaque de Netflix

Simon Riaux | 3 janvier 2022 - MAJ : 03/01/2022 18:07
Simon Riaux | 3 janvier 2022 - MAJ : 03/01/2022 18:07

Jusqu'à présent, Plan Cœur s'apparentait à une forme de torture particulièrement sophistiquée, qui aurait pu pousser n'importe quel trafiquant d'armes respectable à envisager d'écouler son stock dans le ciel parisien. Peut-être parce qu'il faut souffrir pour être belle, la troisième saison de la série Netflix tire miraculeusement le meilleur de l'actualité récente.

LA BOULE DE NOËL 

La première saison ressemblait à un mauvais film dilaté à l’extrême, quand la deuxième se débattait avec des enjeux trop faméliques pour maintenir une quelconque forme d’intérêt. Quant à l’épisode spécial évoqué plus haut, il tombait dans le piège de la chronique confinée, fond de cuve narratif pour scénaristes sans imagination et véritable repoussoir à spectateurs. Dès lors, on se rendait au-devant de cette ultime saison comme la vache au taureau un matin de Toussaint. Preuve qu’il ne faut jamais rien tenir pour acquis, pas même la médiocrité. 

Des enjeux. Il n’en fallait pas plus pour que les personnages retrouvent un peu d’épaisseur. Mieux. Des enjeux faussement banals, faisant malicieusement écho à ce qu’ont traversé des millions de français ces derniers mois. En effet, une crise sanitaire ainsi que ses conséquences éprouvantes sont passées les protagonistes de Plan Cœur, et décrire le quotidien foireux de trentenaires parigots ne revêt plus tout à fait le même sens, après la gueule de bois généralisée qui s’est abattu tant sur eux que sur leur public. 

 

 

Plan Cœur Saison 2 : photoLa Nuit des masques

 

Un burn-out de médecin, une grossesse qui ne vient pas, une autre qu’on désire autant que la gangrène, la maladie, une dépression dont personne n’a la clef, et un exil rural vécu comme un renoncement plutôt qu’un nouveau départ... Tout ce petit monde est éprouvé, et jamais brossé dans le sens du poil par le récit. Dans ce contexte, le point de départ de ces nouveaux chapitres éclaire chacun sous un jour nouveau. Alors que le groupe vient d’éclater, pour la première fois, les dissentions entre ses membres paraissent bien réelles et pas articulées pour générer des conflits artificiels. 

 

 

Plan Cœur Saison 2 : photoSissi face à son destin

 

BEAU COMME UN CAMION 

Par conséquent, plutôt qu’un concours de punchlines frelatées, on assiste à la délicate naissance de l’émotion. Chaque personnage a droit à un arc narratif en propre, et au gré de ces six épisodes, on se surprend à éprouver pour eux une tendresse véritable. Malgré une présence à l’écran limitée, Syrus Shahidi ainsi que Tom Dingler surprennent en colocataires d’infortune, l’un désormais incapable de retrouver sa vocation de soignant, le second échouant à recoller les morceaux de son cœur. Et regarder ce dernier, se construire piteusement une cabane de fortune au fond d’un jardin amical, s’avère d’une amertume aussi inattendue que perçante. 

Bien aidée par une écriture qui ne la contraint plus à jouer les volcans cocaïnés, Sabrina Ouazani rappelle son talent à notre bon souvenir, et va jusqu’à éclabousser de son charisme Zita Hanrot et Joséphine Drai, lesquelles se débattent encore avec des dialogues conçus pour les martyriser. C’est peut-être ce qui restera l’échec évident de Plan Cœur : son incapacité à caractériser correctement une héroïne décrite comme une insupportable gourde, la faute à un scénario confondant maladresse et gaucherie, candeur et niaiserie, gaffe et trépanation. 

 

 

Plan Cœur Saison 2 : photoUn arbre, ça tronc énormément

 

Et si durant presque quatre épisodes, on s’étonne de trouver enfin un peu d’humanité au sein de ces parcours soudain moins prévisibles qu’à l’accoutumée, la magie n’opère guère plus longtemps qu’une bonne résolution de poivrot. Il faudra malgré cette réussite temporaire supporter un récit encadré par deux épisodes d’une effarante médiocrité, notamment une conclusion qui joue les contorsionnistes pour esquiver tous les écueils dramatiques semés avant elle.  

Il est bien dommage que la série, qui avait parsemé son avant-dernier chapitre de propositions fortes, voire fantasques, doublées d’authentiques aspirations tragiques, recule ainsi pour ne pas froisser ses spectateurs. Stérilité, mélancolie, tumeur, et autres drames intimes sont ainsi vaporisés grâce à un montage globalement paresseux et grossier, qui ne pourra ravir personne, tant il étouffe de belles émotions en devenir. De même, il faudra tolérer la facture technique de l’ensemble, une nouvelle fois triste comme un jour sans pain, à coup de photographie grisâtre, de découpage flottant et de montage arythmique. 

 

 

Plan Cœur : Affiche officielle

Résumé

Nos héros en ont tous bavé, et les épreuves nées d'une crise sanitaire imprévisible ont fait grand bien à une série qui a enfin quelque chose à raconter (à défaut de savoir le filmer).

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commentaires
Madolic
04/01/2022 à 09:50

@JR
Je confirme

JR
03/01/2022 à 21:08

@Simon
Bonne année a vous et a la rédaction. Je dois avouer qu'au lieu de vous infliger ca, même si vraisemblablement ce n'était pas si pire, je vous aurais conseillé volontiers "only Murders in the building", bien surprenante et agréable.

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