Star Wars : Visions – critique qui allume son katana-laser sur Disney+

Antoine Desrues | 22 septembre 2021
Antoine Desrues | 22 septembre 2021

Avec le succès de Love, Death & Robots, il est clair que la série anthologique connaît un renouveau sur les plateformes de streaming. Star Wars : Visions semble ainsi être une réponse claire et maline de la part de Disney+, offrant à des pointures de l'animation japonaise la possibilité de réinvestir l'univers de George Lucas. Alors, pari réussi ?

Cure au zawa

Pour ne pas y aller par quatre chemins, Star Wars : Visions est un vent de fraîcheur bienvenu pour la franchise de science-fiction. Il faut dire que depuis le rachat de Lucasfilm par Disney, la galaxie lointaine, très lointaine s'est globalement reposée sur ses acquis, entre de nouveaux films chevillés à la trilogie originale, et un Mandalorian sympathique, mais souvent contraint de se transformer en musée dédié aux artefacts de la saga.

Dès lors, les fans en quête de nouveauté devraient être servis avec cette série de courts-métrages en japanim, qui n'attendent pas bien longtemps pour balancer tour à tour des sabres-laser sous forme de katana ou d'ombrelle, ou encore un groupe de J-pop de l'espace mené par un Hutt avec un piercing au nez.

 

photoLa frontière entre ultra-cool et grotesque est parfois poreuse

 

Mais après tout, cette inventivité débridée a toujours été l'apanage de Star Wars, qui a fondé l'universalité de sa mythologie sur un pur melting-pot culturel, mixant tous ses référents dans ses designs et ses symboles. À ce titre, la démarche de Visions est un retour aux sources évident, étant donné que George Lucas a toujours avoué son admiration pour le cinéma japonais, et plus particulièrement pour Akira Kurosawa, dont le film La Forteresse cachée a même servi de modèle à la structure narrative d'Un nouvel espoir.

Justement, la série met les pieds dans le plat avec The Duel, son premier court réalisé par Kamikaze Douga (JoJo's Bizarre Adventure, Ninja Batman) dans un noir et blanc crayonné qui se réfère au maître du septième art, au point même de reprendre de façon jouissive le concept (voire certains plans iconiques) de Yojimbo. On y voit des mercenaires dans des tenues de stormtroopers remaniées, une musique piochant dans les orchestres de John Williams et dans les voix entêtantes de Ghost in the Shell, et surtout, un montage dynamique et des effets de distorsion dans l'image parfaits pour accompagner un combat de sabres-laser épique.

 

photoMême quelques visages familiers sont de la partie

 

Pour autant, si cette note d'intention est à n'en pas douter la grande force de Star Wars : Visions, elle est aussi sa principale limite. La mayonnaise prend presque trop facilement, dans une conscience réflexive appuyée quant aux origines de la saga. Bien entendu, il est assez beau de voir tous ces studios de création boucler la boucle en réinstaurant Star Wars dans une forme d'art qui s'en est nourrie, mais il manque finalement à la série un grain de folie supplémentaire, celui qui l'amènerait à faire un réel pas de côté grâce à son format.

Parce qu'au final, les réalisateurs et auteurs des divers épisodes ne peuvent pas s'empêcher de se rattraper aux mêmes branches. On y retrouve quelques codes évidents de la franchise (la fameuse phrase "J'ai un mauvais pressentiment" revient à chaque fois) ou les mêmes choix de récits, presque tous focalisés sur des Jedi et le rapport à la Force. Certes, l'ensemble ramène souvent la saga à ses racines bouddhistes – avec pas mal d'intelligence –, mais il est tout de même un peu triste que seuls certains éléments clés soient convoqués face à un univers aussi riche.

 

photoThe Elder

 

Un fantôme dans une coquille ?

Cependant, difficile de jouer les pisse-froid face à la générosité des sept studios qui ont donné vie aux neuf courts-métrages de cette saison 1. Il est notamment plaisant de voir Trigger, les créateurs du génial et délirant Promare, retrouver leurs explosions de couleurs pétaradantes dans The Twins, une proposition d'action débridée centrée sur des enjeux de mutation qui flirtent volontiers avec Akira. Pareil pour I.G. Production (le mastodonte derrière Ghost in the Shell et les premières saisons de L'Attaque des titans), qui met en avant tout son savoir-faire dans The Ninth Jedi, sans doute l'épisode le plus riche et complet de cette sélection.

De cette façon, on ne saurait enlever à Disney+ les moyens mis en œuvre pour la création de Star Wars : Visions, dont la qualité de l'animation est supportée par un doublage au poil, autant en japonais qu'en anglais (ce dernier étant d'ailleurs servi par des guests sympathiques, d'Allison Brie à Kyle Chandler en passant par Joseph Gordon-Levitt). Chaque studio y trouve l'occasion de briller, et de pleinement s'amuser dans un élan geek et passionné franchement communicatif.

 

photoTu la sens, l'énergie de Trigger ?

 

Reste que l'ensemble est sans doute un projet bien plus mineur et humble qu'on ne l'aurait espéré. Tandis que cette réappropriation de l'univers aurait pu mettre en place une véritable révolution plastique, on la sent encore entravée par le plus petit dénominateur commun. On en vient même à s'étonner lorsque Science Saru (Devilman Crybaby, Ride Your Wave) sort des sentiers battus avec T0-B1, de loin le court-métrage le plus inventif et émouvant de cette fournée. Son esthétique plus rondouillarde et mignonne que celle de ses confrères s'adapte parfaitement à sa relecture déguisée d'Astroboy, dans laquelle un jeune droïde se fantasme en Jedi.

Visions y trouve alors une façon idéale de sublimer son postulat, en ramenant la passion et l'hommage envers Star Wars à la puissance de son imaginaire, qui a fait rêver tant d'esprits à travers des générations de spectateurs. La prouesse en est d'autant plus belle qu'on se rend vite compte de la vacuité d'autres courts-métrages, plus préoccupés par leur envie de "cool" que par le cœur émotionnel de leur histoire.

 

photoT0-B1, le meilleur épisode

 

On en veut pour preuve The Elder, l'autre proposition de Trigger cette fois centrée sur un maître Jedi et son padawan qui croisent la route d'un mystérieux vieillard Sith. Le film a beau être porté par un crescendo menant à un combat fascinant, l'ensemble n'a pas grand-chose à raconter derrière son simple shot d'adrénaline.

À vrai dire, c'est à travers ce court-métrage que l'on met le doigt sur les manquements de Star Wars : Visions. Alors que le protagoniste allume son sabre-laser, la pluie se met à tomber, et à créer de la vapeur en touchant la lame. Cette idée, aussi simple que magnifique, était déjà au cœur d'une séquence fondamentale de l'ancienne série Clone Wars, celle réalisée par Genndy Tartakovsky. Le créateur de Samouraï Jack avait justement usé de l'animation pour libérer l'imaginaire de Star Wars et le nourrir d'envies esthétiques aussi tirées du manga que des films muets des années 20.

Dès lors, malgré le plaisir évident qui émane de son visionnage, Visions n'en paraît que plus timorée. Lucasfilm semble nous promettre de réinventer la roue avec son dispositif, mais on attendra pour cela de voir si une deuxième saison saura prendre plus de risques.

La saison 1 de Star Wars : Visions est disponible en intégralité sur Disney+ depuis le 22 septembre 2021

 

affiche

Résumé

Star Wars : Visions est par instants une belle surprise, à la fois inventive et généreuse. Mais la rencontre entre l'univers de George Lucas et l'anime enfonce pas mal de portes ouvertes lorsqu'elle se veut introspective et réfléchie sur l'impact de la saga, quitte à manquer de mordant.

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Lecteurs

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commentaires
Kira14000
24/09/2021 à 10:42

@qrientintichti

C’est quoi le problème , c’est assez simple de se tromper , à l’époque c’était des hommes et ça ne me choque pas de dire « ils » comme maintenant Lana est une femme est de dire « elle » pour le nouveau matrix .
C’est fous comment les gens peuvent s’offusquer pour quelque choses de relativement nouveau dans la société.

Et c’est pas en étant agressif que tu va éduquer ou changer lee états esprit bien au contraire , la a part braquer ton auditoire tu ne fera rien de plus.

Alors paix et prospérité et si ça ne suffit pas prend un Xanax ;)

Cl3ms
24/09/2021 à 08:00

J'ai du mal à voir l'intérêt, parce que le principal problème de Starwars by Disney c'est pas les belles images ou des personnages "cool", mais des histoires au mieux médiocres. Et que ce n'est pas une anthologie de courts métrages (canons ou pas ?) qui changera ça

Fangorn37
23/09/2021 à 17:58

Après m'être "infusé" cette saison 1, je n'ai pas compris l'intérêt de cette réinterprétation de l'univers Star Wars... Disney manque t il a ce point d'imagination ?

Poulpe
23/09/2021 à 17:38

La VF sur Disney + . J'ai adoré , même si selon moi la qualité des cours métrages et des scénarios sont hétérogènes.

Qrion
23/09/2021 à 11:17

@rientintichti

Les soeurs* Wachowski.
Qu'elles reviennent*
Qu'elles ne se perdent*
Il faudrait qu'elles*

Ta transphobie flagrante n'a rien à faire ici. Ça commençait pourtant bien avec ta contribution pertinente sur Animatrix, je comprends pas l'intérêt d'étaler en plus ta haine envers la communauté LGBTQI+. Crie un bon coup ou tape dans un mur et passe à autre chose si ça te frustre autant que 2 mecs que tu ne connais pas et ne connaîtra jamais aient décidé de changer de sexe.

Antoine Desrues - Rédaction
23/09/2021 à 10:54

@Mouthoumets

Nous avons reçu les épisodes en avance, et la version envoyée par Disney ne contenait pas la VF, juste les versions anglaises et japonaises. D'où notre absence d'opinion sur la question.

rientintinchti
23/09/2021 à 00:27

ça me fait penser à animatrix qui tournait autour de matrix des frères wachowski.
Espérons que cette série animée soit aussi bien que animatrix.
Je pense même que les frères wachowski auraient pu réaliser un épisode star wars de qualité.
Espérons qu'ils reviennent à quelque chose de qualité et qu'ils ne se perdent plus dans des trucs bas de gamme artificiellement gay friendly creux et inutiles genre sense8 ou de la philo pseudo mystique à la cloud atlas.
Faudrait qu'ils reviennent à de l'action virile, burnée et bourrée de testostérone.

Mouthoumets
22/09/2021 à 20:47

Et la vf?

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