Emily in Paris saison 2 : critique (et jeu à boire) du navet Netflix

Antoine Desrues | 23 décembre 2021 - MAJ : 11/01/2022 11:02
Antoine Desrues | 23 décembre 2021 - MAJ : 11/01/2022 11:02

Si la critique comme le public se sont empressés de tirer sur l'ambulance, Emily in Paris a néanmoins été l'un des succès surprise de Netflix en 2020. Malgré l'indigence de sa fabrication, et sa vision hautement stéréotypée de la vie dans la capitale française, la série de Darren Star s'est imposée comme un événement à la médiocrité assumée, autant par ses détracteurs les plus véhéments que par ses spectateurs les plus conciliants, ayant trouvé un réjouissant plaisir coupable. La saison 2 arrive-t-elle à se hisser au même niveau... ou à creuser toujours plus profond dans les abîmes de l'aberration ?

Baguette, béret, marinière...

Alors que Netflix, et la SVoD en général, prétend amener une révolution dans la manière de façonner et de raconter un récit sériel, Emily in Paris semble nous ramener des années en arrière. Avec ses plans statiques, sa photographie inexistante, et son montage géré par des chimpanzés manchots, nous voilà de retour à l'époque des soap-operas les plus fauchés, torchés dans de vieux studios avec un sens de la dramaturgie proche de l'encéphalogramme plat.

Pourtant, dès sa saison 1, le retour poussif de Darren Star (le créateur de Sex and the City) a eu pour lui un budget visiblement confortable, d'autant que sa série a pu s'amuser à réellement tourner dans les rues de la capitale de la gastronomie et du cinéma (sic). Mais cela ne suffit pas, et Emily in Paris préfère bazarder l'or entre ses mains pour une fabrication des plus fainéantes, où même la plus petite scène ne peut être assemblée à une autre sans un vieux plan de transition sur la ville, de préférence pris par un drone mal stabilisé.

 

Emily in Paris : photo, Lily CollinsEquipe mayo

 

Peut-être que cette dimension archaïque et anachronique justifie en partie le succès improbable de la série. Quoi qu'il en soit, il suffit de quelques secondes à cette nouvelle fournée pour nous rappeler toute l'horreur qui avait défini sa grande sœur. La charmante Lily Collins, que la mise en scène voudrait transformer en Audrey Hepburn moderne, ne peut pas sauver à elle seule ce naufrage, surtout lorsque son personnage se montre plus tête à claques que jamais.

Aussi nulle puisse-t-elle être, la saison 1 d'Emily in Paris avait au moins pour enjeu central une héroïne qui avait à faire ses preuves dans l'agence de marketing où on l'a envoyée. La vision des réseaux sociaux était certes issue du point de vue d'un service gériatrique, mais la narration jouait au moins de ses péripéties plus ou moins ubuesques, et des idées de communication simplistes de sa protagoniste.

 

Emily in Paris : photo, Camille Razat, Lily Collins, Philippine Leroy-BeaulieuLa garde-robe d'Ecran Large

 

Tour Eiffel, Versailles, Champs-Élysées (mot compte triple !)

Malheureusement, sa suite peine à nous offrir ce même plaisir nanardeux. Coincé dans son triangle amoureux insipide entre Emily, son amie Camille et le petit ami de cette dernière, Gabriel, l'ensemble se perd dans un imbroglio de dilemmes dignes d'une telenovela. Il faut attendre l'épisode 4 pour que la mayonnaise du grand n'importe quoi reprenne un peu, et délivre à lui seul certains des plus grands moments de gêne de la série. Entre un montage hallucinogène autour de la cuisson d'un poireau et une tentative d'hommage à un classique de François Truffaut, Emily in Paris lâche de manière sporadique les chevaux, sans pour autant parvenir à nous laisser bouché bée par son accumulation de clichés mal agencés comme sa première mouture.

Alors bien sûr, on pourrait de nouveau s'exaspérer devant le normativisme de sa xénophobie et de sa méconnaissance portée en étendard, mais l'hyper-réalité dépeinte par la série n'est jamais aussi aberrante qu'auparavant, la faute à de nombreuses critiques vraisemblablement écoutées par les producteurs. Résultat, Emily in Paris se transforme en produit plus formaté que jamais, débarrassé (ou presque) d'une folie insouciante qui faisait de sa saison 1 un accident industriel fascinant.

 

Emily in Paris : photo, Lucas BravoUn plat pas vraiment à l'image de la série

 

À vrai dire, cette tristesse ne fait qu'accentuer sa fabrication je-m'en-foutiste, allant de son absence de rythme comique (aucune blague ne fait mouche) à ses enjeux narratifs désincarnés, pour la plupart réglés en quelques minutes. Si Emily in Paris reflète le futur de la série made in Netflix, il représente une négation terrifiante du savoir-faire créatif, un trou noir de narration et de mise en scène qui ne cherche même plus à prétendre être autre chose qu'un objet de consommation inoffensif, oublié dès la fin du visionnage.

Face à un tel nivellement par le bas, la critique a peut-être besoin de se mettre au niveau. C'est pourquoi, plutôt que de bêtement énumérer les défauts les plus évidents et agaçants de cette salve d'épisodes, on a décidé d'exprimer notre souffrance autrement, tout en aidant les futures pauvres âmes qui se risqueront devant la chose. Après tout, si la série s'assume comme un bingo des clichés sur la France et le milieu du luxe, autant faire de même, avec un jeu à boire essentiel pour rendre l'expérience de cette saison 2 un tant soit peu soutenable et rigolote. Allez, c'est cadeau !

 

Emily in Paris : photo, Lily Collins, Lucien LaviscountIl est 5 heures, Paris s'endort d'ennui

 

Jeu à boire spécial Emily in Paris saison 2

 

La règle est simple : boire une gorgée d'alcool chaque fois que l'un des éléments suivants apparaît ou se déroule à l'écran :

• Emily porte des gants de conduite ou un béret (cul sec en cas de combo)

• La caméra utilise un grand-angle (voire fish eye) abusif

• Un plan sur la tour Eiffel

• Les personnages prennent un verre ou mangent dans un lieu improbable (double gorgée pour l'anniversaire d'Emily)

• Emily porte une tenue avec plus de 4 couleurs différentes

• Un plan de transition sur les bureaux de Savoir est réutilisé (et croyez-nous, c'est souvent le cas)

• "La Dame Pipi" ("la Dame Poo-Poo" compte pour deux gorgées)

• Les Français passent pour des feignasses

• Les Français passent pour des snobs (surtout quand il s'agit de nourriture)

• Emily porte un sac à main trop petit pour son smartphone

• Alfie, le personnage britannique, dit "Mate !" en VO (pour bien montrer qu'il est britannique)

• Gabriel passe une soirée ailleurs qu'à son restaurant (dont il est pourtant le chef !)

La saison 2 d'Emily in Paris est disponible sur Netflix depuis le 22 décembre 2021

 

Saison 2 : Affiche officielle

Résumé

Troquant le nanar aussi stupide que jouissif pour le simple navet ennuyeux, la saison 2 d'Emily in Paris n'arrive même plus à être involontairement drôle comme sa grande sœur. Nous voilà juste face à un désert narratif, qui donne envie de ressortir la guillotine dans les bureaux de Netflix.

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commentaires
Emma34
06/01/2022 à 14:08

Et un cul sec pour la Kronenbourg, "bière alsacienne" apprécié des chefs cuisiniers français !

Virage
27/12/2021 à 05:02

J’ai vu les 3 premiers épisodes et je vous trouve un peu dur avec la série. Je concède que l’histoire est d’une niaiserie sans nom, mais l’intérêt réside principalement à repérer les « clichés » (mot français utilisé tel quel dans les pays anglophones) façon Easter Eggs. Certains prêtent à sourire et possèdent un fond de vérité, d’autres on ne comprend franchement pas… Je lance d’ailleurs un défi : trouver une « dame pipi » aujourd’hui sur Paris! Apparemment on en trouverait à tous les coins de rues.
La palme revient pour le moment au train « couchettes » (à vapeur?) tout droit sortie du Crime de l’Orient Express d’Agatha Christie, compartiment avec finition bois acajou. J’ai eu un peu de mal à reconnaître mon train Corail…

Ahah
26/12/2021 à 00:59

Et pour être une française vivant à Londres je peux dire que si je buvais une gorgée à chaque fois que j’entends ou lis « mate » dans un texto, je serais bourrée tout au long de la journée!

Dsluc
25/12/2021 à 03:19

Franchement, j ai trouvé la première saison plutôt sympathique. De bons moments très drôles, des clichés (qui ne le sont pas toujours) sympathiques et jamais méchants, beaucoup d amour pour la France et un format 30 minutes qui convient parfaitement. Je n ai jamais compris cette détestation ultime pour cette série. Je n ai pas encore regardé la saison 2, mais la première était vraiment cool

Trop Serieux
24/12/2021 à 21:43

Bah, vous etes trop serieux. Cela n'est pas le plus recent film de Godard, Stanley Kubrick, ou Akira Kurosawa. Emily in Paris, c'est une coupe de sorbet, un peu trop sucre. On devrait seulement se demander si on s'est amuse, oui on non. Pour moi, c'est oui.

Etant de Toronto, avec un appart dans la 5eme, et vivant aussi en Californie, je me trouve dans un position d'en profiter d'EiP des deux cotes: j'aime la maniere qu'ils se moquent des Americains, et aussi des Francais. Oui, ce sont des cliches, mais il y a assez de verite dedans pour en rigoler. Je revois plusieurs de mes anciens experiences personnels (ex : confusion autour de la 1ere etage pour un francais, et un Americain.)

Se moquer des gens, cela n'est pas toujours bon. Mais EiP, fait par des Americains, se moque egalement de soi-meme. C'est tout fait avec de l'amour, et a la fin, ca donne envie de visiter Paris (et d'etre jeune et naif un fois de plus.)

Je n'ai pas encore vu saison 2, mais je vais en profiter de votre je a boire, et je vais etre content de revoir Paris, et mon quartier autour de Place de l'Estrapade, mise en scene. Je n'ai que 3 mois par an a Paris, et c'est sur mon ecran large en Californie que je peux revisiter en images.

Rimo
24/12/2021 à 15:23

Franchement votre critique... J'ai vu la première saison. J'ai trouvé sympathique sans plus (au même moment était diffusé le jeu de la dame). Je pensais regarder la saison 2 d'EIP plus tard. Mais vous m'avez donne l'envie de zapper le réveillon de Noël. J'y vais de ce pas. Bonnes fêtes.

Pukihiti
24/12/2021 à 13:48

J'adore et j'assume, c'est fifille et sans complexe. Pour bien connaître les États-Unis, je reconnais aussi les clichés distrayants de la France et des français, cela ne me dérange pas.

Shag on !
23/12/2021 à 22:24

... c'tait çà le mal de crâne ce matin aprés m'être noyé devant cette nuit : Tchin les gars et Joyeux Fasheune Noël Ecran Large !

Chris11
23/12/2021 à 20:00

@Foxy : Merci pour la phrase philosophique à deux balles du jour. Des nanars, il y en avait avant le streaming et il y en aura toujours. C'est juste qu'avant, soit tu payais ta place de cinéma/ta cassette/dvd, soit rien, cad que beaucoup moins de monde pouvait s'apercevoir de la nullité de certaines oeuvres. Aujourd'hui avec le streaming, en quelques clics tu as accès à pléthores de séries et films ; et avec la quantité, la nullité augmente forcément. Malgré l'aspect conso clairement peaufiné pour le consommateur moyen un peu bas du front, il y a aussi des très bonnes choses dans le streaming, faut juste passer outre les choix prédéfinis par la chaine et fouiller un peu. Et pour toujours avoir ma carte d'abonné ugc, ça fait un bail que je ne suis pas sorti d'une salle avec l'impression d'avoir vu quelque chose de vraiment sympa.

JamesCr
23/12/2021 à 19:59

Netflix ferait des saisons 2 le plus vite possible sans qualité ? Ça se saurait enfin...

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